Blanche vient de perdre son mari, Pierre, son autre elle-même. Un jour, elle rencontre Jules, un vieil homme amoureux des fleurs...
«- Il serait temps que je meure, sinon je vais vous fatiguer.- C'est toi qui te fatigues : tu ne t'ennuies pas, toute la journée à ne rien faire ?- Je ne m'ennuie jamais. Quand je n'aurai plus rien à faire, je deviendrai enfin bonne.»Une nuit, la narratrice rêve que sa mère, handicapée et malvoyante, parcourt à pied dans l'obscurité les cent kilomètres qui les séparent. Ce rêve inaugure un temps durant lequel, dans la «grande et brave maison» où la mère voudrait mourir parmi les siens, se renoue un lien ambivalent mais tenace. Cinq ans plus tard, la presque centenaire assumera avec courage la nécessité de son placement dans un établissement de soins. Cet exil se doublera du confinement imposé par la pandémie, la voix de la mère au téléphone constituant l'unique vecteur de sa révolte. La mort l'emportera sans qu'elle ait pu revoir ses enfants. Mais ce qu'elle a voulu faire de sa fin offrira une lumineuse consolation au désarroi familial.
C'est un livre très personnel mais aussi universel que nous propose Caroline Lamarche. Elle nous raconte sous forme d'un journal divers moments et souvenirs de la fin de vie de sa mère. Une maman distante, travailleuse comme une abeille dans une ruche durant toute sa vie. Une femme qui tenait la maison, élevait ses enfants, plantait des arbres et des géraniums et entretenait ses ruches.
Une femme atteinte d'une dégénérescence de la macula qui peu à peu perdait la vue et le cours de sa vie, résignée à devoir lâcher prise. Une femme organisée qui ne voulait pas déranger, qui élaguait les traces de son passage (des courriers, son herbier), qui a tout planifié jusqu'à son départ, sa cérémonie de funérailles. Une mère s'abreuvant de mots, de lecture, en écoute audio du soir au matin.
Une mère que Caroline Lamarche visitait chaque semaine, distante, qui n'avait jamais fait preuve de tendresse et de douceur. Sauf un jour sur un banc, une brèche, un moment d'abandon, de paix enfin trouvée, prête à partir mais la médecine fait des merveilles et un pacemaker la prolonge.
Une mère aux phrases tranchantes, difficiles à entendre : "les enfants il suffit de les éduquer comme des chiens", "Quand tu seras mariée, tu seras enfin heureuse"... mais aussi un jour "Chérie, chérie, je t'ai adorée enfant, et maintenant je te retrouve !
Ce récit, ce sont les derniers moments de vie, la vieillesse arrivant, l'aménagement des soins à la maison car elle souhaitait mourir chez elle, mais l'arrivée du Covid en a décidé autrement, les derniers mois en Ephad, avec la solitude, le manque d'humanité suite au manque de personnel et dysfonctionnement et enfin l'absence.
La fin des abeilles c'est aussi la nostalgie, un livre sur la mère avec un père omniprésent. Une écriture magnifique, sobre, épurée. Un livre que j'ai beaucoup aimé dont il reste beaucoup en soi après la lecture.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
Si le ménage était une guerre, le soin aux abeilles lui conférait une délicatesse de démineur.
Je me demande si ces défuntes ne m'ont pas chargée, à mon insu, d'une mission délicate : être là pour recueillir les mots des hommes qui leur survivent. Mots auxquels ces endeuillés tyranniques préfèrent que je ne réponde pas. Je suis une poste restante.
À force de la côtoyer, je finirai par croire que disparaître n'est rien quand on sait que les fleurs qu'on a plantées vous survivront.
Personne ne pleure quand les fils portent haut le père.
Nos silences ont des racines très profondes, comme les renouées du Japon qui ont colonisé les bords de l'étang en étouffant les plantes natives.
Lorsqu'un homme et une femme s'accompagnent au fil de longues années dans le déroulement quotidien de leurs tâches parallèles ou communes, cela ne fait pas beaucoup de bruit. Ce n'est même pas un sujet de livre. C'est pourtant ce refus de l'extraordinaire, du dramatique, au profit du mouvant, du laborieux, de l'infime, qui fait de l'amour conjugal quelque chose d'inouï.
Chérie, chérie, je t'ai adorée enfant, et maintenant je te retrouve !
On écrit pour devenir au monde plus vivant.
Elle disait une seule chose à tout le monde et cela ne prenait guère de temps : qu'elle était ici pour épargner ses enfants, que leur bonheur prévalait le sien. De la sorte, elle se reconstruisait une image, réinventait sa liberté perdue : c'était sa décision
https://nathavh49.blogspot.com/2025/01/la-fin-des-abeilles-caroline-lamarche.html
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