Cette saga familiale après les « déracinés » nous emporte entre fiction et faits réels. Un récit dense et captivant !
Cette saga familiale après les « déracinés » nous emporte entre fiction et faits réels. Un récit dense et captivant !
Découverte d’un pan de l’histoire inconnu pour moi. Vivement la lecture de la suite.
Ayant beaucoup entendu parler de la saga "Les déracinés" et ne l'ayant pas encore lue, il m'a semblé logique de commencer par ce roman, qui bien que paru après la saga, se situe chronologiquement au début. Il s'agit de ce que les spécialistes appellent un prequel. Nous découvrons ainsi Almah Kahn, qui sera l'héroïne des "Déracinés", de sa naissance (1911) à ses vingt-et-un ans (1932).
Nous pénétrons dans le milieu de la grande bourgeoisie juive viennoise et dans l'intimité des parents d'Almah, Julius, chef de service de chirurgie et Hannah, très éprouvée par la mort de deux enfants avant la naissance d'Almah. Nous voyons grandir devant nos yeux une petite fille intrépide, au caractère déjà très affirmé, béate d'admiration pour son père, pleine d'amour pour ses parents. On devine qu'elle deviendra une femme indépendante, combattive, en quête d'absolu.
L'histoire de la famille Kahn s'inscrit dans l'Histoire de l'Autriche qui a déclaré la guerre à la Serbie après l'assassinat, à Sarajevo, de l'archiduc François-Ferdinand et de sa femme et qui entraînera, par le jeu des alliances, toute l'Europe dans la première guerre mondiale. Puis ce fut la disparition de l'empire des Habsbourg et l'Autriche qui se retrouve réduite à un minuscule pays. Et surtout, la famille Kahn va être touchée par l'antisémitisme qui enfle; les juifs sont tenus à l'écart des postes importants, leur commerce sont attaqués, certains sont violentés et commencent alors l'exil de ceux qui ont compris ou senti ce qui allait se passer.
Ce roman évoque également la place des femmes dans la société autrichienne des années 20-30; elles votent depuis 1919 (bien avant nous!!!), elles travaillent mais uniquement dans des domaines considérés comme féminins et convenables (institutrice, secrétaire, bibliothécaire....); le must, c'est de trouver un parti riche et de s'occuper de son foyer.
C'est aussi une promenade à travers Vienne où j'ai vécu et travaillé quatre ans; j'ai retrouvé les lieux qui m'étaient familiers, les endroits où j'aimais aller, les chocolats chauds, les plats typiques. Vienne, ou du moins son centre historique, a peu changé depuis ce que décrit l'auteure et c'est ce qui fait tout le charme de cette ville intemporelle. le roman a réveillé de très beaux souvenirs, ce qui me l'a rendu encore plus agréable à lire.
L'écriture est fluide, les personnages sont attachants; je suis donc curieuse de continuer l'aventure avec Almah en lisant "Les déracinés".
Dans ce roman, on apprend à connaître Sonia Pierre, une figure emblématique qui s’est battue pour les droits humains. Originaire de l’île d’Hispaniola, Sonia est d’origine haïtienne par ses parents mais a toujours vécue à Saint-Domingue (pays frontalier).
Pour toute la population haïtienne qui a traversé la frontière pour trouver du travail de l’autre côté de l’île, la reconnaissance de leur citoyenneté n’est pas assurée, même pour ceux qui y sont nés. Ce n’est pas le cas de Sonia, mais elle est très jeune confrontée à cette réalité et vise à se rendre utile. D’abord en aidant lors d’une grève générale, puis en étant bonne élève et en poursuivant des études en droit.
Elle a ensuite fondé le Mouvement des femmes dominicano-haïtiennes (MUDHA) pour défendre l'égalité et le droit de tous les êtres humains qui sont privés de reconnaissance sur son île, et principalement des femmes. La particularité de cette organisation est qu'elle est exclusivement dirigée par des femmes et Sonia Pierre en a été la figure de proue.
L'autrice retrace son parcours de vie, ses combats et ses échecs. C'est un bel hommage à cette femme née en 1963, qui a œuvré à faire reconnaitre le peuple haïtien sur la scène locale et internationale. Elle a remporté plusieurs distinctions et a été une figure influente dans son milieu et dans la sphère du droit humanitaire. On apprend également tout un pan de l'histoire de ce territoire partagé entre deux pays mais où les droits d'une population ne sont pas reconnus par l'autre partie.
Quel bonheur de retrouver Almah, de la saga « Les Déracinés » de Catherine Bardon, ici de sa naissance à ses 20 ans, avant la seconde guerre mondiale. On la découvre bébé, enfant, adolescente, étudiante, devenant femme ; traversant la vie avec ses joies et ses peines, ses doutes et ses certitudes, ses amis, ses rêves, sa personnalité déjà bien affirmée, tout cela à travers le prisme de l’Histoire où l’Autriche est dans la tourmente, où l’antisémitisme est devenu omniprésent. Vienne vit ses derniers moments de calme malgré une tension palpable, avec des instants culturels dont peuvent encore profiter les familles bourgeoises comme celle d’Almah ou de son ami d’enfance Heinrich, avec des sorties à l’opéra, aux expositions. On entend parler de Freud que la mère d’Almah consulte pour ses problèmes mélancoliques, des Habsbourg et de leur destinée fatale, de la musique viennoise, des cafés qui font la particularité de Vienne, des portraitistes qui peignent encore les tableaux des membres des familles de la Haute Société…Toute une époque qui sera à jamais révolu d’ici quelques mois.
Avec une écriture toujours aussi puissante et ciselée et fluide, nous parcourrons ces années de jeunesse privilégiée d’Almah avec un grand plaisir dans une Vienne en proie à la montée du nazisme. Catherine Bardon nous livre un beau portrait de femme, et c’est ce qu’on attendait. Pari réussi, la lecture nous emporte avec ce court roman fidèle aux précédents tomes de la saga.
Un moment de lecture très agréable, qui détend, qui nous parle d’une héroïne qu’on a découverte il y a quelques années dans « les déracinés » et à laquelle on s’est attachée. D’ailleurs au sortir de ce préquel, on n’a qu’une envie, relire dans son entièreté la saga.
Merci à l’autrice Catherine Bardon pour ce nouvel opus que j’ai beaucoup apprécié.
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