"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le titre est à double sens : littéralement, il signifie " une fenêtre au nord ", mais il s'agit surtout d'une expression propre à la région de Santander ; " avoir une fenêtre au nord ", c'est avoir un petit grain de folie, une petite case en moins. Et c'est bien le cas de Isabel de la Hoz, l'héroïne de ce roman, jeune fille de bonne famille - c'est-à-dire de la bourgeoisie un peu rance du Santander des années 20, satisfaite de son roi, de la consécration de l'Espagne au Sacré Coeur et surtout d'elle-même - qui ne supporte pas son milieu et possède un caractère romantique et fantasque qui la fait passer, bien entendu, pour une originale. Sur un coup de tête, elle suit un jeune émigré espagnol au Mexique, où il a fait fortune, et qui est revenu chercher femme au pays. Elle se retrouve sans trop l'avoir voulu au milieu des troubles traversés par le Mexique à la fin de ces années vingt, troubles connus sous le nom de " guerra cristera " (en français : la Christiade) : le soulèvement provoqué, dans les classes populaires et dans la bourgeoisie catholique, par les décisions antireligieuses du gouvernement de Plutarco Elías Calles. (NB : c'est à cette même époque que Graham Greene situe son roman La puissance et la gloire). Découvrant très vite qu'elle s'ennuie avec son mari, qui la délaisse et la trompe, elle décide de prendre pour amant un jeune partisan des cristeros et de participer, avec une certaine nonchalance et un manque total de prudence, à la lutte contre l'Etat athée. Précisons qu'elle ne brille pas elle-même par la pratique religieuse : là n'est visiblement pas la question pour elle. Ce qui l'attire, c'est le côté romantique de l'affaire. Après la défaite des cristeros et la mort de son amant, dont elle est enceinte, Isabel dépérit peu à peu et meurt. Son corps est rapatrié à Santander.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce résumé, cette histoire n'a rien de tragique, et plus que ce qui est raconté, c'est bien l'art du récit qui fait de ce livre un excellent roman, où Álvaro Pombo déploie tout son humour et son sens du cocasse et de l'absurde, des énormités dites le plus naturellement du monde. Il procure un véritable bonheur de lecture, et fait partie de ces romans qui se plaisent à raconter une histoire propre à tenir le lecteur en haleine. De plus, l'aventure d'Isabel de la Hoz est parfaitement enchâssée dans la période de l'histoire du Mexique où elle se situe, sans que cela constitue une difficulté pour le lecteur non mexicain : tout est parfaitement clair, et pour plus de clarté encore, l'auteur prend la peine, dans un bref épilogue, de rappeler ce contexte historique.
Un très bon livre, magnifiquement écrit et d'une réjouissante drôlerie, avec quelques clins d'oeil au lecteur complice.
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