"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
John et Kathy Wade se sont mis en retrait de la vie publique après la cuisante défaite de John aux élections sénatoriales. Ils logent dans un petit cottage au bord du Lac des Bois dans le nord du Minnesota. Ils essayent de se ré-imaginer un avenir, d'avancer malgré les horribles révélations sorties dans la presse et qui lui ont coûté la victoire, ils tentent de se projeter dans une nouvelle vie, mais les choses sont-elles si simples?
Et puis un jour Kathy ne revient pas de sa promenade. le hangar à bateaux est vide, le canot n'est plus là. Les heures passent et elle ne réapparaît pas. John alerte les autorités, les recherches commencent...
Ce livre présente une construction plutôt originale avec des chapitres faits de citations de procès-verbaux et de livres, de témoignages recueillis par l'auteur et de descriptifs de pièce à conviction, d'autres présentent des hypothèses sur ce qui aurait pu se passer et enfin des chapitres narrent le présent et racontent le passé. le passé de ce couple, mais surtout le passé de John au Vietnam pendant la guerre. En disséquant l'histoire de John, de son enfance, de sa guerre du Vietnam, de son histoire d'amour avec Kathy et du poids de la culpabilité, l'auteur tente de comprendre ce qui est arrivé le jour de la disparition, de trouver des réponses mais dès les premières pages on comprend qu'il n'y aura que des spéculations. Libre à chacun de choisir la plus crédible.
J’ai passé un très bon moment à lire les anecdotes contées par Tim O’Brian à partir d’histoires qui lui ont été racontées ou qu’il a vécues. C’est avec un style très fluide, sans tomber dans le mélo, qu’il raconte la guerre, mais surtout ce que la guerre a fait à ces grands enfants. Et la simplicité avec laquelle cela est racontée n’enlève rien à l’intensité de ce récit et à la tragédie décrite.
Tout est à relativiser en temps de guerre : la peur, le courage, la vérité et les actes n’ont plus de sens. Les réactions de ces hommes ne sont plus rationnelles face à la mort de leur camarades ou à la leur qui est probable. Rien n’est plus absurde, puisqu’il n’y a plus rien de rationnel. Ce qui rend les anecdotes déroutantes, étonnantes assis sur son canapé à lire.
C’est là un livre qui m’a touché par les détails qu’il pointe et qui ne font que nous rapprocher plus encore de ces soldats, qui leur donne toute leur humanité. J’ai particulièrement apprécié tout le premier chapitre consacré à ces choses que les soldats emportent pour les rattacher à leur vie en dehors de la guerre. Chaque objet mentionné est une perle délicatement posée qui vient fignoler le scénario qu’on se fait au cours de la lecture. Ce n’est pas une histoire de héro ou d’homme qui se révèle tout à coup courageux mais celle de gens ordinaires qu’on a envoyés faire la guerre.
Durant les histoires rapportées par l’auteur, j’ai parfois eu l’impression d’être face à un vétéran de la guerre du Vietnam, comme on en voit dans les films, plein de bagues avec des cheveux longs et gros qu’il repousse de temps en temps avec des doigts plein de bagues, accoudé à une table d’un diner et penché vers moi pour s'assurer que je suis bien attentive et que je crois ce qu’il me dit. Son récit est ponctué d’obscénités d’”enculés”, “couilles” “ putain” parce que que “Vous pouvez dire qu’une histoire de guerre est véridique si elle vous met mal à l’aise. Si vous n’appréciez pas les obscénités, vous n’appréciez pas la vérité. Si vous envoyez des gars à la guerre, ils reviendront chez eux en disant des gros mots”.
Ce récit, l’auteur l’écrit une vingtaine d’années après cette guerre dont il est revenu vivant mais “ce n’est pas une fin heureuse”. Lui, a su écrire pour ressusciter ses camarades morts et l’homme qu’il a tué. ainsi, il donne un autre avenir à ces fantômes contrairement à d’autres de ses camarades qui n’ont su exprimer ce que la guerre leur avait fait et n’arrivent pas à s’expliquer ce qu’ils sont devenus.
En résumé, j’ai aimé, j’ai été touchée et je vous le recommande vivement !
"(...) mais de temps à autre il levait les yeux pour voir une procession de cadavres portant des cierges allumés à travers la nuit - des femmes et des enfants, le première classe Weatherby, un vieil homme aux jambes grêles avec une petite houe en bois."
La guerre au Vietnam n'a pas arrangé le cerveau de John Wade, déjà bien entamé par une enfance "en peine", persuadé que son père alcoolique ne l'aimait pas beaucoup, et par un cuisant échec aux élections. D'autant que depuis de sa relation avec Kathy, depuis 20 ans, il s'amuse à l'épier.
Une lecture qui me laisse une impression en demi-teinte. J'ai aimé et je n'ai pas aimé !
Je ne suis pas fan des récits qui évoquent la guerre, quelle qu'elle soit et a fortiori celle du Vietnam, et je n'aime pas non plus ces pseudo-enquêtes où rien n'est résolu (Bon Dieu ! Kathy est-elle morte ou pas ? et John ?)...
Mais j'ai apprécié, dans la construction de ce roman, l'alternance entre le récit et le factuel (éléments de l'enquête via des témoignages de proches ou des extraits -supposés ?- de récits historiques), j'ai aimé aussi approcher la psychologie de John, ses dérangements (peines d'enfance, peines d'ego, traumatismes de guerre, double-jeu du magicien) sans pour autant être pleinement satisfaite de ce qui pourrait s'apparenter à des "circonstances atténuantes"...
Dommage.
Tim O'Brien reste un auteur américain contemporain à suivre.
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