"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un "Khâgneux" contraint de travailler à l'usine en Bretagne car il faut bien...gagner sa vie.
Les horaires décalés, le travail de nuit, les corps cassés, le temps qui passe (ou ne passe pas).
L'ecueillage des crevettes, les odeurs de poissons panés, les "lignes de production" avec leurs chefs de ligne.
Les pauses, l'heure de la débauche.
Un "boulot de merde" au bout de l'épuisement.
Demain, ça ira mieux !
Chacun a son truc pour survivre dans cet environnement hostile.
Pour l'auteur, la poésie, la littérature ( Apollinaire, Brel, Dumas, Beckett,; Homère, ... )
Mon Dieu, quelle claque !
De très courts chapitres comme autant de poèmes en prose. Un manifeste anti-capitaliste teinté d'humour.
Ironie, désillusion mais également fraternité bercent ce récit.
Le week-end annoncé comme une bouée d'Amour auprès de sa compagne aimée et son chien.
Un joyau à découvrir, à lire et à relire au fil des références littéraires.
Grandiose !
Joseph Ponthus (1978-2021) a fait des études de littérature et a ensuite travaillé entre autres comme éducateur spécialisé pendant dix ans en banlieue parisienne. Puis il a tout lâché pour suivre son épouse en Bretagne. Là, il s’est inscrit dans une agence d’intérim et a été embauché comme ouvrier à la chaîne dans des abattoirs ou des conserveries de poisson. Un boulot alimentaire au cœur de l’industrie agro-alimentaire, parce qu’il faut bien gagner sa croûte…
Ce livre relate son expérience, dans un style particulier puisqu’il s’agit de poésie en prose, sans aucun signe de ponctuation.
Ce style original a pour effet de nous immerger (à la limite de la noyade parfois) dans le monde du travail à la chaîne (« à la ligne », en langue politiquement correcte), un monde oppressant, abîmant les corps et abrutissant les esprits à force de gestes répétitifs et pénibles, d’alternance de travail de jour et de nuit, de course à l’efficacité et à la rentabilité, de peur des lendemains sans embauche.
L’intérêt documentaire est indéniable, mais les conditions pénibles et précaires de ce type de boulot ne sont pas non plus le scoop du siècle.
Et la démarche et certaines réflexions de l’auteur me posent question :
– Avec ses qualifications, ne pouvait-il pas trouver un travail correspondant davantage à son profil ?
-Où se positionne-t-il ? Solidarité avec les collègues, ou condescendance et supériorité de l’intello qui sait qu’il a les capacités de s’extraire de cette condition de forçat ? En tous les cas, avec les références littéraires et culturelles qu’il étale, il montre clairement qu’il n’est pas comme eux.
– Le « parallèle avec la Grande Guerre – Nous petits troufions de l’usine – Attendant de remonter au front (…) De vagues engagés volontaires dans une guerre contre la machine – Perdue d’avance certes – Mais qui rapporte au moins une solde mensuelle » me semble assez douteux.
– L’utilisation du terme « mongolitos », pour parler des participants au camp de vacances qu’il anime chaque été en tant qu’éducateur spécialisé, m’a dérangée.
Au final, j’ai trouvé le ton globalement déplaisant, et je reste avec l’impression que ce texte relève plus de l’exercice de style que du témoignage de l’intérieur et empathique sur la condition ouvrière.
Quelques mots à chaque fois puis à la ligne. Joseph Pontus nous livre un récit autobiographique sous forme poétique. Pour vivre, survivre au cœur de l'usine. C'est fort, les mots nous martèlent, nous plongent dans l'enfer de l'usine. Ce qui me touche aussi, c'est la sincérité du propos, la simplicité d'un auteur qui ne triche pas. Ainsi ce récit transcende l'autobiographie pour devenir universel. Un livre au combien essentiel.
A tous ceux qui pensent qu'il n'existe plus de classe ouvrière en France, à nos politiques, pour qui il faut sans cesse repousser l'âge de départ en retraite, je conseillerais de lire le livre de Joseph Ponthus. Parti en Bretagne pour rejoindre son épouse, il ne trouve pas de travail en tant que travailleur social. C'est donc dans les usines agro-alimentaires de conditionnement de poissons et crustacés puis dans les abattoirs, qu'il va travailler en tant qu'intérimaire, parce qu'il faut bien vivre et "gagner des sous". Il y a du Simone Weil dans "A la ligne", avec les descriptions du travail à la chaîne, pénible, répétitif, usant, qui ne permet pas de penser, parfois même qui ne permet pas de chanter dans sa tête... Cela va induire le choix d'écriture de Joseph Ponthus, des vers libres, une absence de ponctuation et ce retour à la ligne, comme la ligne des chaînes de production, encore et toujours.
Ce livre m'a beaucoup touchée, les larmes me sont souvent montées aux yeux devant un tel gâchis, une telle absurdité. Heureusement, il y a la littérature, la force de l'imagination et l'humour, qui permet de se voir tel Ulysse, non pas face aux sirènes ou à Polyphème mais ferraillant contre des queues de vaches ou des bulots. Hommes ou bêtes sont pris dans cet engrenage de la productivité, de la rentabilité, on est révolté par ce qu'on lit et on est heureux que ce livre existe ; l'auteur a pris le temps, malgré la fatigue, l'envie de se reposer, l'envie de rien après le retour du travail, de poser sur le papier le ressenti de tous ces anonymes qui travaillent pour que d'autres mangent des langoustes à Noël. Sa formation classique d'ancien khâgneux transparaît bien dans les références multiples qui donnent épaisseur et humour à son témoignage. J'ai été d'autant plus attristée en lisant que l'auteur était décédé peu de temps après.
Un livre à lire, que je compte bien faire découvrir à mes élèves de 3e cette année.
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