"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« La province fournit Paris en combustibles : je décidai donc de m'y brûler, et pas simplement les ailes. Je n'avais pas d'ailes de toute façon. Je n'avais rien, à part cent francs en poche et la chance, grâce à un gardien de nuit complaisant, de pouvoir dormir dans les travées de la bibliothèque du centre Beaubourg, parmi les livres. Du coup j'ai lu. A l'aube, je quittais les lieux, allant traîner mes drôles de guêtres dans les rues. Je n'avais aucune connaissance, pas vraiment d'amis, zéro petite amie. Je n'avais que moi, la solitude qui pesait sur moi, et ce ciel grand cendre au-dessus de ma tête. Je me nourrissais de grec-frites. J'ai fini par rencontrer des gens. Roger Knobelspiess, ex-lieutenant de Mesrine, m'a prêté un minuscule gourbi. J'ai vécu dans un squat. J'allais bien, je ne me plaignais jamais : j'étais heureux car je savais que vingt-cinq ans était un âge inventé pour cette misère marrante, cette mélancolie spéciale, cette errance pathétique. Je me regardais en train d'être ce que je voulais devenir, ou plutôt, je m'observais en train de devenir ce que je voulais être. Paris, c'était l'édition : j'allais donc tout donner pour faire mon trou, me faire un nom, devenir célèbre - ou finir dans le caniveau, sous la pluie battante, m'enrhumer, et mourir. J'ai surjoué tout ça, avec un zest de romantisme béat, assez content de ma condition, fier de n'être rien et de vouloir beaucoup. J'ai tapé à des portes. Des gens ont été méchants. J'ai insisté. D'autres ont été gentils.
Paris est une galerie de leurs portraits, mâtinée d'épisodes de galériens. J'ai beaucoup arpenté, beaucoup marché, beaucoup espéré, énormément souffert mais je dois dire que jamais je ne me suis ennuyé. Des instants de tragédie ? Il y en eut ; des scènes de comédie : plus encore. Vous allez me suivre ici en train de réussir et de rater, en train de séduire et d'échouer, en train de m'introduire dans cocktails et de m'y faire éjecter, en train de gagner un peu d'argent et d'en perdre beaucoup, en train de me faire quelques amis et de me fâcher avec eux, en train de rire souvent et de pleurer parfois. En train, surtout, d'oublier en moi le provincial, ce qui est toujours une erreur et mène droit au ridicule. Un Rastignac de plus parmi les pots d'échappements. Des débuts dans la vie ? Non : un commencement dans la carrière. Sauf que je n'ai jamais fait carrière dans quoi que ce soit. Voilà en tout cas, chers amis, comment tout a commencé. ».
Y.M
Après le déchirant « Orléans », l’insipide « Reims », l’original « Verdun », Yann Moix revient avec le quatrième et ultime épisode de son autobiographie « Au pays de l’enfance immobile ».
Il débarque enfin à Paris, porté par ses ambitions littéraires. Tout au long de cette première expérience adulte, on assiste à la genèse de son premier roman. Mais pour arriver à ce résultat, sans connaissance, sans un sou, il a dû passer par de moments difficiles.
Il n’aime pas Paris mais aime les personnes qui y vivent. Son arrivée dans la capitale coïncide donc avec de nouvelles rencontres. Ces protagonistes rythment son quotidien et l’entraînent dans des situations impossibles. Il faut dire qu’ils ont la particularité d’être tous aussi farfelus les uns que les autres. La médaille d’or revient à son copain Drach, jeune homme sûr de lui, qui n’hésite pas à profiter de la faiblesse des femmes pour satisfaire ses désirs. Toutes ces frasques d’un autre siècle font de ce volume le plus drôle de la série. Le lecteur assiste à des scènes cocasses où l’insouciance cohabite avec la bassesse masculine.
Même si sur le fond, on peut blâmer l’auteur de se regarder constamment le nombril, sur la forme, on ne peut pas lui reprocher d’avoir du style. Il utilise une langue classique, un peu surannée, afin de nous raconter sa passion de la littérature, à travers ses aventures. Son talent s’exprime grâce à cette plume exigeante qui, pour tout amoureux des mots, rend la lecture délicieuse.
Son « pays de l’enfance immobile » est finalement une ode à l’écriture qui permet de comprendre mais aussi d’oublier. Yann Moix a tout fait dans les médias pour se faire détester de la majorité. Il y est en partie parvenu. Dommage parce que c’est un sacré écrivain !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2022/11/08/801-yann-moix-paris/
Yann Moix est un auteur cérébral….
ici, pas de page turner, mais des phrases et des structures recherchées, des adjectifs, de la syntaxe….l’auteur est cultivé à n’en pas douter, et il a pris le temps de relire et d’affiner chaque mot, chaque verbe
Peut être un peu trop, au profit de la spontanéité, de l’ambiance et du sentiment qu’il aimerait dégager.
Paris, c’est le graal du provincial, la ville où tout est permis…..il serait intéressant maintenant, d’avoir le même parcours en 2022….car Paris, et son aura, ne sont plus les mêmes !!
Pour les amoureux des mots, ce Paris, vous ravira
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