"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le poète est emprisonné par les mots, par leur apparence de signification, le désir qu'il pourrait avoir de leur faire porter...
Quoi ? un message ? Il voudrait lancer un dictionnaire contre les barreaux de cette prison et il nous dit (D): »Tout cela est évident - mais l'est-ce vraiment ? On voudrait simplement dire que l'écrivain ne peut échapper aux mots de son histoire, il ne peut en tout cas pas échapper dans une idée.» Il poursuit immédiatement en tendant de clarifier ce qu'est Splendide-Hôtel: »Ceci est une oeuvre de critique.» Ce n'est donc pas un roman, sans doute un poème (en partie), peutêtre même un résumé de l'oeuvre de Sorrentino, mais c'est surtout une »oeuvre de critique», et c'est également un grand hommage à Arthur Rimbaud et à William Carlos Williams. Comme Beckett, Sorrentino cherche ici à discréditer le langage : »Y forer un trou après l'autre jusqu'à ce que ce qui est tapi derrière lui, que ce soit quelque chose ou rien, commence à suinter - je ne peux pas imaginer de but plus élevé pour un écrivain d'aujourd'hui» (Lettre allemande) La construction du livre est évidente, il s'agit d'un alphabet, ou plutôt d'un abécédaire : 27 lettres ornementales, dont cet étrange R barré entre E et F, sept lignes d'un poème de Thomas Nashe; or cette lettre étrange, symbole de prescription médicale, nous dit que »la beauté n'est que fleur».
Sorrentino tente de redonner grâce à la beauté, une beauté tombée en disgrâce à force de vouloir lui donner un sens, et on retrouve dans ce livre toute son ironie déversée sur l'art prétentieux, l'art message, l'art social, les »artistes» ; il est proche de Flaubert, qui écrivait à Louise Colet : »Une bonne phrase de prose doit être comme un bon vers, inchangeable, aussi rythmée, aussi sonore» et, parlant de Rimbaud, le maître du silence, Sorrentino, écrit : »Méfiez- vous de tous ceux qui pensent que l'artiste ne pense pas ce qu'il dit.» Sur cet alphabet qui peut paraître complètement aléatoire, l'auteur, en grand amateur de jazz, joue des riffs, certains, comme si souvent en jazz, sont déjà présents dans les livres précédents de Sorrentino et se retrouveront dans ses livres postérieurs, sa nostalgie sans sentimentalisme de l'Amérique de sa jeunesse, Sheila Henry, les listes, l'artifice qu'est la création littéraire, son refus de présenter des personnages à trois dimensions bien campés, etc., et justement, les musiciens de jazz, de Clifford Brown à Lester Young.
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