"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Inédit à ce jour, Bonjour est associé dans ce recueil à la réédition de Hotdog (Le Pédalo ivre, 2017). L'un et l'autre ont pour trait commun de questionner des formes de précarité et d'invisibilité des femmes : femmes de ménage dans Bonjour, SDF toxicomanes dans Hotdog. Deux textes à l'écriture aussi poétique que documentaire, régulièrement mis en scène.
Un mémorial !
Sociétal, finement politique, « Bonjour, suivi de Hotdog » est un témoignage vibrant.
La mission même d’une littérature vivante, cruciale, qui nous touche en plein cœur.
Le triomphe de la parole.
L’évidence de la vérité.
Elles sont ici. Femmes invisibles, effacées du tableau des jours de gloire.
Éblouissantes de ténacité, résistantes et silencieuses.
Abandonnées dans les écueils, les pertes d’estime et le dos courbé par un trop plein d’heures acharnées d’un travail exigeant, nécessaire, et pourtant si décrié par les a priori.
« Agent d’entretien / Un genou à terre / Je dois me taire. »
Femmes de ménage, l’opératif dans la nuit sombre, l’effacement de la dignité, avant que le jour ne se lève pour les autres, ceux et celles bercés par un matin enchanté.
Le tissage d’un rituel de labeur. La déportation de la joie, ailleurs ou jamais.
Elles sont héroïnes dans le miroir du matin. Abattues dans le crépuscule du néant.
Archivées dans nos consciences, détournées de la gloire. Et pourtant, elles sont le fronton de la méticulosité, l’exemplarité. « Le bruit de la fatigue n’existe pas. » « Amina, elle a bac + 4. Mais comme elle a pas bien la langue, elle fait femme de ménage. »
Séquestrées d’espérance, étrange (ère), la langue Babel, soumises, « on est sur le passage / On encombre. » « Aux mains, on voit qu’on fait le ménage. »
Ce texte est l’écho de nos faillites. Le vivre-ensemble dans le néant des infinies inégalités. Nécessaire, il remet d’équerre nos errances affectives et nos indifférences.
L’intimité d’elle, (elles), ailes, au plus profond « CON -SI – DÉ – RA - TION », « c’est tout / c’est clair / c’est ça. »
« Hotdog » sonne le glas de l'équité. D’un habitacle, d’un Alcazar, S.D.F, sans abri, soumis aux diktats des grands vents. D’une vulnérabilité qui se sait condamnée. Texte de collecte et devoir de parole. La prononciation des souffrances cinglées de froid et de misère humaine.
« Il faudrait faire la lessive / dans le corps partout / Qui sait faire ça ?. »
Natyot rassemble les disparités, cueille les mots comme des murmures des langues endormies. Éveille nos sens et prend part aux destinées loyales.
Elle somme les voix et encense ces femmes inoubliables et battantes. Donne la parole, comme un regain en devenir, piédestal d’une fraternité, pour que tout change enfin.
« Est-ce que je sais être gentille ? / est-ce qu’on m’a appris à être gentille ? /je mets mon nez à la vitre des voitures / tous eux. / Ils regardent leur volant / des fois ils soufflent / Tous eux / Ils sont e-xas-pé-rés / de moi / Tous eux / Ils font semblant / de pas-voir-savoir/ Tous eux / ils connaissent leur direction…. / C’est pas la joie. »
Nos semblables en humanité sont ici. Dans ce fronton des républiques en décadence. Lire ce documentaire est une urgence absolue. Un combat pour eux et elles. L’offrir par milliers, et acter le grand bouleversement. D’une utilité publique, il est un livre blanc à bâtir. La littérature comme outil. Natyot est une belle personne. Prendre soin du Journal de Résidence dans les premières pages. « Ça ne va pas aujourd’hui. » « Elles ont des sourires . » « Elles parlent arabe. » « On va raconter. On l’a voulu. On y est. »
Un documentaire inestimable à déposer dans les antres où tout est consigné et respecté.
Pour que tout change, enfin. À noter une magnifique couverture réalisée par Renaud Buénerd : " et qui semble bien interpréter les propos de l'auteur ."
Publié par les majeures Éditions La Contre Allée.
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