"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après avoir passé plusieurs années dans un institut psychiatrique, un jeune adulte met à exécution, pour s'évader, un plan des plus ambitieux. Car c'est long, cinq ans attaché à une table avec pour seule compagnie l'écho de sa propre voix. Son isolement l'en a convaincu : sa mère, qu'il n'a presque pas connue, a dû être horrifiée en apprenant ses méfaits, lui qui a pourtant été reconnu criminellement non responsable. C'est pour la retrouver enfin qu'il s'enfuit.
Commence alors la délirante cavale de cet écorché de la vie qui, pour échapper aux forces de police et intimider les badauds, va se faire tatouer une cible rouge au milieu du front, adopter un chihuahua, et trouver refuge dans la rue aux côtés des marginalisés. Jusqu'au jour où ses errances le mènent à Maple, une prostituée qui lui chavire le coeur. À scruter son visage, n'y verrait-il pas un peu de lui-même ?
Dans une langue truculente, inventive et audacieuse, David Goudreault met en scène un enfant perdu, en lutte avec lui-même et contre une société qui isole au lieu de soigner et d'accompagner.
Abattre la bête de David Goudreault, Vues et Voix, 2020 (1ère édition : Stanké, 2017)
David Goudreault est romancier, poète et travailleur social. Je l’ai découvert, en piochant un peu au hasard, dans mon abonnement audible, au cours de ce que nous pourrions appeler ma période québécoise…
Abattre la bête, suite de La bête à sa mère et La Bête et sa cage est son troisième roman.
Dans le premier opus, j’avais trouvé que David Goudreault avait l’immense talent de nous faire aimer un monstre, une bête. Sous sa plume, son héros, bien que violent, bas du front et manipulateur, devenait presque attachant. À partir du deuxième volume, ce personnage avait commencé à m’agacer un peu ; j’étais moins en phase avec le second degré… Même si j’avais bien compris l’intention de porter un regard critique sur le milieu carcéral, le style et l’ambiance me pesait un peu trop parfois…
Mon intérêt et mon enthousiasme déclinant, j’appréhendais un peu la fin de la série…
Après avoir passé plusieurs années en asile psychiatrique, notre héros parvient à s’évader. Ce troisième tome est le récit d’une incroyable cavale aux milieux des marginaux. Celui que toutes les forces de police recherchent trouve finalement refuge auprès d’un chihuahua et d’une prostituée en fin de course.
Le style est toujours aussi déjanté et truculent, parfois très imagé ; certains passages érotiques sont particulièrement évocateurs… Ayant choisi, comme pour le reste de la série, la version audio, très bien lu avec l’accent québécois par Émile Proulx-Cloutier, je dois reconnaître que certains passages valent leur pesant de cacahuètes mais passent mal au moment du petit déjeuner…
Mais les portraits sont particulièrement savoureux, appuyés. David Goudreault force le trait mais c’est tellement bien vu, bien campé que le comique et la dérision arrivent à (presque) tout faire passer ; ça coince un peu, mais ça passe.
Cette fois, c’est le milieu psychiatrique qui est décortiqué et mis à mal par ce récit, toujours à la première personne, avec un univers référentiel très personnel car détourné.
David Goudreault repousse vraiment les limites de l’humour pour donner à voir la vie des oubliés du système, des irrécupérables. Il y a plusieurs niveaux de lecture dans cette trilogie ; il n’est pas toujours aisé de ne pas se laisser déborder mais je ne regrette pas ce voyage en absurdie.
Dernier tour de piste avec le désaxé flamboyant, interné cette fois-ci en psychiatrie à Montréal, dans un endroit dont on ne s'évade pas. En principe...
Dans sa tête c'est un feu d'artifice permanent d'inepties, un festival de jobardise, pour mon plus grand plaisir car c'est toujours aussi cruellement drôle, voire plus à chaque nouveau tome. Au détour d'un événement affreux, un fou rire peut surgit sans crier gare. Car les circonstances et les conséquences de ses actes ainsi que la traduction qu'il en fait sont toujours vues par le prisme de son cerveau malade.
L'auteur met des horreurs dans la tête et dans la bouche de son personnage et pourtant on en rit.
Et le nom du chien, ça aussi c'est tellement bien vu ‼
En quête permanente d'attaches, d'un clan à lui, il veut s'évader, car il espère toujours retrouver sa mère, mais veut aussi se venger de tous ceux qui sont sur sa liste, et ladite liste est prodigieusement longue.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il a de la suite dans les idées et ne manque pas de ressources.
Ah, et l'écriture !.. Elle est ciselée, acérée, sublime ! Un vrai bonheur pour les neurones. Tout comme son personnage qui se perfectionne dans la démence au fil des différents opus, David Goudreault nous offre une maîtrise de la langue et de l'esprit, un peu plus à chaque tranche de vie. Mais sans doute est-ce pour coller à l'évolution de la bête qui, bien que très immature et complètement en orbite, a un regard et une analyse très pointue sur cette société et cette humanité qui n'ont pas voulu de lui.
Je me suis passionnée pour les pérégrinations de cet allumé dangereux, vivant dans une réalité parallèle, hilarant malgré lui, féru de littérature et de poésie, à la culture un peu foutraque qu'il restitue toujours de façon approximative et désordonnée.
L'humour de David Goudreault est à l'abomination ce que l'autodérision est à l'esprit : salutaire et bienfaisant.
Énorme coup de cœur pour moi que cette trilogie. Je l'attendais impatiemment, j'ai été conquise et je crois que je n'ai pas fini d'y penser.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !