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Flaubert s'est imposé un travail inlassable, polissant chaque phrase, traquant chaque image, corrigeant chaque mot.
Dans sa correspondance, au contraire, il s'abandonne à une plume volontiers exubérante, chaleureuse, et laisse libre cours à sa verve ou à son humeur, à sa tendresse, sa truculence, comme à ce qu'il appelait son Hénormité. Qu'il écrive à George Sand ou à sa nièce, à Victor Hugo ou à Louise Colet (la Muse), à l'oncle Parain ou à Baudelaire, nulle part ailleurs il ne se montre si entier. Au long des quatre cent quarante lettres retenues - d'un chahut de collège au dernier rendez-vous proposé à Maupassant - l'ermite de Croisset, et mondain à Paris, n'a de cesse de pourfendre une époque qui voit la Bêtise triompher.
Lettres inépuisables de celui qui privilégie un principe, « tout pour l'Art, le Beau, le Vrai », et une esthétique qu'il affine ou développe selon le correspondant. Lettres qui déroulent le vivant atelier de l'oeuvre en cours ou des oeuvres projetées, voire rêvées. Lettres qui tracent le portrait d'un artiste par lui-même, âme sensible qui ressent, pressent, voit tout, mieux que quiconque et l'exprime de façon si fine, si aigüe, si nourrissante que chacun y trouve réconfort et « substantifique moelle ».
« Les pages qui suivent proposent un échantillon de ce monument (un dixième de l'ensemble). On y a mis les lettres «fortes» mais aussi beaucoup de ces billets plus modestes qui permettront à qui le souhaite de comprendre, au globule près, l'homme privé que fut le cher Gustave : neurasthénique professionnel, champion de l'humeur noire, mais si touchant dans ses amours, si bon fils, si bon frère, si bon oncle, si joyeux drille, mentor si attentionné vis-à-vis du tout jeune Maupassant, indéfectiblement fidèle à la mémoire de ses amis, chaleureux envers les survivants, farouche sur les points d'Esthétique, grande carcasse qui perdait ses dents, perdait ses cheveux, perdait ses forces mais garda jusqu'au bout sa lucidité grognonne et sa verve découragée. Le voici dans son ampleur vitale, forte carrure mais âme souffrante, qui observe toute chose d'un oeil d'aigle et exprime ce qu'il ressent en artiste de race. Choix d'amateur pour les amateurs (à l'heure où le curieux qui veut tout lire, le peut), ce recueil fixe au moins deux certitudes. La première, c'est qu'aux temps fabuleux de la monarchie de Juillet et du second Empire, la Poste acheminait le courrier. La seconde, qui seule compte ici, c'est que Flaubert, sans aucun doute possible, et plutôt mieux que quiconque, savait vous écrire. » (extrait de la préface de Boris Moissard)
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