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Fans de Louis Armstrong, 'La trompette de Satchmo' de Michèle Hayat devrait vous plaire ! Attention, il ne s'agit pas d'une biographie de ce talentueux musicien fidèle à la réalité, mais plutôt d'un roman librement inspiré de sa vie. Ici le personnage principal n'est d'ailleurs pas Louis Armstrong mais Emma Karnovsky qui a dû fuir la Lituanie avec son mari et ses deux fils suite à l'antisémitisme croissant. Les voilà donc fraîchement débarqués à la Nouvelle-Orléans, ville qu'il leur faudra longuement apprivoiser. Et c'est à cet endroit que les pas du petit Louis croiseront ceux d'Emma qui décidera de le prendre sous son aile tout en le poussant vers sa passion musicale pour le sortir de la rue.
Je me suis facilement fait prendre par l'écriture de Michèle Hayat et j'ai dégusté cette histoire que j'ai trouvé très plaisante. Le jazz, la pauvreté, la prostitution et le racisme sont omniprésents dans ce livre qui dégage un swing opportun mettant du baume au coeur malgré les thèmes abordés. Point de larmoiements, la vie triomphe ici malgré les difficultés rencontrées. Bien entendu, en lisant ces mots on ne peut que se replonger dans la discographie de ce génie musical qu'est Armstrong. Moi qui ne connaissais rien à sa vie, j'ai apprécié démêler le vrai du faux par la suite et en apprendre plus sur lui. Le fait que le récit soit centré sur Emma m'a initialement surpris, mais je comprends le parti pris et cela ne rend cette oeuvre que plus originale. Un joli roman à lire pour les amateurs de musique.
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«Après un voyage long et éprouvant, le bateau entra dans le port de La Nouvelle-Orléans. La famille Karnofsky était épuisée. L’agitation des quais du Mississippi, la chaleur moite, le débarquement de marchandises des cargos, le bruit des sirènes, les cris des dockers dégoulinant de transpiration les agressèrent violemment. Dans ce tumulte, ils posèrent leurs bagages.» Roman de l'exil, mais aussi roman du jazz et du grand Louis Armstrong: Michèle Hayat a retrouvé un épisode déterminant de la vie du musicien et nous entraîne à la Nouvelle Orléans au début du XXe siècle.
Morris et Ester Karnofsky mènent une vie plutôt agréable à Vilna. Habile artisan, Morris réalise des bijoux en ambre qu’il vend jusqu’aux États-Unis tandis qu’Ester fait de la couture. Son savoir-faire lui ayant même permis de «fidéliser une clientèle non juive avec laquelle s’étaient noués des liens d’amitié». Mais à l’orée du XXe siècle une menace nauséabonde plane sur la Lituanie, l’antisémitisme. D’intimidations en exactions, le danger gagne de jour en jour en gravité, si bien que la décision la plus raisonnable est de partir.
Morris contacte alors monsieur Samuelson, un client régulier avec lequel il avait fini par nouer des liens d’amitié. Ce dernier lui propose alors de venir s’installer à la Nouvelle-Orléans où il est persuadé qu’il pourra trouver un avenir meilleur.
C’est le cœur gros que la famille embarque pour le Nouveau Monde avec les quelques économies que leur a rapporté la vente de leurs biens.
L’exil est toujours une souffrance et les Karnofsky vont en faire l’amère expérience. Installés dans une ville qu’ils ne connaissent pas, dans un quartier pauvre où règne la violence et où le gagne-pain de nombreuses femmes est la prostitution, ce n’est pas la volonté farouche de réussir et le discours positif de Morris qui va changer l’opinion de ses fils en particulier. Ester aussi doute d’avoir fait le bon choix.
Mais au fil des jours et des rencontres, les choses vont peu à peu s’améliorer.
Et même si l’aîné de la famille décide de partir s’installer en Palestine, ils commencent à trouver leur place dans cette société cosmopolite.
Quand Ester croise un petit noir au regard vif et décide de l’aider, elle ne sait pas encore – et lui encore moins –qu’elle va contribuer à faire de ce gamin le grand Louis Armstrong.
Michèle Hayat, en choisissant de ne pas nous proposer une biographie du jazzman a trouvé un angle très original pour son premier roman. C’est à travers le regard des Karnofsky que l’on va suivre l’ascension du jeune homme auquel Ester a offert sa première trompette. Du coup, ce roman devient aussi celui de la solidarité entre les minorités, une nouvelle incarnation du rêve américain et un portrait du sud des États-Unis au début du XXe siècle. Les émotions des uns venant se mêler à celles des autres, couronnées par le parcours de «satchmo» qui, comme nous l’apprend Wikipédia est la contraction de satchel-mouth, littéralement bouche-sacoche, qui n’oubliera jamais celle qui s’est battue pour lui mettre le pied à l’étrier. N’oublions pas de souligner, en guise de conclusion, que la romancière s’est parfaitement documentée et que l’histoire qu’elle nous livre est en grande partie vraie, sans que jamais le souffle romanesque n’en pâtisse. C’est, vous l’aurez compris, très réussi.
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