"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cela va durer quelques jours, quelques semaines, un mois peut-être…Mais son père a promis de revenir avec un sac de billets de banque tout frais. Alors, en attendant, Ree serre les dents, s’occupe de ses deux petits frères, de sa mère qui a perdu la boule, coupe le peu de bois qu’il reste, cuisine avec les fonds de placard. L’hiver est rude. La neige et la glace ont recouvert ce petit coin des Ozarks où les Dolly vivent depuis des générations. Ree n’a que seize ans mais elle prend à cœur son rôle de cheffe de famille, comptant aussi sur l’éventuelle générosité de ses voisins, tous des oncles, des cousins plus ou moins éloignés. Mais son père tarde et à sa place c’est le shérif qui arrive. Avec une mauvaise nouvelle. Son père a mis la maison en gage. S’il ne se présente pas à son procès, ils se retrouveront à la rue. Ree a une semaine pour mettre la main sur Jessup. Et elle ne peut compter que sur elle-même. Un rumeur court, son père, le meilleur fabricant de méthamphétamine de la région, serait une balance…
Bienvenue dans l’Amérique profonde ! Ici, tout n’est que misère, violence et hostilité.
Une communauté rurale, isolée, des femmes aussi rudes que leurs hommes. Les lois, tout le monde s’en moque. On vit d’expédients, de petits ou de gros trafics. Et surtout, on vit entre soi, entre Dolly, la grande famille du coin.
La solidarité s’arrête quand commence la délation. Si Jessup a trahi le clan, Jessup doit mourir et Ree ne doit pas remuer la boue.
Mais Ree est une résistante, une rebelle, une force de la nature. Elle ne craint pas les menaces et se relève sous les coups. Prête à tout pour protéger sa famille.
Dans cette glace qui paralyse la nature et les cœurs, Ree est un rayon de soleil qui s’obstine à réchauffer ses frères, sa mère et sa meilleure amie Gail. Elle veut le meilleur pour les petits, les garder sur le droit chemin, les éloigner de la violence et de la drogue. Elle veut que son amie quitte son mari volage. Elle veut un peu d’amour et d’affection dans ce petit monde replié sur lui-même.
Un hiver de glace est un roman âpre, rugueux, sombre qui décrit un monde cruel, sans avenir où l’espoir est minuscule, les instants de douceur miraculeux. Il doit de ne pas sombrer dans la noirceur à son héroïne courageuse, obstinée, inoubliable. Un roman qui secoue.
Un drame familial, un roman impitoyablement brutal.
Shug a 13 ans. Sa mère l'appelle Petit Coeur et son beau-père l'appelle d'un tas de noms horribles souvent liés à son surpoids. Les seuls réconforts de Shug sont la nourriture et sa mère, émotionnellement incestueuse, qui le traite plus comme un petit homme que comme un fils. Une mère sexy et alcoolique, un beau-père voleur et toxico : on atteint le summum de la famille dysfonctionnelle et de l'environnement toxique. L'auteur met en mot la dynamique compliquée de ce trio et l'on perçoit très vite que le bon coeur de Shug ne pourra jamais exister dans le monde sordide où il est né. L'histoire d'un passage à contrecoeur dans le monde des adultes et un roman d'une violence bouleversante.
Daniel Woodrell est réputé pour être la référence du roman noir pour la région des Monts Ozarks en plein Missouri, au cœur des US.
Son roman La mort du petit cœur (The death of sweet mister en VO), ne nous fera guère visiter la région mais c'est assurément un "noir" bien serré.
Nous voici donc chez les ploucs, en pleine cambrousse étasunienne, et l'été est au plus chaud (remarquez, c'est souvent comme ça dans les romans noirs).
[...] C’était une journée de pleine chaleur estivale. On bougeait au ralenti. Les chiens rampaient sous les perrons et refusaient de rapporter. Les gens se foutaient en rogne quand on s’interposait entre eux et l’air des ventilateurs.
Glenda, la maman, est une jeune femme au short bien trop court pour ce genre d'histoire, accro à sa tisane (rhum-coca, la tisane).
Red, le supposé père, a trop souvent la main lourde et est accro aux pilules de toutes sortes.
Enfin, navigant tant bien que mal entre les deux adultes, voici Shug (chéri), l'adolescent trop grassouillet qui lui est accro à sa maman.
[...] Quand tu te réveilles dans ce monde, mon petit cœur, faut en vouloir. Quand tu sors le matin, faut en vouloir et c’est comme ça jusqu’à la nuit tombée… tu le savais déjà ?
[...] – Comment on fait pour le supporter ?
– Bah, a-t-elle fait. Bah. »
Le lecteur naïf (sans doute tombé par erreur sur ce roman) se dit que ces trois-là ont peut-être malgré tout un avenir devant eux ?
Mais c'est sans compter l'apparition d'un aimable bellâtre en Thunderbird verte (quelle bagnole !).
Evidemment, tout cela va mal finir (remarquez, c'est souvent comme ça dans les romans noirs).
[...] Tous deux avaient les mains sales et les genoux couronnés de terre.
C'est ce genre d'ellipse qui donne tout son sel à la prose de Daniel Woodrell : au lecteur de lire entre les lignes.
En résumé, difficile d'éprouver la moindre compassion pour l'un des personnages : Glenda passe son temps à picoler et aguicher son fils, Red passe le sien à s'enfiler des pilules et taper sur qui passe trop près. Même le petit chéri malmené, Shuggie, va bientôt perdre le peu d'innocence qu'il lui reste car depuis déjà longtemps, c'est du sang froid qui irrigue le petit cœur.
Oui Shug détient les clés du dénouement et nous offre un final plutôt étonnant (et c'est pas toujours comme ça dans les romans noirs).
Un roman noir par excellence donc, une courte histoire (200 pages) menée rondement : du sordide et de la misère humaine mais sans effets ni mélo.
Pour se fondre parfaitement dans le décor, l'écriture est comme pesante (il fait chaud) et on s'habitue rapidement à une tonalité légèrement vulgaire qui sait rester agréable à lire.
Nul doute qu'on repartira prochainement dans les Monts Ozarks aux côtés de Mr. Woodrell.
Pour celles et ceux qui aiment les histoires qui finissent mal en général.
Un roman féministe ou du moins qui montre que, souvent, les femmes ont plus de couilles que les hommes. D’abord parce qu’elle supporte mieux la douleur - l’enfantement les amenant au paroxysme de la souffrance. Ensuite parce qu’elles ont un instinct de survie hautement développé qui les pousse à tout risquer quand elles ou leurs progénitures sont en danger. Ree élève seule son frère et sa sœur. Sa mère est devenue zinzin et son père est en cavale après avoir fait un écart qui n’a pas trop plu aux gens du pays. Parlons-en de ce pays. La neige est omniprésente, dans les paysages, dans les narines des membres des clans qui s’affrontent pour le contrôle de la cocaïne. Une sorte de Colombie hivernale où on tape d’abord et on discute après, où les règlements de compte sont fréquents, où les familles s’entre-déchirent depuis des générations, à en empoisonner le système. Je n’ai pas été spécialement impressionnée par la rudesse des héros. Il faut dire qu’après avoir lu « My absolute darling », on est moins surpris par des gamines qui manient la gâchette. Ce que j’ai aimé, en revanche, ce sont les descriptions physiques et psychologiques (souvent entremêlées) des personnages (ex : p34, 39, 63, 84). Elles m’ont rappelé celles d’un Raymond Carver. L’intrigue est originale et le final, inattendu. « Un hiver de glace » est une sorte de western moderne dont la protagoniste a fait ses classes chez Thelma & Louise ou, dans une version plus sulfureuse, Bound. Bref, une histoire de nana à qui on ne la fait pas.
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