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Existe-t-il un art spécifique de la montagne, des oeuvres dont elle serait la muse et l'inspiratrice ? Au commencement était la solitude des longs étés sur les premiers alpages dans une nature où règne la violence mère de l'angoisse.
Au commencement furent les gravures des bergers du Val Camonica en Italie, du Mont Bégo dans la vallée des Merveilles de l'Alpe maritime ou des grottes bergeries d'altitude du Dauphiné, voire ces émouvants dessins animaliers pariétaux tracés d'une main sûre et rapide il y a plus de trente millénaires dans cette grotte ardéchoise à deux pas du Rhône, le plus puissant de nos fleuves alpins. Pierres levées, cairns, dolmens préfigurent déjà le land art d'aujourd'hui. Nécessité et recherche du sens se mêlent intimement.
Pour ne pas choir dans l'abîme seul ou avec ses bêtes l'homme dresse des repères qui bornent son effroi.
Puis vint le temps où l'homme apprivoisa la montagne, l'habita toute l'année, toute une vie. Génération après génération s'élevèrent ces admirables villages d'une civilisation agro-pastorale aujourd'hui disparue. Avec les mêmes couleurs que leurs ancêtres de la préhistoire, l'ocre jaune, l'ocre rouge et deux ou trois autres terres, les maisons et les églises se couvrirent de badigeons, de stucs, de statues de bois et de pierre. Aux chapelles romanes succédèrent les hauts campaniles, les cloches et les orgues de village... Sait-on que les Maestri Ticinesi, évoqués par Dominique Fernandez dans son livre La perle et le croissant, originaires du Tessin, des Grisons, des régions de Côme ou du lac de Garde, comme leurs noms l'indiquent, portèrent leur art du décor et du stuc à travers toutes les Alpes et l'Europe, de Saint-Pétersbourg à la Corse et la Sicile ? Semblable au déserteur itinérant, imagier naïf dans le val du Nendaz en Valais, dont Giono a raconté l'histoire, ils formèrent des artistes et des artisans dans la mouvance du concile de Trente d'où naquit le Baroque dans la lignée des fameux Francesco Borromini et Gianlorenzo Bernini, tous deux bien alpins.
André du Bouchet, l'un des grands poètes de notre temps récemment disparu nous donne la clef de l'énigme posée à l'homme face à une nature hostile et indéchiffrable : neige, glace, eau si vous êtes des mots, parlez ... Lecteur assidu de Senancour et de Ramond de Carbonnières et ami des meilleurs artistes d'aujourd'hui, Tal Coat, Bram Van de Velde, Tapiès, Giacometti, Asse, la montagne fut pour lui l'une des sources d'où jaillit cette voix si nouvelle. La poésie dira-t-il force les mots à livrer leur ciel. Belle et juste définition pour l'art de tous les temps et en particulier pour celui qui s'épanouit au voisinage des sommets. L'art, l'éclair de l'être, titre d'un beau livre du philosophe Henri Maldiney, comme la foudre sur les monts.
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