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À la saison des abricots (paru au Caire en 2019) est un cycle poétique de Carol Sansour dont le pouvoir réside dans la façon dont il subvertit, sans effort, les représentations attendues tant de la cause palestinienne que de la féminité arabe.
Par une sincère, rafraîchissante et non affectée vision de soi et de sa patrie, Carol Sansour, originaire de Beit Jala, montre à quel point le discours littéraire moderne sur ces deux sujets s'est révélé peu convaincant et contre-productif. Pour cela, elle ne recourt ni à la contestation ni à la confrontation mais utilise la langue la plus organique - sans aucune distinction entre le dialecte palestinien et l'arabe standard, ou entre les registres poétiques et prosaïques - pour exposer les choses les moins rhétoriques.
Elle peut écrire : « Il se pourrait que l'idée de nationalisme arabe soit précisément l'idée de l'État d'Israël. » Mais c'est en remplaçant, par une présence sensuelle et physique, la patrie idéalisée et absente que les poètes arabes ont déplorée et à laquelle ils aspirent depuis la Nakba, qu'elle nous rend émotionnellement, intellectuellement, et peut-être même politiquement conscients de ce que signifie être une femme laïque, indépendante et socialement engagée en Palestine.
À la place d'un paradis qui n'existe pas, Sansour nous offre une terre brute où mères, filles, épouses et soeurs s'affrontent au quotidien et à l'universel. Et au lieu d'un « féminisme » occidental non situé qui recycle déclarations de l'onu et affirmations politiquement correctes d'une identité dépourvue de tout contexte arabe, elle nous propose une perspective féminine émancipée.
Tour à tour lyriques, narratives et polémiques, ces pièces intenses et concises traversent non seulement l'occupation et le patriarcat - que Sansour présente rarement sous leur nom - mais aussi bien la beauté, l'amour et l'impératif de rester un agent humain par opposition à un rouage dans la machinerie de quelque grand récit idéologique. Le résultat, pour rester fidèle à soi-même, n'en est pas moins « engagé » et éloquent.
Youssef Rakha, Al Ahram, 20 décembre 2019
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