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Clara Breteau

Clara Breteau

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    Couverture du livre « L'avenue de verre » de Clara Breteau aux éditions Seuil

    Ghislaine Degache sur L'avenue de verre de Clara Breteau

    Anna, la narratrice, bien que née de père inconnu aux yeux de l’état civil, puisque née sous X, connaît pourtant son père. S’il n’a pas voulu leur donner son nom, Baloul, à elle et à son frère, c’était disait-il pour les protéger du racisme. Mais Anna avait fini par comprendre que ce nom était...
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    Anna, la narratrice, bien que née de père inconnu aux yeux de l’état civil, puisque née sous X, connaît pourtant son père. S’il n’a pas voulu leur donner son nom, Baloul, à elle et à son frère, c’était disait-il pour les protéger du racisme. Mais Anna avait fini par comprendre que ce nom était déjà pris par d’autres enfants, une autre femme, qui vivaient avec lui pas très loin.
    Algérien, arrivé en France en 1962, après avoir passé plusieurs semaines dans la rue, être allé de petit boulot en petit boulot, il avait trouvé refuge à Tours et travaillait comme laveur de carreaux sur l’avenue de verre qui traverse la ville, passant sa vie à effacer les traces. Surnommé Johnny, il était même devenu le laveur de carreaux le plus célèbre de la ville !
    À sa mort, Anna se rend compte que ce père, elle le connaît très peu. Elle n’a même jamais cherché d’images de la ville de Batna d’où il venait. Elle a bien des images, des souvenirs, mais elle va tenter de retrouver d’autres signes estompés, ceux de la relation qui les a unis mais également ceux du monde qu’il a quitté, de l’autre côté de la mer.
    Si Anna écrit et enseigne à l’université et que son métier consiste à interroger des gens, trouver des sources et collecter des histoires, quand il s’agit d’enquêter sur son père, ses outils s’émoussent.
    Les traces laissées par son père sont faibles et elles ne sont pas forcément dans les seules rues de Tours. Anna cherche aussi dans ce passé colonial, ce passé colonial vécu par toute une génération d’exilés. Mais elle, elle ne l’a pas vécu, d’où de nombreuses questions qui la hantent, à savoir ce qu’elle doit faire de ces traces, ces traces que son père effaçait sur les vitrines de l’avenue.
    Elle va également partir sur celles de son grand-père Hadj, harki massacré par le FLN, ce grand-père qui avait été sorcier en Algérie, un marabout, un guérisseur, lui avait-on dit. Par association, Anna ne peut s’empêcher de penser au prestidigitateur Robert-Houdin, le père du jardin truqué, qui a rencontré les marabouts anciens du monde de son grand-père, et à cette mission en Algérie en 1856, que les autorités françaises lui avaient confiée.
    Claire Breteau relate dans cette autofiction une émouvante quête intime.
    À travers cette histoire familiale et coloniale, l’autrice décrypte le traumatisme colonial chez les enfants de la diaspora nés en France bien après l’indépendance avec une extrême sensibilité. Le texte d’une écriture magnifique est peuplé d’images poétiques et joue en permanence sur les transparences, les opacités, les ombres et les reflets.
    Touchant et pudique, intime et universel, bouleversant mais très instructif lorsque sont évoqués les non-dits de l’histoire algérienne, ce roman m’a causé une intense émotion lorsque Anna évoque cette chanson « A Vava Inouva » (mon papa à moi) de Idir, ce chanteur, auteur-compositeur-interprète et musicien algérien d’expression kabyle, le refrain étant une allusion à une jeune fille sauvant son père prisonnier d’une forêt peuplée d’ogres et de fauves… J’ai eu en effet l’immense chance d’avoir pu assister à un concert de cet artiste à la voix sublime : un moment hors du temps !
    Avec L’avenue de verre, Clara Breteau signe un superbe premier roman.
    Je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour cette belle découverte.

    Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/12/clara-breteau-l-avenue-de-verre.html

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    Couverture du livre « L'avenue de verre » de Clara Breteau aux éditions Seuil

    Les Lectures de Cannetille sur L'avenue de verre de Clara Breteau

    Par prévention contre le racisme disait-il, mais surtout parce qu’il menait une double vie, leur père n’a reconnu ni Anna ni son frère à la naissance. Ainsi poursuivait-il, lui le laveur de carreaux qui passa sa vie en France le nez sur des parois de verre à assurer leur transparence, l’oeuvre...
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    Par prévention contre le racisme disait-il, mais surtout parce qu’il menait une double vie, leur père n’a reconnu ni Anna ni son frère à la naissance. Ainsi poursuivait-il, lui le laveur de carreaux qui passa sa vie en France le nez sur des parois de verre à assurer leur transparence, l’oeuvre d’effacement que, depuis son arrivée à Tours en 1962, adoptant « tous les insignes du bon Français » « pour ne pas se faire remarquer » mais aussi pour tenter d’oublier cette Algérie devenue pour lui synonyme de mort et de cauchemar, il avait entrepris quant à son passé et à son identité.

    Béance à l’état civil, absence en pointillés de plus en plus espacés au quotidien, il finit même par ne plus traverser la vie d’Anna que sous la forme régulièrement entraperçue d’une silhouette caractéristique sillonnant la ville sur son scooter hérissé de son échelle et de son béret rouge. Mais voilà, « c’est lorsque l’on efface que soudain tout résonne. » « C’est lorsqu’on les dénude que les parois se mettent à parler. » Ce père champion du gommage de vitres comme de sa mémoire et aujourd’hui décédé, Anna désormais professeur de géographie ne peut se résoudre à le laisser s’évaporer comme un mirage. Ces traces qu’il s’est avec tant de soin évertué sa vie durant à effacer, elle n’aspire qu’à les faire resurgir, espérant ainsi combler les blancs qu’il lui a laissés en héritage.

    Alors, la jeune femme enquête, interroge, cherche le révélateur de cette encre sympathique avec laquelle il a écrit sa vie et, du coup, une partie de la sienne aussi. Elle se voit comme un « boomerang » qui, un jour « inverserait son trajet, reviendrait s’écraser à son point d’origine. » On la perçoit comme un insecte se cognant désespérément à la vitre invisible de l’opacité et du silence. Car au vide répond obstinément le « rien », celui qui a pris la place de ses origines, à-demi gommées par ce qu’elle devine du massacre de ses grands-parents et par le couvercle jeté sur les atrocités de la guerre coloniale.

    Joliment porté par la finesse et la poésie d’une plume tout en retenue jonglant entre opacités et effets de transparence, ce premier roman d’inspiration manifestement autobiographique peut, par certains côtés, faire penser à Archipels d’Hélène Gaudy. A défaut de se laisser percer, l’énigme paternelle aura, dans les deux cas, entre émotion et réflexion, suscité de fort beaux ouvrages littéraires.

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