"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L’empathie stupéfiante, « Voir Montauk » est humble et magnanime, (la plus belle des qualités humaines). Un hymne à la mère dont la justesse des mots révèle une poésie sublime et douce. « Voir Montauk », le macrocosme des mansuétudes. The End, l’allégorie d’une destination intime, unique, l’espérance des survivances.
Ce premier livre de Sophie Dora Swan est le cri du cœur, celui d’une jeune femme pour sa maman. Cette dernière est en proie à la mélancolie depuis toujours. Affligée dans le crépuscule de sa vie, le temps est compté. Ce chant d’amour viscéral, infini est un rai de lumière. Si beau, si présent, si authentique, que les larmes coulent. Montauk, l’idéal dans leurs mains. S’accrocher à ce projet, voir Montauk comme une grotte en pleine montagne, refuge où ne remue que le vaste des résistances, l’édénique, la plausible guérison.
Ce texte est une litanie, un éphéméride dont l’urgence est le temps présent. Comme une prière à mains nues confiée à la matrice-mère.
« Voir Montauk » rémanence, résurgence, agir, se dévouer, s’abandonner, vertueuse, digne, dévoreuse de regards, profiter et aimer encore. La grâce parentale, ne jamais lâcher le fil.
Semaine après semaine, l’épistolaire est bouleversant. Sablier qui s’écoule, les grains de sable qui agitent les souvenirs. Le quotidien et son devoir, celui d’un escompte hyperbolique du futur. Vivre avec des bottes de sept lieues, rattraper le temps perdu, espérer encore, un peu, beaucoup, passionnément. Fille et mère siamoises dans l’épreuve. Vaincre les troubles mentaux. Rassembler l’épars de ce qui peut changer. Convaincre Montauk d’être le passeur, l’oasis, le lieu vierge d’elles (ailes) comme s’il pouvait tout changer et tout arrêter.
Les mains dans la farine, façonner le gâteau pour l’absente, et répondre présente le jour comme la nuit, malgré les doutes cauchemars.
« Voir Montauk » «Contre nos impuissances/un couteau/ma rage la nuit/nue/sur le comptoir de la cuisine/où nous dansions autrefois. Oui/réduire l’abysse/qui te sépare du monde/ vivant ».
L’exutoire est intègre et intransigeant, « peut-être/malade/de moi/fille/qui pleure/comme tu te noies ».
Elle ne cède rien à ce qui fût de son enfance. « Je viens au monde et je bouleverse le tien, ce bébé, c’est la solitude des femmes oubliées, ce sont les gens que tu ne peux plus regarder, mais comme le phare de Montauk tu te tiens debout, mère et filles alliées en brise-lames, mes cris pour te ramener du loin où tu pensais aller ».
Cette mère vulnérable, dont l’écho fissure le « je » d’une narration qui rassemble les conséquences, mains en coquille même si, « je me demande si on échappe un jour aux douleurs héritées en pendentif.. .Voir Montauk, un espace de compensation ».
Le phare dont le halo attire comme un aimant tout le ressac d’une mère (mer). Tout recommencer et ne plus se tromper, et renaître. Où se trouve le bon ordre ? Qui de la mère ou de la fille s’est perdue sur la marelle entre ciel et terre ?
« Des lèvres qui sont comme des cailloux entre toi et moi, un chemin pour nous éloigner l’une de l’autre et nous retrouver ». « Je m’accroche à ces reines filles, ces reines mères, je m’agrippe à leurs bras de fer, j’y pleure toute une nuit, toute une vie ».
Ce texte est un feu de joie, dont chaque crépitement est requiem. « Des enfants cerfs-volants/des slushs cerise/ t’as jamais goûté/mais tu verras/tu vas aimer/ je t’ai dit, Maman/ nous/sera simple/là-bas ».
Montauk, comme une merveille d’apaisement. L’obsession cardinale et rédemptrice d’atteindre la rive. « Voir Montauk » là où mère et fille « reposent en trésor . »
Un livre spéculatif qui accroche ses bras autour de votre cou. Pour chacun (e), notre devoir. Publié par les majeures Éditions La Peuplade.
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