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Époque des grandes ruptures - de l'Histoire, du savoir, du sens, du religieux - le XIX? siècle n'a cessé de chercher des compensations et de faire resurgir, parfois malgré lui, ce qu'il croyait avoir enterré. Ainsi la magie, condamnée au nom de la raison scientifique, réapparaît-elle dans le champ de la littérature pour nourrir les oeuvres et les formes d'écriture les plus novatrices. C'est ce qu'Yves Vadé s'attache ici à démontrer , au fil d'une double histoire, intellectuelle et textuelle. Pa r-delà le sacre de l'écrivain, le sacre de l'écriture, de Chateaubriand l'«Enchanteur» à Rimbaud le «Voyant». Chateaubriand est en effet le premier écrivain chez qui les prestiges de l'incantation se transposent en une «écriture d'enchantement», parvenant à recréer au plan du texte un équivalent du monde mythico-magique, au moment même où elle en constate la disparition. Yves Vadé met en lumière la période de formation de cette tradition littéraire qui passe par Hugo, Nerval, Gautier, Baudelaire, Lautréamont, Mallarmé, Rimbaud et qui se poursuit jusqu'à André Breton dont le dernier livre portait précisément sur L'Art magique. Le sujet est à deux entrées : celle de l'imaginaire magique, que la littérature romantique exploite à sa manière, mais qui renvoie à un fonds immémorial ; celle de la magie de l'écriture, qui suppose, elle, des ambitions neuves, des procédés originaux, des situations historiques inédites. Registres différents, dont l'auteur montre qu'ils se conjoignent en miroir. Si l'écrivain se reflète dans les figures de magiciens qu'il aime à mettre en scène, il doit bien se rendre à l'évidence : «si proches qu'elles soient de la magie, ses formules ne sont douées d'aucun pouvoir sur le monde des phénomènes. Elles n'émeuvent que le vieux désir humain, enfermé en lui-même comme Merlin dans sa prison d'air». Dans l'articulation de ces deux versants du même thème se dessine une thèse. Plutôt qu'un héritage ou un vestige dévalué des siècles où le sorcier, le mage, le prophète, l'enchanteur étaient craints ou vénérés, la magie propre au langage est la forme de reconquête d'un merveilleux perdu. À la cohérence ébranlée des croyances collectives se substitue la cohérence intrinsèque des écritures personnelles. En l'espace d'une page, d'une phrase ou d'un vers se reconstitue l'unité fugitive de l'univers et du mythe.
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