"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nord-Est de l'Angleterre, au lendemain du vote du Brexit. Trois adolescentes dans un McDonald's d'autoroute. Bourrées de caféine, de sucre, d'adrénaline, couvertes de sable et soulevées d'éclats de rire, elles viennent de laisser leur amie brûler vive entre les quatre murs d'une cabine de plage.
Cinq ans plus tard, Alec Z. Carelli, journaliste à scandales et auteur disgracié, rôde dans les rues de Crow-on-Sea, la ville côtière du drame. Son objectif : faire la lumière sur ce qui s'est déroulé ce soir-là, découvrir les motifs du meurtre et relancer sa carrière en berne. Mais le mystère s'épaissit très vite, sans cesse exacerbé par les dépositions contradictoires et les accommodements de l'auteur avec la vérité.
Sous couleur de true crime, Eliza Clark croque le désenchantement de la jeunesse des années 2000 - neurasthénique, voyeuse, fabulatrice, mégalomane et sans avenir, gavée de junk food comme d'histoires de serial killers. Une enquête ambiguë sur la fabrique du fait divers et un roman social hanté par ce que deviennent les jeux d'enfants une fois qu'ils n'en sont plus.
Traduit de l'anglais par Stéphane Vanderhaeghe
Romancière britannique, Eliza Clark publie son premier roman en 2020 et connaît un très bel accueil critique. La parution de Pénitence en 2023 lui vaut d'être citée sur la prestigieuse liste des Meilleurs jeunes écrivains britanniques de Granta.
« Eliza Clark ménage une place à ce que la société rejette, et braque une lumière équivoque sur les rapports de genre, de pouvoir et de violence. » granta best of young british novelists 2023
Eliza Clark se joue de nous : réel ou pas, le true crime évoqué dans ces pages semble plus vrai que nature tant il est abondamment décrypté.
Sous l'angle des réseaux sociaux, des sms échangés par des adolescentes déséquilibrées, de l'enquête journalistique, à travers le prisme d'un podcast complètement gênant, des témoignages de familles inconsolables ou même de complices du crime perpétré…
Eliza Clark brosse le portrait accablant d'une jeunesse abreuvée aux jeux vidéo ultra-violents, podcasts de true crime, fanfic et séries inspirées des plus sordides affaires de serial killers. Une jeunesse fascinée qui tombe même en amour de ces personnages diaboliques et qui, en somme, ne fait plus très bien la différence entre la réalité et la fiction.
Elle décrit aussi avec un regard affûté comment la haine de l'autre s'installe, comment elle embrouille les repères jusqu'à la folie, comment l'aura d'une "shrinking city" - une ville en déclin - alimente le terreau de cette violence qui étend ses griffes quoi qu'on y fasse.
À cette sordide histoire, viennent encore se greffer des thèmes connexes : le regard de l'autre lorsqu'on est jeune, l'homosexualité, le harcèlement, la manipulation, les croyances et l'ésotérisme, les drogues, la justice…
Bien sûr ce meurtre abject fascine aussi le lecteur et il serait peut-être bon justement de s'interroger sur la responsabilité de la société dans ce genre d'affaire. C'est sans doute aussi un message que souhaite nous faire passer l'autrice : qu'est-ce qui nous échappe à ce point qu'on refuse de voir l'innommable alors que tout se joue encore sous nos yeux ?
Crow-on-Sea, petite ville du Nord-Est de l’Angleterre a été le théâtre d’un drame affreux : trois adolescentes ont torturé puis brûlé l’une de leur camarade d’école. Quelques années plus tard, Alec Z. Carreli, journaliste controversé, décide d’enquêter sur cette tragédie pour comprendre ce qui s’est joué entre les jeunes filles et écrire un livre sur l’affaire. Mais au fil des rencontres et des interviews qu’il mène auprès des familles, des proches et de tous ceux qui ont pu être témoins de cette horreur, la vérité semble difficile à cerner.
Ames sensibles s’abstenir ! Ce roman nous plonge au cœur de la noirceur humaine et sur les traces de quatre adolescentes en perte de repères. S’entraînant les unes les autres dans une escalade de jalousie, de harcèlement et de paranoïa alimentée par une fascination morbide pour le « true crime » et les tueurs de masse aux Etats-Unis, les trois jeunes meurtrières vont peu à peu perdre le sens des réalités et toute mesure. Jusqu’à la catastrophe qui a ruiné plusieurs vies.
Le lecteur se prend alors à s’interroger sur sa propre fascination pour l’histoire qu’Eliza Clark développe ici. Car, oui, il est difficile de s’arracher à ce récit malgré la violence qui l’habite. D’autant qu’il est formidablement mené, grâce à cette enquête, à l’enchaînement des témoignages, aux contradictions soulevées et aux questionnements au sujet des motivations du journaliste.
Le roman est aussi intéressant par ce qu’il évoque du désenchantement d’une jeunesse qui se perd dans l’alcool, les drogues, les mensonges, vivant à travers les réseaux sociaux, perdant peu à peu le sens des réalités et ne différenciant plus le bien du mal.
La grande force de ce livre est de parvenir à nous faire croire à cette histoire, comme s’il s’agissait d’un réel fait divers. Difficile d’imaginer qu’Eliza Clark ne se soit pas immergée dans des affaires similaires pour en retirer cet effroyable récit.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !