"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il fut un temps, pas si lointain que cela, en fin de compte, où la peinture racontait des histoires. Elles étaient destinées aux illettrés, la majorité de la population. Rapidement, après les débuts du christianisme, l’image s’est imposée sous forme de fresques, panneaux, retables et autres polyptyques. Ainsi participe-t-elle à une forme de propagande (et de prosélytisme) en racontant les vies du Christ, de la Vierge et de toute une kyrielle de saints. Plus on multiplie les images, plus le message est renforcé. Parmi cette imposante production, de la Flandre à l’Italie, deux villes vont particulièrement se distinguer : Florence et Sienne. Les deux sœurs rivales au cœur de la Toscane.
Entre le XIII° et le XVI° siècle, Sienne, à l’instar de sa voisine, est un grande centre artistique, économique et intellectuel. Elle se trouve à une position géographique favorable à son développement, sur la route qui traverse toute l’Europe, du nord au sud, de l’Angleterre jusque Rome. Le commerce aidant, les échanges artistiques se multiplient ; les princes et les papes apprécient (et commandent) les œuvres des peintres siennois. Ceux-ci furent parmi les premiers à prendre leurs distances avec le modèle de l’icône byzantine, idéalisée, statique et figée dans un moment éternel (donc désincarné).
Duccio di Buoninsegna, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, est l’initiateur de l’ « ars narrandi », ce style nouveau et narratif. Il est l’équivalent de Giotto, à Florence. Comme celui-ci, il tente de trouver des solutions pour décrire une véritable corporalité. Le modelé des couleurs s’impose au détriment des grands aplats, fortement contournés, hérités de Constantinople. La Vierge, au fil des panneaux, devient une mère aux gestes tendres pour son fils. Le costume se modernise. Les expressions marquent les visages. Tout ce monde spirituel s’humanise.
Mais la véritable conquête sera celle de la spatialité, à travers la perspective, en dépit de cet incontournable fond d’or ; Duccio tâtonne et utilise des pis-aller (perspective inversée, perspective à plusieurs foyers, maison de poupée). Les Lorenzetti (deux frères) tenteront à perfectionner les acquis de la génération précédente. Mais celui qui devient un pivot incontournable, c’est Simone Martini.
Les thèmes sont tirés directement du Nouveau Testament, ou des vies des Saints. Essentiellement stéréotypées, car tout particulièrement codifiées pour une meilleure compréhension, les œuvres se ressemblent énormément ; toutes les nativités, les annonciations, les scènes de la Passion, et surtout les crucifixions, oui, tout cela se répète à quelques variantes près.
Vers le milieu du XV° siècle, à Florence, Brunelleschi, Masaccio et Donatello, sous l’influence de la perspective géométrique (théorisée par Alberti), introduisent la profondeur du paysage en éliminant le fond d’or. Ce sont les prémisses de la Renaissance et de l’humanisme. Sienne, largement imprégnée du gothique international, suit la tendance. Sasseta et Francesco di Giorgio sont emblématiques de la seconde moitié du Quattrocento, moment de basculement vers une peinture plus proche de la réalité du spectateur.
Les deux siècles suivants, de la Haute renaissance au Baroque, la peinture siennoise évolue d’un classicisme raphaélesque à un caravagisme ténébriste. Elle n’est plus le modèle à suivre. En effet, le foyer intellectuel et artistique s’est déplacé de la Toscane vers la Rome des papes, pour un programme iconographique beaucoup plus varié, presque naturaliste à certains moments.
Les trois auteurs proposent une somme de connaissances sur ce sujet, peu connu du grand public. Ils étudient aux côtés des figures majeures, des peintres moins connus mais pas des moindres pour autant : Lippo Vanni, Paolo di Giovanni, Domenico di Bartolo, Vecchietta, Pinturicchio, etc. Le format presque carré et assez réduit, entraîne une certaine épaisseur du volume (près de 470 pages). Les illustrations sont d’une qualité irréprochable. L’appareil scientifique est très largement fourni sous forme de notes et d’une importante bibliographie sur le sujet. Très certainement, un ouvrage général de première classe pour tout historien d’art épris d’italianisme (ce qui est mon cas). Mais le gros point noir de cette publication est la typographie, minuscule et malingre, si bien que la lecture se montre parfois bien ardue. Elle nécessite l’usage d’une loupe (et j’ai une bonne vue !)
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