"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Qu'un légionnaire assassiné nous entraîne dans les méandres de la guerre d'Algérie. passe encore ! Mais quand deux, trois puis quatre de ces mercenaires à la retraite sont retrouvés égorgés, difficile d'imaginer que d'autres guerres plus anciennes, l'Indochine ou la 2e guerre mondiale, puissent en être la cause! Et pourtant. Des faubourgs d'Alger au trésor des nazis, du delta du Mékong aux lacs autrichiens, de New York au camp des oubliés, Clovis, égal à lui-même, va parcourir le monde et relire l'Histoire afin de démêler ce sac de noeuds aux racines obscures ! Mais quel est donc le lien entre les « piliers » du Beau Bar, ces virils baroudeurs et la Madone de Botticelli?
Alors là, Maurice GOUIRAN y va fort ! Mêler dans un même roman l'Indochine, la guerre d'Algérie et la 2e guerre mondiale, il fallait oser ! C'est pourtant ce qu'il entreprend ici, dans son 14e roman. Maurice GOUIRAN ne baisse pas la garde et, qu'on se le dise, ses romans ne désarment jamais : intrigants, documentés, fouineurs, humanistes, dérangeants, historiques, noirs et déroutants, ils ne vous lâcheront pas, jusqu'à votre dernier souffle ! Non seulement, et comme dans chacun de ses polars, l'intrigue est aussi rondement menée qu'une alléchante bouillabaisse en pleine ébullition, effluves compris. Mais encore, mais surtout, les hommes, les femmes, les lieux qui peuplent ce roman et lui donnent chair, sang, corps et âmes, Biscottin, Wilhem, Alexandra, Le Polack, Hans, Trunq et les autres possèdent cette « petite chose », cette étincelle qui rend ce récit si vivant, si palpable, si réaliste qu'une fois le bouquin posé, vous vous demanderez encore si vous avez rêvé ou si vous avez trop regardé la télévision ! L'Algérie, l'Indochine, avec ses horreurs, ses tabous et ses ignominies, c'est toute une partie plutôt honteuse de l'Histoire, que Maurice GOUIRAN aborde avec son habituelle verve ! Et au-delà des mots, comme une indélébile marque de fabrique, Maurice GOUIRAN n'oublie jamais les exclus, les paumés, les éternels oubliés, tous ceux sans qui Clovis Narigou, son héros, ne saurait exister ! Et « c'est pas parce que les portables remplacent les téléphones fixes, les TGV, les locos à vapeur et les autoroutes les chemins cahoteux, que ça empêche de faire la bouille et la rouille selon les règles de l'art ! »
Maurice Gouiran, nous régale encore avec un polar savoureux. Quatre légionnaires sont assassinés à Marseille. L’enquête conduite par Clovis va se transformer en une chasse au trésor tout en mélangeant faits historiques et fiction. L’auteur lève le voile sur les guerres en Indochine et en Algérie en en dénonçant les faiblesses, les tortures et l’immonde. Il révèle Sainte-Livrade-sur-Lot, où se trouve un camp qui a accueilli les réfugiés vietnamiens au retour de la guerre et où certaines familles d’exilés y vivent toujours 50 ans après, dans un climat de misère et d’abandon. Il raconte l’histoire du trésor des nazis qui aurait été caché au fin fond du lac autrichien Toplitz. . M. Gouiran nous parle de Marseille à cœur ouvert et a le don de me transporter dans ce sud fait de 'collines sèches et de vallons arides', d’étouffer dans la canicule d’août, m’effrayer des pluies torrentielles de début septembre, me mettre l’eau à la bouche quand il décrit les senteurs des poissons grillés, d’aïl et herbes provençales, me promener dans tous les quartiers phocéens et me faire revivre le Vieux Panier et les calanques, me donner envie d’un cabanon caché derrière des pins d’Alep. Criant de vérité, ses personnages sont attachants. Il a donné le ton parlé à son héro mais l’écrit en lui-même est remarquable. Le rythme est rapide et l’intrigue m’a tenue de la première à la dernière page. Maurice Gouiran est à mon avis, un des plus grands auteurs de romans policiers français. Coup de cœur pour ce livre acheté mercredi dernier à la librairie du Mucen!
Clovis Narigou, le héros récurrent de Maurice Gouiran est à l'oeuvre dans ce roman sorti en grand format en 2008 et édité en poche cette année, toujours par Jigal. Le principe de Maurice Gouiran est de plonger Clovis dans des histoires liées à la grande Histoire, celle du vingtième siècle. Ici, on parle beaucoup des guerres d'indépendance perdues par la France, Indochine et Algérie, dans lesquelles les légionnaires ont été particulièrement actifs. Pour les légionnaires, le corps auquel ils appartiennent passe avant tout ; ils viennent de divers horizons, ont des histoires dures et tout est oublié en entrant dans la Légion. Dès lors, on y retrouve des gens au passé trouble, surtout lorsqu'ils l'intègrent vers 1945. L'Indochine et particulièrement Dien Bien Phu furent mal vécus par les Français qui ont très rapidement été appelés en Algérie pour une guerre qui ne disait pas son nom et qui allait se révéler un même traumatisme pour eux et pour les Algériens. Maurice Gouiran parle de la torture que l'armée française a utilisée pour faire parler des indépendantistes algériens, du viol des femmes algériennes, tout cela pour garder un territoire qui devait rapporter, au moins aux colons ; ainsi parle Zouba, un ancien de l'Armée de Libération Nationale : "Mes grands-parents étaient autrefois agriculteurs dans la plaine. Ils vivaient modestement mais correctement de leur labeur, et puis les domaines de Européens se sont étalés peu à peu aux dépens des nôtres. Les colons nous ont chassés et sont devenus propriétaires de toute la plaine fertile. Alors nous avons dû quitter nos terres pour la montagne où nous avons créé des villages. Là-bas, c'était une autre vie, beaucoup plus difficile au milieu des terres arides." (p.59/60)
L'enquête de Clovis le mènera à Sainte-Livrade, dans le camp aménagé à la hâte pour accueillir en 1956 les Français d'Indochine. Plus de cinquante ans après, certains y vivent encore, totalement oubliés, qui ne rêvent selon Clovis que d'être traités comme les Harkis, ce qui en dit long sur leur misère puisqu'on sait que les Harkis ne sont pas particulièrement bien considérés par la France.
Ce que j'aime dans les romans de Maurice Gouiran, c'est qu'à chaque fois, j'apprends quelque chose, un pan oublié de l'histoire de notre pays ou d'autres nations (ce fut l'Espagne par exemple pour L'hiver des enfants volés). Et il fait cela très bien, en alliant enquête, Histoire, personnages marseillais typiques -avec leur parler qu'un mec du nord comme moi ne capte pas toujours, mais qui ne nuit pas à la bonne compréhension générale des dialogues- , un peu d'humour, de légèreté avec Alexandra, l'ex de Clovis qui revient le voir pour une quinzaine torride -je rassure les lecteurs chastes, tout est suggéré, rien n'est décrit, du tourisme à Marseille -d'ailleurs la pâtisserie tunisienne dans laquelle Clovis rencontre Zouba ressemble fort à l'une que nous avons fréquentée assidument lorsque nous étions dans cette ville en vacances il y a deux ou trois ans- et dans les environs, ... Avec tout cela on dans les mains un très bon polar, instructif et humaniste car, comme le dit Alexandra à Clovis -et je finirai là-dessus, car je partage son avis- : "Ce qui t'intéresse, bien plus que les faits, ce sont les hommes. Ça transpirait dans tous tes reportages et aujourd'hui tu prends à bras-le-corps des enquêtes et tu t'y investis jour et nuit alors qu'on ne te le demande pas forcément. Si encore c'était pour gagner quatre sous, mais même pas..." (p.236)
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