"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a très longtemps, j'ai renié mes eaux profondes en regardant couler le fleuve.
Môme du bidonville, j'ai connu la rue, la faim. Mes jours, mes nuits tendent vers un but : survivre. Pour moi, c'est une promotion de servir dans un bordel miteux, esclave de ces dames et d'une taulière décatie.
Méfiance ! Son nouveau client est une toute-puissante ordure. Cette fois, notre Mamá a visé trop haut.
Faute d'y laisser ma peau, je dois les défendre, elle, la Chica et la Maria. Peu m'importe que les petites soient les proies d'un trafic abominable : les états d'âme sont un luxe hors de ma portée.
D'ailleurs, si je m'attendris, je plongerai dans le lac obscur des yeux de la Maria, qui reflètent mes propres abîmes.
Mais face à Don Jaime, je ne fais pas le poids.
Je n'ai pas non plus la force de refouler les eaux sombres de la mémoire. Inexorablement, elles m'entraînent vers le fleuve.
magnifique et dur, des mots qui marquent, une histoire qui ne s'oublie pas
Pour les amateurs de polar et autres romans noirs, n'oubliez pas le festival "Quai du Polar" à Lyon le 27,28 et 29 mars
Anne Catherine Blanc sera là. Trop cool une rencontre avec l'auteur d'un livre que l'on a apprécié
Quelle belle découverte! Je ne m'attendais pas à être aussi touchée par ce livre.On y retrouve l'atmosphère si particulière de l'Amérique Centrale ,une île , Cuba peut-être, les bruits , les odeurs , la misère , sont confondants de vérité.
Dans ce bordel miteux où grâce à un pharmacien douteux, on recompose des jeunes vierges, la haine ,les amitiés juvéniles, la jalousie, la violence sont abordés avec bienveillance par A.C Blanc.
Son "héros" rebaptisé Hip-hop pour cause de boiterie résume à lui seul toute la détresse engendrée par la misère et le manque d'amour.Se convaincre qu'on peut être fier en étant homme à tout faire dans un bordel parce qu'on a quitté le bidonville et donc avoir pris un marche pied dans l'échelle sociale ne peu laisser indifférent.
C'est surtout un roman d'atmosphère même si la fin provoque une quasi surprise au lecteur. C'est un auteur que je suivrai volontiers tant l'écriture est belle.
AC Blanc est une styliste hors pair. Quelle langue mes amis, quelle langue ! Riche. Métissée de mots de différents niveaux de langage. Unique, tiens, le tout début : "Chez nous, les rues de la nuit appartiennent aux furtifs, aux baveux, aux électriques. Elles appartiennent aux chats pelés qui bondissent des poubelles, crachoteurs d'injures chuintantes, griffes et dents jaillies du fourreau pour défendre la pauvre arête ou la tripaille fétide qui alimentera en eux jusqu'au lendemain la petite braise de vie, étique et obstinée. Elles appartiennent aux ligues de chiens galeux, mangés de tiques, mais forts de leur nombre : masse protéiforme et grondante, capable d'attaquer l'ivrogne branlant ou de faire reculer le jouisseur clandestin filant à son plaisir, feutré, circonspect, concentré dans son effort pour noyer l'ombre qui le talonne dans l'ombre caressante des murs, un ton plus noire." (p.7) Poétique : "La Faena a un petit sexe humide et souriant, un petit coquillage rose corail, niché dans sa pelote d'algues douces. La Faena a des yeux d'obsidienne, des lacs volcaniques sans mémoire dans un visage de lave épuré, mais rigide, infiniment lointain, comme ignorant de sa propre histoire." (p.26) En plus de la beauté du texte, j'ai dû recourir avec bonheur une petite dizaine de fois au dictionnaire pour des mots rares, désuets ou recherchés ("mascaret", "purotins", "camard", ...) qui ne sont pas là pour épater la galerie, mais pour ajouter du plaisir de lecture.
Mais ce roman n'est pas qu'un exercice de style et s'il ne s'y passe pas beaucoup d'action pendant les deux cents premières pages il n'est est pas moins passionnant. Hip Hop observe les filles, les autres employés (barman et videur), dresse les portraits des personnalités les plus marquantes, leurs rapports, les jeux de pouvoir, de violence. Il passe inaperçu, fait partie des meubles et peut donc écouter et entendre et suit quasiment tout ce qui se passe dans la maison. Et lorsqu'il ne sait pas, il enquête, notamment pour savoir qui est le protecteur de la Mafalda la Prieure qui voudrait être cheffe et l'identité de l'amateur de jeune vierge qui menace la tranquillité des lieux. Car la Faena n'est plus vierge et la Mama fait tout pour le faire croire, si l'homme puissant qui la désire l'apprend, le pire peut arriver à l’établissement et à ceux qui l'occupent.
AC Blanc décrit également la vie sordide, la pauvreté dans une dictature qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Ce qu'iceux sont obligés de faire pour survivre, le plus souvent la prostitution d'eux-mêmes et de leurs propres enfants (d'où l'absence de jeunes femmes vierges) : un chapitre est consacré à la manière dont la Mama a construit sa notoriété en exploitant cette misère avant d'en arriver à ce bordel miteux. Même si le roman est un quasi huis-clos, l'extérieur est présent dans les odeurs, les bruits, les chiens de l'aube qui fouillent les poubelles, les chats errants, le vent est là aussi, très présent, le vent purificateur, celui qui nettoie les odeurs et en rapporte d'autres.
Osez prendre le risque de lire un roman dont on ne parle pas dans les médias, un livre qui vous fera découvrir une plume sensible, précise, magnifique et des personnages forts qui résonneront longtemps en vous. Un coup de cœur pour moi !
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