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La libération et l’émancipation des femmes n’ont jamais été de longs fleuves tranquilles, un observateur raisonnable et objectif en conviendra aisément. Ces orientations sont en proie à des concours de circonstances, elles bénéficient de volontés farouches et décidées, également.
Dans son livre, biographie à laquelle s’ajoutent avec grand bonheur pour les lecteurs des passages écrits sous forme romanesque, Claire Paul nous décrit le parcours de Jeanne Desparmet-Ruello, première femme à diriger l’un des premiers lycées de jeunes filles de France, le futur lycée Edouard Herriot à Lyon.
Jeanne Desparmet-Ruello, issue de la bourgeoisie bordelaise, a bénéficié de l’instruction publique, celle que l’on réserve à cette époque aux jeunes filles. Très jeune, elle s’interroge sur l’origine de son esprit scientifique, est-il en rapport avec le rejet de son père, procède-t-il de l’hérédité familiale ? Elle ne tranche pas vraiment : « Il serait plus réconfortant de s’en tenir au hasard, postulant que son propre goût pour les sciences est sans rapport avec celui de son père. Ainsi, elle ne risquerait pas de découvrir en elle l’indifférence aux autres, la lâcheté, l’égoïsme paternel. »
Altruiste, cette femme va prouver tout au long de sa vie ce trait de caractère. Une proposition de loi rédigée par Camille Sée, un député, est déposée en 1878 ; elle est adoptée en 1880 par le gouvernement de Jules Ferry. Jeanne est désignée pour diriger ce lycée et l’implanter à Lyon, ville marquée alors par une forte influence du catholicisme et par un conservatisme bon teint. Les obstacles se multiplient, les chicanes se dressent sur sa route. Claire Paul a le mérite de nous faire pénétrer dans les débats intérieurs qui habitent alors Jeanne Desparmet-Ruello : elle fait un excellent diagnostic. C’est la peur qui explique ces réticences, ces violences verbale et éditoriale faites aux femmes partisanes de l’émancipation : « Ce n’est malheureusement pas d’après la justice, le droit, le bien que régissent les hommes. Mais souvent c’est par peur ou par faiblesse. Ces grandes carcasses qui clament leur force et leur virilité, ils ont peur en réalité, tellement peur de perdre leur place. (…) Comment vont-ils séduire leurs femmes si elles en savent autant qu’eux ? »
Bien évidemment , cette femme est consciente que sa démarche, l’accès égal de l’instruction pour les jeunes filles, s’inscrit dans une transformation plus globale et fondamentale de la société :l’émancipation de la femme .Elle rencontre à ce titre des féministes telles que Marguerite Durand qui a fondé le journal La Fronde , exclusivement écrit et composé par des femmes .Elle y écrit sous pseudonyme …Elle s’inspire également de Madeleine Brès, première femme docteure en médecine, de Séverine, première femme à la tête d’un quotidien , Le Cri du peuple .
En 1897, elle apprend que Jeanne Chauvin, docteure en droit, demande son inscription au barreau de Paris. En dirigeant ce lycée de filles, en diffusant le savoir et la connaissance, Jeanne Desparmet-Ruello a participé à une révolution pacifique :la diffusion du savoir, la promotion de la connaissance, du libre arbitre. Elle est inscrite dans cette galaxie du féminisme, et de l’émancipation humaine. Claire Paul nous le rappelle dans cette belle biographie dont la lecture sera profitable aux hommes et aux femmes de bonne volonté…
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