"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Né en 1126 à Cordoue, il a connu la gloire puis la disgrâce, le respect des puissants puis l'exil et la clandestinité. Il a contribué à la légende de l'Andalousie musulmane, mais il a payé au prix fort les audaces de sa pensée. Ses idées seront tout aussi violemment condamnées par l'Eglise que par les théologiens musulmans qui lui reprocheront - hérésie suprême - d'oser aborder la foi avec la raison, de refuser l'aveuglement dogmatique et l'usage des textes sacrés pour le seul bénéfice de quelques-uns.
Traité en paria, menacé, c'est haï de tous qu'il mourra à Marrakech, à soixante-douze ans. Mais des siècles plus tard son oeuvre demeure plus vivante que jamais. Il s'appelait Averroès.
Quel délice de se couler dans les romans historiques de Gilbert Sinoué ! L’auteur n’a pas son pareil pour vous immerger dans le monde qu’il a choisi pour exprimer son talent de conteur. Avec Averroès ou le secrétaire du diable, aux éditions Fayard, il s’attaque à une immensité oubliée de la pensée musulmane du XIIe siècle. Celui que les jaloux et rigoristes qualifiaient de “secrétaire du diable” a connu la gloire et la haine au gré des sursauts de l’histoire d’Al-Andalous, la future Andalousie. Ce roman évoque un penseur infatigable, célèbre par ses commentaires sur Aristote, formant des théories qui ont ébranlé les théologiens musulmans et catholiques jusqu’aux tréfonds de leur âme corsetée. L’auteur offre une tribune romanesque à cet homme qui a aussi été un fils respectueux, un amant fou amoureux, un mari sage et un père aimant.
Cordoue. La ville illuminée la nuit irradie telle une métaphore de l’Islam intellectuel éclairé. Abou al-Walid Mohammad Ibn Ahmad Rochd naît en 1126 dans cette cité du savoir. Il sera Ben Rochd pour les Juifs et Averroès pour les catholiques. Fils du Cadi de Cordoue (juge de formation religieuse), l’enfant a soif de vérité. Il suit une solide instruction auprès des plus grands. Son maître à penser est Aristote, il cherchera toute sa vie à en décrypter les écrits. Mais depuis un siècle, la tolérance n’a plus droit de cité. Les nouveaux califes Almohades prônent l’islam rigoriste : “Le Coran d’un côté, l’épée de l’autre“. Le philosophe médecin et juriste religieux occupe ses diverses fonctions le jour auprès des califes successifs almohades et écrit, la nuit, des théories révolutionnaires et considérées hérétiques. Contre le pouvoir en place, il ose affirmer que la raison prime la foi et que l’homme n’a pas d’âme propre. L’âme serait universelle, et l’homme de son vivant n’en aurait qu’une part qui regagnerait le cosmos une fois la mort survenue. À cause de cela, toutes les haines s’uniront à la perte du “secrétaire du diable”.
Gilbert Sinoué nous entraîne avec passion dans cette époque troublante et tumultueuse, où les Lumières et l’Obscurantisme s’opposaient déjà. La résonance avec l’islamisme radical d’aujourd’hui ajoute à l’intérêt historique et culturel du roman. Le philosophe qui n’a cessé de déclencher des séismes par ses livres de son vivant a aussi provoqué le courroux vindicatif bien après sa mort, à l’âge de 72 ans, en 1198. Cette haine est astucieusement mise en perspective dans le roman par l’évocation de ses contradicteurs post mortem les plus virulents, comme le dominicain Thomas d’Aquin ou le poète François Pétrarque. Cette alternance entre les conséquences de la pensée d’Averroès et sa vie racontée à la première personne donne de la chair à cet érudit courageux, dont la pensée pouvait être hermétique pour le profane. Gilbert Sinoué a ainsi réussi ce tour de force de rendre intelligible et terriblement humain un homme en proie aux doutes jusqu’à la fin. Seule la mort pouvant attester sa pensée !
En se glissant dans la peau d’Averroès, Gilbert Sinoué nous raconte le parcours d’un des plus énigmatiques penseurs de l’histoire.
Né à Cordoue en 1126, il incarna un Islam éclairé marqué par la volonté de concilier la foi et la raison, la philosophie et la Révélation. Calomnié ou encensé, il fut rarement compris et Gilbert Sinoué le définit comme le dernier grand penseur de l’islam des lumières voire de l’Islam tout court.
Un énorme travail de recherches et de documentation pour un livre très érudit dans lequel je me suis sentie parfois perdue (par manque de culture) mais qui malgré son exigence enchantera ceux qui comme moi aime l’histoire.
Au soir de sa vie à Marrakech décembre 1198, Averroes écrit ses mémoires. Lucide et serein, il énonce deux certitudes :
- « Ceux qui savent sont en proie au doute, et les ignorants se nourrissent de certitudes. »
- « L’ignorance mène à la peur et la peur conduit à la haine. Voilà l’équation. »
Il remonte le temps, évoquant sa famille éminemment respectable. Son grand-père et son père étaient cadi à Cordoue, juge de formation religieuse chargé d’appliquer la loi.
L’histoire n’étant qu’un éternel recommencement : son grand-père avait dû s’exprimer sur le port du voile … par les hommes : chez les Almoravides, les hommes continuaient de porter une pièce d’étoffe qui cachait le bas du visage, alors que les femmes avaient le visage découvert. Une partie de la population voulait que les hommes se dévoilent. Son grand-père trancha en faveur du port du voile par les hommes.
A l’âge de 23 ans, il choisit d’étudier la médecine et partit étudier auprès d’Abubacer à Grenade. Ce dernier médecin et philosophe a écrit le fils de l’Eveillé, un livre qui a connu un grand succès alors que l’imprimerie n’existait pas. Alors que de nos jours chaque maladie a son spécialiste, la démarche prescrite par Abubacer est de traiter l’ensemble et non l’unité.
Découvrant le traité de l’âme d’Aristote, il va en faire son maître à penser.
Sa prédilection pour ce philosophe, « la pensée de l’être humain serait le reflet d’une unique intelligence et toutes ses réflexions le reflet de celle-ci », lui vaudra d’être accusé d’avoir rédigé le traité des trois imposteurs, un livre qui accuse d’imposture délibérée Moïse, Mahomet et Jésus-Christ. En effet, cette philosophie proche des philosophies asiatiques comme le bouddhisme, va à l’encontre des croyances occidentales professant l’immortalité de l’âme.
Son œuvre en tant que commentateur d’Aristote, va influencer beaucoup de philosophes en Europe occidentale. Aussi, l’auteur alterne habilement des chapitres évoquant la postérité de son travail et ceux qui racontent sa vie.
Le roman ne pouvant aborder tous les aspects de sa pensée, l’accent est mis sur son activité de médecin et cette pensée phare : « il n’y aurait qu’une seule intelligence pour tout l’espère humaine… par conséquent, une fois mort, plus rien de personnel ou d’individuel ne subsiste. » Le propos est clair même si on n’est pas un philosophe émérite. On y retrouve cette interrogation qui taraude l’auteur : pourquoi existons-nous ?
Dans ce roman, l’auteur fait revivre l’Andalousie musulmane du 12e siècle.
J’ai aimé ce livre car j’ai découvert un personnage historique que je ne connaissais pas du tout le tout merveilleusement racontée ; la vie d’Averroes rappelle la richesse de la vie intellectuelle de cette époque et l’intolérance qui au fil des siècles n’a rien perdu de sa vigueur.
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