"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Au début du XXe siècle, le tout jeune Émilien, fils bâtard d´une paysanne, fuit la ferme de son beau-père et s´engage dans un périple qui le verra tour à tour chaudronnier, garçon de cirque, puis saltimbanque... Presque cent ans plus tard, Clarisse, la cinquantaine tourmentée, romancière et auteure de pièces de théâtre, recherche un comédien pour la création de sa première pièce ; Adrien, un acteur trentenaire, énigmatique et à la sensibilité à fleur de peau, s´imposera dans le rôle principal. Ils n´ont a priori rien de commun. Mais les dés du hasard vont rouler. À moins que ce ne soit le destin, facétieux marionnettiste, qui s´amuse à tirer les ficelles...
Un roman fort, riche et foisonnant, questionnant, des ombres de la vie aux lumières de la scène, l´artifice de la création et le pouvoir de la fiction.
Enseignante puis écrivaine publique, Cathy Borie se consacre depuis une dizaine d´années à l´écriture. Elle est l´auteure de plusieurs romans et recueils, et anime occasionnellement des ateliers d´écriture.
Ce qui m'a attiré dans ce roman, c'est la cohabitation de deux histoires totalement dissemblables dans un même ouvrage. Elles ne se ressemblent ni par l'époque, ni par la vie des personnages ni même par le fond, mais elles se retrouvent dans un même livre et se rejoindront sûrement, mais comment ? Cathy Borie alterne les chapitres, un coup Émilien, un coup Clarisse, c'est parfois difficile de faire le grand écart au début, mais après quelques chapitres mon esprit lent s'y est fait.
D'un côté donc l'histoire de ce jeune homme bercé au Tour de France par deux enfants, livre qui contribua à l'éducation et à l'instruction de nos parents ou grands-parents, qui part seul et qui, à l'aube de la grande guerre trouve sa voie dans les arts ambulants. C'est une histoire assez belle, plutôt légère malgré les temps et les circonstances, faite d'apprentissages, de rencontres, d'amitiés, de travail mais aussi d'insouciance.
De l'autre côté les affres de la création littéraire. Clarisse veut passer à la fiction, elle en a assez de raconter des morceaux d'elle, et cette pièce qu'elle a écrite et qu'elle monte dans un théâtre parisien est la dernière basée sur sa vie. Ce qui peut paraître-et qui finalement, à la réflexion, ne l'est pas- étonnant c'est que cette femme qui vit un siècle après Émilien, qui a accès a beaucoup plus de choses, qui vit nettement mieux que lui, a plus de soucis existentiels que lui, comme si une certaine facilité engendrait des questionnements profonds qui peuvent mettre à mal, ou si l'on prend le raisonnement à rebours, comme si une activité soutenue, une vie simple sans les tentations, les sollicitations qui peuvent nous envahir et qui n'existaient pas au début du XX° siècle (télévision, radios, Internet,...), protégeait des névroses, des déprimes ou dépressions, tout au moins des questionnements existentiels.
Bon, revenons à notre Clarisse qui explique très bien son processus d'écriture : "Une fois plongée au cœur de mon intrigue, j'en extrayais la substantifique moelle, je creusais des galeries dans tous les sens, je jouais avec les mots pour qu'ils collent au mieux à l'histoire que je racontais, telle une épaisseur de chair élastique et vivante accrochée à un squelette, et puis, très vite, au bout de cent cinquante ou deux cents pages au maximum, le dénouement s'imposait. Je ne pouvais pas écrire un mot de plus. Le soufflé retombait. Je ressentais alors soulagement et nostalgie, une sorte de baby blues post-partum, mais même si j'avais voulu ajouter dix lignes, je n'y serais pas parvenue. J'avais pressé l'éponge jusqu'à la dernière goutte et rien ne pouvait plus en sortir." (p. 23).
Eh bien, moi je dis bravo, parce qu'un roman de deux cents pages, ça me va, les pavés, ça me gonfle. Plus sérieusement, j'aime la manière de Cathy Borie de parler de la création littéraire et de construire de son roman : elle mélange habilement fiction, réalité, invention, vécu, histoire des ancêtres, légèreté, profondeur, ... A peine peut-on ressentir une légère frustration parce que l'histoire d'Émilien est un peu occultée par celle de Clarisse, mais c'est le chemin voulu par l'auteure, celui qu'elle veut nous faire suivre et qui nous mène à l'issue de son histoire.
J'ajoute que, ainsi que le montre l'extrait choisi, le style est beau, les phrases sont longues, travaillées sans être laborieuses ou ampoulées, la lecture du roman est très agréable, fluide, pas de temps mort même si le rythme n'est pas échevelé.
Beau roman, beau choix des éditions de la Rémanence.
Le livre se décline en 26 chapitres et s'organise en une alternance, plutôt régulière, de deux récits se déroulant à des époques différentes, sur des bouts de vie d'une femme et d'un homme n'ayant apparemment rien en commun.
Le roman débute par une confidence de Clarisse quant à son rapport à l'écriture, depuis sa plus tendre enfance et tout au long des années qui se sont écoulées depuis. Elle a dépassée la cinquantaine, vécu des joies et des épreuves. Après quelques détours et retours dans sa vie professionnelle, elle s'est consacrée au théâtre pour lequel elle est, au moment où nous la rencontrons, en plein montage de sa dernière pièce.
Le deuxième chapitre évoque Les conditions de la naissance d'Émilien, né par inadvertance et dans le dénuement, en ce froid mois de janvier 1899.
Progressivement, nous les découvrons, tous deux, de manière dissociée, jusqu'à apprendre dans les dernières pages du livre, ce qui les lie au-delà de leur quotidien.
L'architecture du roman est bien pensée, l'histoire tient la route et nous passons sans anicroche d'un monde à l'autre.
Par contre, ce qui est bien moins réussi, c'est les pensées, les propos et les actes prêtés aux différents personnages. Trop souvent, des incohérences se glissent dans le récit et met à mal sa crédibilité. L'auteur n'est, à mon sens, pas encore parvenue à l'inconditionnel et nécessaire détachement de son ego avec son texte. Manifestement, Cathie Borie voit en Clarisse le coté sublimé de sa propre personnalité, çà se sent et ça dérange. A certains moments, j'en ai éprouvé jusqu'à de la gêne face à la naïveté qui transpirait au travers de ces lignes.
Pour aller au bout de mon raisonnement, j'ai eu l'impression d'avoir en main un texte d'amateur qui aurait mérité quelques relectures supplémentaires permettant de lisser certaines aspérités dérangeantes et d'éliminer les scories menaçant la cohérence de l'ensemble.
Dommage …
L’auteur nous propose des enchaînements de morceaux de vies qui aux premiers abords n’ont rien en commun. C’est ainsi que nous suivons tour à tour Émilien, Clarisse ainsi qu’Adrien. Tout se déroule sous nos yeux pour finir par se croiser et se lier. Comment peuvent se rejoindre un fils de paysans ayant vécu un siècle avant cette auteure et ce comédien ? Plus de choses qu’on ne le pense au début de la lecture.
Tout en finesse et en délicatesse, nous découvrons les histoires de nos trois protagonistes. La jeunesse des deux hommes à deux époques différentes et la vie « actuelle » de Clarisse qui avoisine la cinquantaine. Nous changeons de personnages à chaque chapitre, les histoires s’enchaînent et la lecture bat son plein. Nous sommes très vite plongés dans ces trois histoires et nous n’avons de cesse de tourner les pages pour en savoir plus, pour comprendre les décisions de chacun et surtout quels sont les conséquences de ces décisions. La personnalité et la pensée des protagonistes est détaillé. Avec Adrien notamment, nous observons un homme névrosé, amoureux de l’amour et de la mort. Je pense que c’est le personnage qui m’a le plus ému par son côté hors normes et en fait tellement touchant, tellement droit dans sa façon d’agir. Il n’est pas réellement en pleine possession de ses moyens tellement la névrose semble prendre le dessus sur le reste. Je ne vous en dit pas plus de peur de vous en révéler trop ! Émilien est plus universel, ou plus proche de ma façon de voir la vie, je ne sais pas trop. En tout cas, il tente de vivre ses rêves et voit en cherche les limites. C’est finalement ce que nous devrions faire dans la vie, n’est-ce pas ? Clarisse est un peu plus complexe qu’il n’y parait. Femme fragile, en quête d’amour parfait, elle se donne à corps perdu dans l’écriture. Elle est le metteur en scène de la pièce qu’elle a écrite mais elle est aussi le metteur en scène de notre histoire. Narratrice, elle nous expose son point de vue et c’est elle qui donne le ton. C’est une femme faite de mots et de papier qui a du mal à exister en dehors de ses livres. La voilà sur le devant de la scène qu’est sa vie, c’est un régal pour le lecteur.
Cathy Borie nous surprend dans le dénouement de ces vies, dans la tournure que prend les sentiments de chacun. Elle dresse des portraits à la fois touchants et horribles sur certains points. Elle décrit avec justesse la vie et ses aléas. Une auteure que j’aurais plaisir à retrouver et que je vais m’empresser de partager via une citation qui parlera à beaucoup :
« […] j’avais toujours aimé me trouver dans le cocon d’une voiture en marche avec un homme, comme si cet espace réduit servait de catalyseur à nos émotions secrètes, attisait les sentiments et favorisait les échanges amoureux. Pas d’échappatoire possible. Le couple dans toute sa nudité. C’était sans doute pour cela que les engueulades en auto étaient si fréquentes. »
Une lecture émouvante qui va me marquer un bon moment encore. Un ouvrage à découvrir aux éditions de la Rémanence.
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