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« La cité, ce sont les hommes »: toute la tragédie d'Oedipe pourrait s'interpréter dans ces paroles emblématiques prêtées par Thucydide à Nicias. Oedipe menant son enquête sur la mort de Laïos n'a d'abord pas voulu comprendre que c'est dans la continuité de la parole échangée, dans les échanges qu'énonce la langue, que les hommes construisent à la fois la cité et leur propre identité.
Oedipe l'errant, le Thébain non thébain, le citoyen non-citoyen, n'offre pas au début d'Oedipe roi - ou plutôt Oedipe le tyran - l'image qu'on lui a longtemps accolée du bon roi plaçant toute son intelligence dans la recherche du salut de son peuple.
Bien plutôt, la pièce s'ouvre sur le spectacle terrifiant de l'homme qui croit, dans un délire ipséiste, maîtriser à lui seul les mots au coeur desquels gît la vérité de la cité, lui qui énonce le contraire de ce qu'il croit dire, entend le contraire de ce qu'on lui dit. Il lui faudra s'astreindre à écouter, aller à la rencontre des mots de la cité - carrefour plus fatal que celui où il tua son père - pour apprendre - dans un drama collectif entraînant le poète, le choeur et les spectateurs -, ce que parler veut dire. Si la tragédie sophocléenne est apprentissage, Oedipe roi est bien la tragédie de la langue.
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