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Las Vegas. Dans les anfractuosités des confins de la ville, vivotent une poignée d'humains rejetés par les courants contraires aux marges de la société, les pieds dans les détritus de l'histoire, la tête dans les étoiles. Parmi eux, Hoyt Stapleton, qui voyage dans les livres (poésie, SF) et dans le temps. À la reconquête patiente et défiante d'une mémoire muette, d'un langage du souvenir. En arpentant les grands espaces de l'oubli, Christian Garcin signe un envoûtant roman américain qui fait migrer Beckett chez Russell Banks.
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Christian Garcin fait vivre cette Amérique à travers le regard de Hoyt Stapleton, Matthew McMulligan et Steven Myers, trois vétérans. Dans cet ailleurs qu’est l’Amérique des laissés pour compte, de nombreux vétérans du Vietnam ou d’Irak, ont trouvé refuge dans les tunnels d’évacuation des eaux de la ville de Las Vegas. Ils subsistent en faisant l’aumône, survivants invisibles d’un monde qui n’est plus.
Mais qu’à fait l’Amérique de ses soldats ? Mis à l’écart et abandonnés, rejetés par tous depuis leur retour du front, car symboles de ces guerres dont plus personne ne voulait déjà dans les années 70, ils survivent, mendient, oublient leur passé, n’ont plus de présent et certainement pas d’avenir.
C’est pourtant là que Hoyt Stapleton ce taiseux stoïque et bienveillant trouve dans les livres sauvés des poubelles du Blue Angel Motel l’espoir qui manque à sa vie. Dans les livres et dans cette imagination qui le transporte ailleurs, dans une autre dimension temporelle, un futur à se construire ou un passé à retrouver, là où est cette mère qu’il trouve si belle dans sa robe bleue, aussi belle que l’ange qui veille sur le toit du Blue Angel Motel, mais aussi là où une vie meilleure semble l’attendre. Mais parfois, le passé vous rattrape d’une drôle de façon…
Dans cette Las Vegas de lumière qui dégorge d’opulence, la mélancolie et l’oubli nous submergent. Auprès de ces hommes au bord du monde, enfouis, cachés dans ces canalisations qui menacent de les engloutir aussi surement que cette vie parallèle à laquelle ils sont contraints...
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2018/11/22/les-oiseaux-morts-de-lamerique-christian-garcin/
Dans les grands espaces de l’oubli
Christian Garcin nous entraîne à Las Vegas, mais pour nous montrer l’envers du décor, celui des laissés pour compte qui vivent dans les collecteurs d’eaux usées.
À Las Vegas tout brille, où on entend donner l’illusion que la fortune est à portée de main, où la démesure est la norme, on ressent plus qu’ailleurs la violence du contraste que représente la population sinon invisible, du moins souterraine, celle des laissés pour compte, des sans domicile fixe, des marginaux qui élisent domicile «le long de tout un réseau d’égouts et de collecteurs d’eaux de pluie (…) trois cent vingt kilomètres en tout, des canalisations allant de tuyaux de soixante centimètres de diamètre à des tunnels de trois mètres de haut sur six de large». C’est dans le numéro 7 de cet «envers du décor à l’ombre des lumières et des paillettes clignotantes du Strip» que vivent Hoyt Stapleton, McMulligan, et Myers, tandis qu’à l’autre extrémité un couple, Lottie Mae et Gollum ont élu domicile, si l’on peut dire.
Christian Garcin va s’attacher plus particulièrement à Hoyt qui, ironie de l’histoire, faisait partie d’une unité spéciale de l’armée américaine chargée des tunnels: « Né de père inconnu, Hoyt Stapleton avait en 1966 accompagné les derniers jours de sa mère qu'un cancer foudroyant avait terrassée en moins de trois mois puis, désormais sans famille ni ressources, s'était engagé dans l'armée. Il avait vingt-deux ans. Il était parti au Viêtnam, où il avait été enrôlé parmi les “rats des tunnels”, ces troupes dont la particularité était d’explorer l’immense réseau de galerie: qui, creusée dans les années 1940 pour établir des poches de résistance à l’envahisseur français, s'étendaient de Saigon à la frontière cambodgienne et à l'intérieur desquelles les combattants viêt-côngs se réfugiaient se réfugiaient, sortant de temps en temps pour décimer les bataillons américains qui entendaient qu'on leur tirait dessus sans savoir d'où cela provenait, et qui, lorsque le tir avait cessé et qu'ils se rendaient sur place, ne trouvaient que feuillages et frondaisons, sans trace des combattants qui avaient reflué à l’intérieur. Lorsque l’armée américaine s'était avisée de l’existence de ces galeries, une unité spéciale avait été formée pour l’explorer, puis la détruire. »
Le problème, c’est que Hoyt comme ses compagnons d’infortune sont bien loin de l’image des héros que l’armée aimerait laisser. Ils sont tout au contraire hantés par leur expérience, au Vietnam, en Irak, en Afghanistan ou même à quelques kilomètres de Las Vegas où une base de pilotes de drones atteignent des cibles au Proche et Moyen-Orient. C’est difficile, dur, atroce. Chacun essaie de refouler ses syndromes post-traumatiques en ayant recours à l’alcool, à la drogue ou en fuyant la réalité en se plongeant dans des recueils de poésie, comme le fait Hoyt. Qui entend aussi lire tout ce qui a trait aux voyages dans le temps. Il se lance alors vers le futur mais sans succès probant. Tente alors de revenir dans les années 50, avant que sa mère ne meure, avant que la belle Maureen ne soit plus qu’un souvenir…
« Depuis ses incursions dans le printemps de son enfance, se dit-il en souriant intérieurement, il avait peut-être activé un mécanisme temporel permettant de brefs surgissements d’une réalité dans une autre. Peut-être la scène laquelle il avait assisté la veille, avec cette jeune femme rousse répondant au prénom dc Maureen qui grimpait dans une Toyota verte, n’avait-elle pas eu lieu la veille mais quarante ans plus tôt, et il avait été le seul à la voir le seul qui pû: la voir.
Peut-être alors était-ce vraiment Maureen qu'il avait aperçue, Maureen venue passer un week-end à Las Vegas avec son mari un jour de 1968 ou 1970. Peut-être la ville était-elle à présent truffée d'intersections entre passé et présent, de filons dans la niche temporelle qui ne demandaient qu'à être forés. »
Ce jeu subtil entre poésie, science et science-fiction a quelque chose de fascinant. Et de profondément troublant. Si l’on peut essayer de trouver dans notre passé les éléments qui nous constituent aujourd’hui, quel moyen avons-nous de modifier cette perception. Pouvons-nous devenir quelqu’un d’autre? Si Christian Garcin ne nous livre pas les réponses, il nous plonge des dans abîmes de réflexion vertigineux. Le tout culminant dans un épilogue que je vous laisse découvrir.
Après Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds, Christian Garcin poursuit son exploration de cette Amérique aux contrastes saisissants, au rêves auxquels on veut croire même si, comme les bandits manchots des casinos, on sait que le risque de perdre est bien plus fort que la chance de gagner. http://urlz.fr/72Hy
Ils sont l’Amérique des sous-sols face aux éclats de lumière qui scintillent sur Strip. Ils sont ceux dont la société ne sait que faire, ceux qui ont tout perdu après avoir connu les bombes. Ils sont la mémoire que l’Amérique tente d’effacer, eux qui ont combattu pour leur nation, eux qui ont enduré et vu l’horreur dissimulée. Ils sont les héros d’un temps et les oubliés d’aujourd’hui.
Mais sous la plume sensible de Christian Garcin, ils prennent vie et témoignent de ce qu’ils ont vu, des combats menés et des conséquences sur l’homme. Ceux qui étaient sur le front, ceux qui pilotaient des drones à des milliers de kilomètres de la zone de combat. Ils sont tous là, avec leurs démons, leur violence parfois. Le martèlement des idées transmises ancrées au plus profond.
L’auteur nous dépeint une Amérique bien peu reluisante et pourtant il ne juge pas, il constate. Il retranscrit, sans tomber dans le pathos ni même dans l’éloge. Il façonne ses personnages d’une douce mélancolie teintée d’humour. Des personnages d’une tendresse bienveillante à commencer par le vieux Stapleton qui voue un amour à la poésie de William Blake ou John Keats et se prend à redécouvrir les musiques qui ont bercé son enfance.
Et puis dans cette réalité douloureuse, Christian Garcin y incorpore une dimension fantastique en jouant avec ces passerelles temporelles pour adoucir la dure cruauté d’un monde invisible.
Les oiseaux mort de l’Amérique était pour moi le premier roman que je découvrais de l’auteur et je ne regrette absolument pas d’avoir emprunté ces tunnels pour aller à la rencontre de ces laissés pour compte qui furent de très émouvants compagnons de route car derrière les fêlures, au creux de ces lieux sombres, se cachent des cœurs tendres.
Lien : http://www.livresselitteraire.com/2018/03/les-oiseaux-morts-de-lamerique-christian-garcin.html
Pour échapper à ses traumatismes, Hoyt Stapleton voyage dans le temps. ? Vétéran de la guerre du Vietnam, le silencieux Hoyt vit dans un tunnel de canalisation de Las Vegas en compagnie de deux autres vétérans. Dans le monde suffocant et asphyxiant de son présent et de son passé, Hoyt se nourrit de livres et de poésies pour se projeter dans le futur et visiter son passé. La cohabitation des différents niveaux de réalités lui ouvre le champ de tous les possibles, lui donne le pouvoir de réécrire le monde à sa façon. Le personnage de Hoyt est infiniment attachant, ses silences sont autant de poésie qui nous permettent, à nous aussi, de respirer et de nous échapper, le temps de quelques secondes, d'une réalité abrupte. Une poignante réflexion métaphysique sur le temps et les violences de la guerre, un souffle d'humanité.
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