"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le premier roman de Martine van Woerkens s’ouvre sur une impression de vitesse. Les actions, les réactions, les remarques du professeur, la douleur, l’historique médical… tout cela se mêle sans comprendre où se situe Jeanne. C’est une avalanche de contraintes qui s’abat sur elle. Elle est entourée d’un cadre rigide où sa féminité, sa maternité, sa sexualité sont observées par des hommes et une société. Arrive ensuite une pause. On saisit alors que Jeanne raconte son histoire à Mêle-Brin, une femme plus âgée qui ne partage pas son point de vue sur le combat féministe et sur certains figures marquantes (Gisèle Halimi et le procès de Bobigny). Les premiers chapitres créent une sensation troublante. On voit naître une douleur profonde chez cette femme et un engagement politique. La vie de Jeanne est un combat.
Le roman se divise en deux parties : d’abord, Jeanne, son parcours, son engagement, sa vie, ensuite, Jeanne et Reda. Au début, on entend une voix qui nous explique l’origine de son soulèvement, de son indignation face a sa société et son époque. Cela va des propos paternalistes lors des examens médicaux aux injonctions faites aux femmes sur les sujets les plus intimes. La seconde partie est la rencontre de deux êtres et de leur combat respectif. Au sein de ce couple, vient également le sujet du dialogue et de la parole libérée. Jeanne veut savoir plus de choses sur la guerre. Reda a l’impression d’avoir déjà tout dit. Est-ce que tout a été dit ? Ou est-ce que ça n’a pas été entendu ? Dans quelle mesure, les voix des individus portent-elles vraiment dans cette France.
Le livre est un long parcours d’un être pour libérer sa parole et livrer sa douleur. Le chemin suivi est poétique et imaginaire. L’autrice tire un fil de l’expression et du titre « les faiseurs d’anges ». Elle montre la violence physique et psychologique de l’avortement (subi avant la loi Veil) et la fait cohabiter avec ces presque nés devenus esprits. C’est une manière, parfois déstabilisante sans que cela n’empêche l’émotion, de rappeler qu’une société est un ensemble de voix tues et que le silence – personnel ou collectif, contraint ou choisi – prend de la place.
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