"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Je sais seulement que cela fut. Que ces deux bouches un jour de printemps s'embrassèrent. Que ces deux corps se prirent. Je sais que Malusci et cette femme s'aimèrent, mot dont je ne peux dire exactement quelle valeur il faut lui donner ici, mais qui dans tous les cas convient, puisque s'aimer cela peut être mille choses, même coucher simplement dans une grange, sans autre transport ni tendresse que la fulgurance d'un désir éphémère, l'éclair d'un plaisir suraigu, dont tout indique que Malusci et cette femme gardèrent longtemps le souvenir. Je sais que de ce plaisir naquit un enfant, qui vit toujours, là-bas, près du lac. Et que ce livre est comme un livre vers lui. »
Lu dans le cadre du Prix des Lecteurs du Var 2024.
Alors qu’il assiste aux obsèques de son grand-père maternel, le narrateur apprend par hasard un secret de famille : le défunt dans sa jeunesse, alors qu’il faisait partie de l’armée d’occupation de l’Allemagne après l’armistice, aurait eu une aventure amoureuse avec une jeune allemande. De cette relation, un fils serait né.
Etonné de n’en avoir jamais entendu parler, il interroge tout d’abord sa grand-mère qui lui oppose une fin de non-recevoir.
Alors qu’il traverse une période difficile dans sa vie conjugale et lui-même père de deux garçons, l’existence de cet oncle fantôme occupe ses pensées. Doit-il essayer de le retrouver ou doit-il respecter la promesse qu’il a faite à son aïeule de laisser le passé en paix ?
» L’enfant dans le taxi » est le deuxième roman de Sylvain Prudhomme que je lis. J’aime son style sans fioritures, son écriture simple, concise qui décrit si bien l’humanité des personnages.
A l’image de son auteur que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors de sa venue au Centre Pénitentiaire de Toulon.
Si vous ne connaissez pas encore sa plume, réparez vite cet oubli !
L’Enfant dans le taxi, dixième livre écrit en quinze ans par Sylvain Prudhomme est une aventure familiale profonde, variée, intrigante qui explore l’altérité et les relations humaines.
Lorsque nous l’avions écouté parler de son livre, aux Correspondances de Manosque 2023, il nous avait avoué avoir puisé dans son matériau familial pour écrire ce roman.
Sylvain Prudhomme, déjà bien apprécié avec Par les routes et Les orages, débute L’Enfant dans le taxi par une scène à la fois forte et intrigante. Nous sommes entourés de montagnes, au bord d’un lac, en Allemagne, près de la frontière suisse. C’est l’hiver et une jeune femme aide son père à couper du bois. Un Français est là aussi et observe. Elle lui fait signe. Ils s’aiment. Elle l’avait fait danser sous les arbres lors d’une fête organisée par les Français pour marquer la fin de la guerre. Ils font l’amour et cela est merveilleusement écrit.
Celui qui se nomme Malusci sera le père d’un enfant qui naîtra en Allemagne et l’auteur a imaginé ces moments entre l’inconnue du lac de Constance, près de Meersburg, et ce soldat de l’armée française d’occupation.
Après cette mise en place réussie, voilà l’enterrement du père de cet enfant que l’auteur nomme M. Il nommera de la même façon, avec une lettre majuscule, A. la femme du narrateur, Simon. C’est un procédé littéraire que je n’apprécie pas, déjà rencontré chez d’autres auteurs, mais qu’importe !
À partir de cet enterrement, de confidences en révélations, tout s’enchaîne et se mêle aux déboires conjugaux de Simon. Parlant de M., le fils allemand de Malusci, Sylvain Prudhomme affirme son talent littéraire. Phrases et paragraphes s’enchaînent, débutent sans majuscule, les points sont absents et cela donne un rythme accrocheur, haletant qui me captive au plus haut point.
Imma, veuve de Malusci, grand-mère de Simon, joue un rôle important car, autour d’elle, gravite une importante famille qui, malgré les tensions et les conflits inévitables, laisse émerger de tendres moments et une complicité salvatrice.
Lorsque Simon parle d’un Festival littéraire en Italie, au bord du lac de Garde, je sens émerger son expérience d’écrivain. Quand il nous raconte la vie de son grand-oncle, Louis, il réussit un beau condensé d’une évolution commerciale tellement juste.
Quant au titre, L’Enfant dans le taxi, il est enfin justifié vers le milieu du livre et cela offre des moments cruciaux, terriblement émouvants, toujours contés brillamment alors que, lorsqu’il aborde ses déboires conjugaux, une infinie tristesse se fait jour avec des révélations pleines d’humanité.
Au final, L’Enfant dans le taxi est un roman à la fois dur et tendre, juste et révélateur de problèmes bien actuels comme de ceux créés par l’Histoire du XXe siècle, problèmes que certaines familles ont dû affronter, problèmes qui ont fait basculer de nombreuses destinées car : « Il y a eu 400 000 enfants comme M. 400 000 enfants allemands nés de soldats alliés. »
S’appuyant sur cette réalité et ses conséquences, Sylvain Prudhomme a brillamment su faire émerger une destinée semblable, au cours d’un roman captivant, intrigant, particulièrement réussi.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/06/sylvain-prudhomme-l-enfant-dans-le-taxi.html
Soldat d’occupation français affecté en Allemagne, Malusci rencontre une jeune inconnue allemande au bord du lac de Constance avec qui il va, sans le savoir, avoir un enfant, né après la Seconde Guerre mondiale.
Mais ce n’est qu’une fois ce patriarche décédé que Simon, le narrateur, découvre l’existence du premier enfant de son grand-père.
Cet enfant n’a pas eu le droit à une place parmi les siens dans une famille sous le jouc de l’omerta « puisque depuis toujours dans l’ordre des familles, le crime c’est de parler jamais de se taire ». Et même lorsqu’à 15 ans, il prend un taxi depuis l’Allemagne pour tenter de retrouver son père revenu d’Algérie et installé près de Toulouse, ce dernier refuse de le rencontrer.
Ce roman qui prend sa source dans la recherche obsédante mais déçue de ses origines, est plus centré sur la famille de Malusci elle-même que sur la quête d’identité du jeune allemand. Je me suis peu intéressée au vécu des personnages que j’ai trouvé assez ordinaire, leur vie de couple, les rapports dans la fratrie, la toute puissance du patriarche, car rien n’est très approfondi. Et j’aurais préféré que l’accent soit mis sur la recherche du père de cet enfant de la guerre qui passe, selon moi, bien trop en second plan.
Au final il m’aura manqué un ancrage historique plus solide, des caractères plus contrastés et un présent plus connecté au réel pour apprécier ce roman qui ne me laissera pas un souvenir marquant.
Mais déçue de ne pas avoir retrouvé l’étincelle du superbe Par les routes, je garde en mémoire cette puissance imaginative qu’a Sylvain Prudhomme pour nous entraîner dans une réalité toute symbolique, et je lirai certainement son prochain roman.
Je découvre l’auteur avec ce titre énigmatique : qui est cet enfant, et pourquoi est-il dans un taxi ?
Il m’a fallu attendre longtemps au cours de ma lecture pour avoir la réponse. Et j’aurais aimé demander : que ressent-il ?
J’ai aimé la plume de l’auteur, parfois très classique, parfois sans points et avec accumulations.
J’ai aimé que ce roman me parle de séparations : celle du narrateur avec sa femme ; celle lors du décès du grand-père.
J’ai aimé que certains personnages tissent des liens secrets : entre le fameux garçon et certains membres de la famille de son père.
Mais j’ai été agacé de lire sans cesse que les silences dans les familles font des dégâts et en même temps lire de constant éclats de rire, même quand la situation n’est pas drôle. Peut-on remplacer le silence par du rire forcé ? N’est-ce pas plutôt un symptôme ?
J’ai détesté l’ambivalence du grand-père à la fois patriarche que personne ne contrarie mais qui fuit devant son fils illégitime.
Quel courage a eu ce garçon de se lancer sur les routes en pleine incertitude.
Et bien sûr, j’ai aimé le dernier mot.
L’image que je retiendrai :
Celle de la mer au bord de laquelle vit la famille légitime, et celle du lac au bord duquel vit le fils illégitime.
https://alexmotamots.fr/lenfant-dans-le-taxi-sylvain-prudhomme/
Le jour de l'enterrement de son grand père , Simon, le narrateur, apprend de la bouche d'un oncle par alliance que le défunt a depuis très longtemps un enfant caché : celui né de sa rencontre avec une jeune fille allemande alors qu'il était soldat des troupes françaises en Allemagne pendant la guerre. «Le «commandeur», «le patriarche» n'était pas irréprochable... . La famille le sait, mais on n'en parle pas . On a mis la faute sous le tapis «le crime c'est de parler, jamais de se taire.»
Cette nouvelle est pour lui une véritable «déflagration». «Je m'étais soudain retrouvé avec le bout d'un fil entre les doigts, l'extrémité d'une pelote sur laquelle j'avais aussitôt senti que je n'aurais qu'à tirer pour faire venir à moi le reste de l'histoire».
Simon se sent appelé à rechercher les traces de cet oncle caché duquel, sans le connaître, il se sent proche «J'ai pensé que j'étais le frère de M. dans l'ordre des condamnés au remodelage, à la fiction. Son frère dans l'ordre des intranquilles, des insatiables, des boiteux.»
Il est vrai que Simon vit alors une période difficile, il est en train de se séparer de sa compagne avec laquelle il a eu 2 enfants : une séparation faite dans la tristesse mais aussi dans la douceur .
Simon tentera alors de reconstituer grâce à des souvenirs lointains, des recherches sur Internet et des infos données par son oncle, le parcours de celui qu'il désignera , faute d'identité, par l'initiale M. Sa route route sera longue et chargée de surprises ….
L'ENFANT DANS LE TAXI, livre des hontes et des secrets est, outre une une enquête sur le fils caché, une observation et une réflexion sur le poids des non dits au sein d'un microcosme familial , et surtout aussi un roman à l'écriture tout en longues phrases denses, bouillonnantes, en cascades, qui transportent irrésistiblement le lecteur dans les flots de pensées du narrateur .
Le jour de l'enterrement de son père, Simon apprend par un beau-frère que le patriarche avait été amoureux d'une allemande pendant la guerre, et que de cet amour était né un enfant, M.
Secret bien gardé par les membres de la famille qui étaient au courant.
Dès lors, il n'a plus qu'une idée en tête, retrouver ce fils caché, qui doit bien avoir soixante-dix ans maintenant.
C'est une bien belle quête.
Racontée avec un style particulier.
Des phrases parfois très longues, une ponctuation singulière.
A partir d'une pensée, les idées peuvent partir dans plein de directions.
J'ai bien aimé l'ambiance, l'état d'esprit de Simon, sincère, obstiné.
Malgré le refus catégorique de la grand-mère presque centenaire, il ira au bout de sa recherche.
J'ai même eue l'impression que cette histoire était une histoire vécue par l'auteur tellement elle est bien racontée.
Peut-être est-ce le cas, sinon, il a un réel talent pour se mettre dans la peau de ses personnages.
Que de non-dits asphyxiant des générations entières de familles.
Ne serait-ce que pour cette écriture ciselée, ce livre mérite d’être lu. J’aurais envie de dire que cet auteur a une plume qui lui est personnelle. La composition des phrases, des paragraphes et l’imbrication des idées les unes dans les autres, m’ont interpelé. Elle lui est propre et peut ne pas convenir à tous les lecteurs…mais ça, au fond, c’est vrai pour bien des livres.
Dans ce roman Sylvain Prudhomme soulève la poussière de d’ssous les tapis, celle qui y est depuis deux générations déjà et sans que ces dernières ne le sachent. Oui, la poussière était là depuis toujours, créant une ambiance indéfinissable provenant d’un malheur passé, d’un drame refoulé, en tout cas d’une période de vie peu louable.
C’est à l’enterrement de son grand-père, le taiseux Malusci, que Simon apprend par son oncle Franz qu’ils ne sont pas les seuls descendants de ce patriarche. Juste avant de se marier avec Imma et d’avoir plusieurs enfants et petits-enfants, Malusci avait été en Allemagne en toute fin de seconde guerre mondiale. Il y avait connu un grand amour auprès de la fille de paysans vivants et accueillants régulièrement des soldats de différentes origines. Malusci avait cette délicatesse des traits et cette finesse de personnalité qui ne pouvaient qu’attirer une jeune fille côtoyant un monde rural plutôt rude. Un enfant a été le fruit de ces quelques semaines de totale passion. Oui mais, la vie a vite rattrapé ce couple d’amoureux pour les remettre sur les rails définis par la société à ce moment-là.
Ah! Secret de famille quand tu nous tiens, plus aucun gouvernail ne répond aux commandes.
L’auteur n’a pas de réponse non plus, mais son état d’esprit et les questions qu’il se pose sont intéressantes. Les thèmes de l’abandon, de la réparation et de la justice sont judicieusement abordés. Et c’est là que se trouve toute l’intérêt de ce roman.
Qui est cet enfant dans le taxi évoqué dans le titre ? C'est tout l'enjeu du dernier roman de Sylvain Prudhomme de lever le voile sur son identité.
Après une scène imaginaire d'une grande sensualité entre une jeune paysanne allemande et un soldat d'occupation français qui se déroule en 1945, l'auteur nous emporte le jour de l'enterrement du grand-père maternel du narrateur.
Un de ses oncles lui demande s'il a entendu parler de M. qui serait un fils caché du défunt. Pour Simon, la nouvelle est une déflagration.
Se sentant seul depuis sa séparation d'avec sa compagne et disposant du temps que lui offre son métier d'écrivain, il se lance dans une quête obsessionnelle contre la plupart des membres de sa famille qui ne veulent pas ouvrir le coffre où se blottit le secret bien gardé. Parce qu'il ne faut pas faire de vagues...
Sensible et délicat, « L'Enfant dans le taxi », en saisissant le destin d'un des leurs, offre une reconnaissance littéraire aux 400 000 enfants allemands nés de soldats alliés.
EXTRAIT
- Puisque depuis toujours dans l'ordre des familles le crime c'est de parler, jamais de se taire.
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-lenfant-dans-le-taxi-sylvain-prudhomme-minuit/
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