Pourquoi son roman "La Serpe", Prix Femina 2017, fait-il l'unanimité ?
Alors que les explorateurs de la rentrée littéraire ont plébiscité son dernier roman comme l'un de leurs dix romans préférés, nous retrouvons Philippe Jaenada autour d’un verre pour parler de La petite femelle paru aux...
La parole des auteurs vous présente le roman de Philippe Jaenada La femme et l'ours (éditions Grasset).Jadis, Bix Sabaniego ne se couchait jamais avant l'aube. On parle d'un temps où il n'était pas marié et père de famille. C'est un révolté...
Pourquoi son roman "La Serpe", Prix Femina 2017, fait-il l'unanimité ?
Le lauréat du Prix Femina 2017 nous accorde une longue interview sur son roman et sa conception plus globale de l'écriture...
#RL2017 "La serpe" de Philippe Jaenada (Julliard) un livre sombre qui revient sur l'affaire Henri Girard, un triple meurtre de 1941
En 2015 "La petite femelle" nous avait passionnés, mais quel lecteur est Philippe Jaenada ?
Ce roman, au titre « bizarroïde » est le premier de l’auteur (récompensé par le Prix de Flore en 1997, quand même ! …)
Halvard Sanz (mais quel nom ! …) est né à Morsang sur Orge. Il a eu, au début de ce récit, la malencontreuse idée de vouloir aider un vieil homme qui se faisait molester par un plus jeune. Bien mal lui en a pris puisque le papi va l’accuser à tort d’être son agresseur … Et le voilà en garde à vue, rudoyé (à son tour) par des policiers indignes de ce nom … Peu après sa sortie du sympathique commissariat, il va tomber amoureux fou d’une belle « apparition », porteuse d’un nom largement aussi incongru que le sien (Pollux Lesiak)
Les aventures les plus improbables vont se succéder … C’est loufoque (on s’y perd un peu) drôle (parfois) et agaçant (souvent) Pour l’anecdote, j’ai constaté une fois de plus que notre cher Philippe Jaenada ne pouvait s’empêcher de nous parler primo de sa tendre Catherine, secundo de sa poussive voiture … Il se produit tellement de situations ubuesques que le lecteur s’y mélange un peu les pinceaux …
Ce n’est pas mon préféré, je l’admets, mais je suis tout de même allée jusqu’au bout sans véritable déplaisir. J’ai passé un assez bon moment en compagnie de tous ces hurluberlus ! Par contre, je ne l’ai pas lu en une seule fois (j’ai alterné avec une autre lecture ) de façon à ne pas trop me lasser des malheurs du notre pauvre Halvar Sanz …
Finalement, je crois que je préfère les ouvrages « témoignages » de Philippe Jaenada …
Dunkerque, Veules-les-Roses, Cherbourg, Dinard, Konk-Leon (Le Conquet en breton), Saint-Nazaire, Saint-Jean-de-Monts, Saint-Georges-de-Didonne, Arcachon, Hendaye, Bagnères-de-Luchon, Port-Vendres où il retrouve avec grande émotion le café de son oncle… souvenirs d’un enfant de 5 ans, La Grande-Motte, Toulon, Menton, Briançon, Évian-les-Bains, Montbéliard, Wissembourg, Sedan, Givet, Maubeuge et Dunkerque, le tour de la France de Philippe Jaenada est bouclé avant de revenir enfin à Paris !
L’auteur généreux que j’ai eu le régal de lire dans Sulak, La petite femelle, La Serpe, Au printemps des monstres puis dans Sans preuve & sans aveu, s’est lancé dans un périple impressionnant au volant d’une voiture de location, guidé par la précieuse Gladys comme il nomme la voix de son GPS : La désinvolture est une bien belle chose !
C’est à partir d’un fait divers, comme on dit, la chute mortelle d’une jeune femme de 20 ans, en 1953, du cinquième étage d’un hôtel – elle s’est jetée par la fenêtre le même jour où Pauline Dubuisson a été incarcérée ! - qu’il brosse un tableau très complet d’une jeunesse perdue qui n’a pas pu vivre une adolescence normale durant la Seconde guerre mondiale. Cette jeune femme s’appelle Jacqueline Harispe mais on la nomme Kaki ou plutôt Kaky.
Elle et ses amis fréquentent un petit bistrot, au 22 de la rue du Four, dans le Quartier Latin, et ce bar a pour nom : Chez Moineau, une boutique de parfum aujourd’hui. C’est ainsi que ces jeunes, filles et garçons, âgés de 16, 17 et 18 ans, les Moineaux, comme l’auteur les nomme affectueusement, reprennent vie, mangent, boivent, font l’amour. Patrick Modiano et Guy Debord en parlent aussi.
Fidèle à son habitude, Philippe Jaenada partage ses questions, sa méthode et ses recherches avec son lecteur. Il s’appuie sur quantité de documents dont le plus important s’intitule « Love on the left Bank », publié en 1956 par le photographe néerlandais Ed van der Elsken (1925 – 1990) qui côtoie aussi les Moineaux.
Bien sûr, l’auteur me fait bénéficier d’anecdotes intimes mais importantes pour la compréhension de l’histoire. Il continue à fréquenter les bistrots des lieux qu’il visite, affirmant son goût immodéré pour le whisky avec toujours un sens critique aiguisé. Même s’il sait qu’il doit limiter drastiquement ses digressions, c’est trop fort. Il ne s’en prive pas mais l’humour permet de faire passer tout ça, surtout qu’il prévient rapidement de ne pas s’acharner à retenir tous les noms qu’il cite car… il y en a trop !
Sa véritable enquête est poussée à l’extrême. Il laisse souvent Kaki de côté pour détailler chaque famille et les origines des principaux protagonistes de l’histoire comme Boris, cet étasunien amoureux de Kaki, présent dans la chambre d’hôtel lors du drame qui ressemble à un suicide.
Tous ces mariages, ces divorces complexifient le récit et je me demande comment Philippe Jaenada fait pour ne pas s’y perdre. Au passage, il fait allusion à de nombreux gens célèbres qui ont fréquentés les quartiers, les lieux qu’il évoque.
L’auteur affirme encore plus son talent lorsqu’il décrit en détail ce qu’il voit sur une photo et, tout à coup, se met à parler de la mère de Saint-Augustin, Sainte-Monique, parce qu’il voit un livre racontant sa vie… digressions dont il est seul à avoir le secret.
Enfin, il n’oublie pas sa malheureuse héroïne lorsqu’il fait part de son scénario élaboré dans la chambre même où tout s’est passé. C’est passionnant, vibrant, plein d’émotion et lui permet de signaler que Kaky aurait atteint les quatre-vingt-dix ans si…
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/10/philippe-jaenada-la-desinvolture-est-une-bien-belle-chose.html
Légère inflexion dans la ligne de conduite littéraire de Philippe Jaenada, ce n’est pas une enquête sur un cold-case qui constitue la trame de son dernier ouvrage. La jeune Kaki, qui hantait les bars de la rive gauche s’est bel et bien suicidé, en se jetant de la fenêtre de la chambre d’hôtel où elle séjournait avec son compagnon.
Cependant, la question de savoir pourquoi elle en est arrivé à ce geste définitif fait surgir quantité d’interrogations autour de cette jeunesse d’après-guerre, qui côtoie Debord et ses disciples situationnistes, dans un désoeuvrement qui signe la rébellion face aux codes de la société bien pensante.
Rassurez-vous, les groupies du roi des doubles parenthèses ne seront pas déçues. Car le cheminement sur cette affaire s’enrichit d’un tour de France par les bords, exploration des lieux le plus improbables, où l’on n’est jamais certain de trouver un bon whisky, mais où la faune locale est une mine d’or pour un écrivain, ou pour un simple curieux des moeurs de ses contemporains.
J’ai pris un grand plaisir à parcourir ces pages en prenant mon temps, pour accompagner (plus sobrement) le périple hexagonal. L’humour et le sens de l’observation font de ce texte un régal.
Merci à Babelio et aux éditions Mialet-Barrault pour ce service de presse.
496 pages 21 août 2024 Mialet-Barrault
Masse critique Babelio
Depuis maintenant plusieurs livres, Philippe Jaenada s'est fait une spécialité : faire revivre des faits divers, souvent reflets d'une époque, pour dénoncer une justice inique.
Cette fois-ci, celle-ci n'est pas en cause. Dans « La Désinvolture est une bien belle chose », il se penche en effet sur le suicide, une nuit de novembre 1953, de Jacqueline Harispe, surnommée Kaki. Pourquoi une jeune fille belle, intelligente et follement amoureuse de son amant américain s'est-elle donné la mort ?
C'est la question, fil rouge de cette somme de cinq cents pages, que se pose l'auteur de « La Serpe ».
Parce qu'il tourne en rond à Paris, l'auteur loue une petite voiture et se rend à Dunkerque, non loin de Malo-les-Bains où est née Pauline Debuisson. Mais ce n'est pas « l'héroïne » de « La Petite femelle » qui occupe ses pensées, c'est la figure de Kaki dont il entend parler pour la première fois en préparant « Au printemps des monstres ». Patrick Modiano s'en inspire pour « Dans le café de la jeunesse perdue » dont le titre est une référence à une phrase de Guy Debord, le père du situationnisme qui fréquenta, dès le début des années 1950, le bistrot « Chez Moineau » rue du Four, refuge pour Kaki et ses amis.
Sur une photo, extraite de « Love on the Left Bank » d'Ed van der Elsken, qu'il trouve sur internet, Philippe Jaenada les voit attablés autour d'un couscous. « Ils ne sont pas dans l'air du temps » remarque-t-il. Contrairement à la génération existentialiste dont l'une des figures de proue est Juliette Gréco, ils ont l'air fatigués, sans espoir.
En avançant dans ses recherches grâce à son ordinateur portable qui l'accompagne, l'écrivain constate que beaucoup d'entre eux sont issus de foyers dysfonctionnels, de parents qui ont collaboré, comme le père de Kaki, ou ont été exterminés parce qu'ils étaient Juifs.
Leur quotidien fait d'alcool, de drogue et de sexe est interrompu par de courts séjours en prison ou dans ce qui ressemble à des maisons de correction.
« La Désinvolture est une bien belle chose » fait ainsi le portrait d'une génération sacrifiée, encore marquée par la guerre, née avant elle, mais trop jeune pour avoir combattu, renforçant cette impression d'être inutile et ce comportement nihiliste. Presque punk avant l'heure !
Au-delà de l'anatomie d'une cohorte dans la France des années 1950, le récit de Philippe Jaenada, et c'est ce qui fait son sel, propose un voyage parallèle et très actuel cette fois.
Alors qu'il nourrit son prochain livre, l'écrivain redresseur de torts fait en effet le tour de la France « par les bords ». Tout commence à Veules-les-Roses, charmante station balnéaire normande où il a passé autrefois de bons moments avec Anne-Catherine sa compagne.
Le périple, guidé par la douce voix du GPS Gladys, l'emmène ensuite de Cherbourg à, de nouveau, Dunkerque, en passant par Saint-Nazaire, Hendaye, la Grande-Motte, Menton, Maubeuge...
Ce grand amateur de bistrots et de whisky s'arrête dans les bars où il prend le pouls d'un pays qui, vu de Paris, serait fracturé. « Contrairement à ce que laissent entendre les chaînes infos […], je n'ai pas vu la France à feu et à sang » constate-t-il, ajoutant « sauf chez les complotistes demeurés de La Grande-Motte ».
La fréquentation assidue des troquets reflète peut-être aussi son envie de retrouver les descendants des Moineaux. Et où qu'il aille, il est confronté à des coïncidences qui donnent lieu à des retours en arrière et à des divagations qui soulignent la pertinence de l'adage populaire « le monde est petit ». On croise ainsi Georges Arnaud, « héros » de « La Serpe ».
Ce circuit au cœur de la France, rapidement taxée de périphérique, donne lieu à des observations toujours justes et à des digressions personnelles parfois très drôles qui sont désormais la marque de fabrique de l'auteur de Sulak.
Une scène que Jean-Marie Gourio aurait certainement glissée dans ses « Brèves de comptoir » : au « Centre » à Saint-Nazaire, une « drôle de ville », un homme surgit pour annoncer que David s'était « éventré avec un pied de parasol » (sic). Deux types, style pêcheurs désabusés, lui posent la question suivante : « Comment il a fait ça ? » au lieu de s'inquiéter de son état et de compatir !
Malgré quelques longueurs, dont il est si conscient qu'on lui pardonne, Philippe Jaenada offre ainsi une peinture savoureuse de l'hexagone, jamais méchante et souvent tendre comme il l'est avec Kaki et ses comparses.
EXTRAIT
- La vie est une gigantesque toile de coïncidences troublantes.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-la-desinvolture-est-une-bien-belle-chose-philippe-jaenada-mialet-barrault/
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