"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Marie-Thérèse Humbert
Comme un vol d'ombres
Louise Lorgeil, la narratrice, est une «femme d'habitudes» pour qui compte d'abord son métier de traductrice. Persuadée de n'avoir aucun charme, elle a renoncé très tôt à l'espoir d'être aimée et vit seule, à trente-
quatre ans, dans un appartement de la banlieue parisienne, où règne le silence.
C'est alors qu'elle rencontre sa nouvelle voisine, Adeline, qui n'est pas heureuse avec un mari irascible, véritable tyran domestique. Entre les deux femmes se noue une curieuse complicité qui introduira le trouble dans l'existence de Louise, car les paroles maladroites d'Adeline, jour après jour, feront resurgir, comme un vol d'ombres, les visages du passé.
Plus que le récit d'une amitié, ce roman est celui des retrouvailles avec elle-même d'une femme barricadée dans son orgueil, qui, grâce à la puissance évocatrice des mots, parviendra enfin à accueillir la vie qui s'offre à elle.
J'ai extirpé du fond de ma PAL ce livre que j'avais acheté depuis quelque temps, attirée par le tableau en couverture "The quiet room" de Sir George Clausen (1852-1944) ainsi que par la beauté poétique du titre "Comme un vol d'ombres".
Dans ce tableau, tout respire la sérénité même si la femme qui écrit dans le côté droit du tableau n'a pas de visage comme si elle était universelle; la lumière est douce, les fleurs mettent une touche de beauté colorée, les tons sont pastels.
Cette atmosphère est bien loin de celle du roman. C'est l'histoire de Louise, enfant abandonnée par son père, élevée sans amour par une mère impotente suite à un accident, aigrie, vindicative et une grand-mère acariâtre qui lui reproche presque d'exister. Elles vivent plus que chichement dans un minuscule appartement, en vase clos dans une atmosphère tendue.
Pour se protéger Louise, qui se croit laide car on le lui a laissé entendre, se renferme sur elle-même, se retire dans une carapace, refuse toute amitié, toute manifestation d'amour. Elle est traductrice, vit seule à 34 ans et s'est imposé une routine qui la rassure et remplit sa vie juste ce qu'il faut pour ne pas se poser de questions. Elle est anguleuse à l'extérieure comme elle est sèche à l'intérieur. Son métier lui permet de réduire au maximum les interactions avec ses semblables; elle a même choisi de traduire du latin et du grec, langues mortes avec lesquelles on ne communique plus.
Puis au milieu de cette vie monotone, terne mais sécurisante arrivent de nouveaux voisins; la femme, Adeline, prend Louise comme confidente et les mots de cette femme vont ouvrir les portes que Louise avaient soigneusement cadenassées, libérant un vol d'ombres, son passé.
Les mots vont ramener, par petites touches, la vie en Louise.
On ne peut qu'être émus par cette petite fille, dévalorisée par sa grand-mère, ignorée par sa mère, totalement solitaire, qui grandit sans tendresse ni joie dont la seule solution pour survivre est de se blinder contre toute émotion. L'écriture est poétique malgré la dureté du propos avec de belles images qui évoquent l'envie de se libérer.
Un beau roman.
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