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Ainsi, je peux dire que j'ai appris de Maurice non seulement la beauté absolue de sa musique, mais aussi je peux dire qu'il m'a également enseigné à écouter le plus attentivement du monde, et avec le plus grand soin, toute musique. Il m'a enjoint dès la sortie de mon soupirail à lire des auteurs que je ne soupçonnais pas. Il me les a tendus comme on tend la main à un enfant pour qu'il ne tombe pas dans un puits profond, il m'a enseigné dans la chambre de mon enfance et dans la maison de mon enfance à réapprendre à écrire, donc à redécouvrir le verbe, mais aussi le chant, et toutes ces choses qui touchent à l'esprit. Il a donc été cette relation idéale que je cherchais intensément dans mon enfance. Et cette étrangeté qui m'unit à lui m'est devenue familière. Elle fait partie de ma maison, de ma vie, de mon corps, et je n'ai de cesse de la partager.
Création au CDN Besançon Franche-Comté dans la mise en scène de Claude Duparfait et Célie Plauthe du 16 au 23 septembre 2016.
« J’ai toujours trouvé la Picardie hideuse. Enfant, elle me terrifiait quand je la regardais dans les yeux. » Ainsi débute le livre. C’est vrai, lorsque l’on pense Picardie, l’idée du soleil n’est pas présente, plutôt gadoue, brume, bruine, brouillard, surtout Laon dans l’Aisne ! J’ai mieux compris pourquoi en lisant le livre de Claude Duparfait. En plus de la région, il y a les 4ème et 3ème de transition où le principal de Collège foutaient les élèves de milieu ouvrier, ou peu doués, ou posant des problèmes, ou trop rêveurs ou pas assez concernés… Enfin bref, les moutons noirs. S’en sortir est une vraie gageure « Il n’y avait aucune issue dans la société pour qui entrait dans ces classes de transition de 4ème et de 3ème en Picardie. On y entrait, et à l’instant même où l’on avait franchi la porte on devenait soudain un élève animal malade, un mort. Qui entrait dans ces classes de transition de Picardie ne pouvait pas ne pas ressentir instantanément l’épaisseur de mélancolie et d’affliction, de laideur et de violence –voir de maltraitance- infligée à ces élèves animaux condamnés et perdus. Au milieu des années 70, la classe de4è et de 3è de transition de Laon, dans l’Aisne, est un ghetto d’une quarantaine d’animaux qui côtoient au quotidien les élèves argentés et les chanceux dans les seuls espaces où personne ne peut empêcher qu’ils ne se mélangent : le préau et les latrines. » Une mort sociale annoncée.
Par la voix d’un petit transistor « Philips D2102 » dérobé à son père, Claude entend puis écoute pour la première fois Maurice Ravel et c’est la renaissance « Car sans toi, là-bas à Laon, je me serais définitivement perdu. Je me serais noyé. Je serais mort. Je n’aurais jamais survécu sans toi. » A partir de cet instant, sa vie bascule, s’ouvre la gangue, des horizons nouveaux. Il sortira dans les deux sens du terme de transition pour aller vers une seconde classique. Ravel lui permettra d’obtenir, aux épreuves du BAC, un 17 en français.
Ce livre est un cri d’amour à Maurice Ravel, celui qui lui permit de sortir de la grisaille picarde, d’assumer sa différence, de partir et vivre. C’est aussi une réhabilitation de ses parents qui n’ont pas pu ou pas su comprendre son grand désarroi et, également, un merci à car ils n’ont jamais mit un frein à sa passion de la musique de Maurice Ravel, allant même jusqu’à lui acheter les œuvres complètes à Noël « Ce que je puis dire d’eux, c’est qu’ils n’ont jamais fait obstacle à Ravel. D’aucune manière que ce soit. »
Dès le début de ma lecture, j’avais presque envie de lire à voix haute, que ce livre était fait pour le théâtre. Cette façon de marteler certaines phrases donne un rythme oral au livre. Curieuse, j’ai regardé plus avant les premières pages et… « Une adaptation de ce texte pour la scène a été réalisé et interprété par l’auteur. » Les représentations ont eu lieu en septembre dernier à Besançon.
Un livre où la pudeur, l’humour, la dérision jouent avec l’amour de Ravel servi par une écriture dense.
Un livre que je n’aurais certainement pas déniché ni lu sans « La voie des indés » organisée par Libfly qui nous permet de découvrir des maisons d’édition peu connues. Merci à Libfly et à la maison d’édition « Les Solitaires Intempestifs » (cliquez pour aller sur leur site) pour ce très agréable moment de lecture.
J‘aime cette idée que Ravel puisse sauver une vie, tout comme Proust a enchanté la jeunesse de Michaël Uras
"Ma classe sociale fut ma prison, tout comme la possibilité de ma libération. Serais-je véritablement devenu autre, si je n’avais pas eu ce père, et cette mère ? Serais-je devenu un grand pianiste se seulement il y avait eu un piano dans la maison triste de mon enfance ?"
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