"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une nuit avec Henry. Sa vie défile durant cette nuit, exposée par une personne extérieure au récit, un petit diable ou ange posé sur son épaule. L’utilisation du TU surprend mais il n’y a pas de jugement. Style efficace.
À la suite d'une explosion, Fernand est coincé au fond de la mine, le corps en morceaux. Le silence, la nuit, la claustration, la faim et la soif le tourmentent.
Paradoxalement cet enfermement dans les entrailles de la terre est presque une chance pour ce jeune homme qui n'a jamais le temps, harassé par le travail, de se poser pour réfléchir.
Aidé par un oiseau imaginaire sorti de son esprit, il fait le bilan de sa courte vie en laissant les souvenirs affleurer : la froideur d'une mère dévastée par la mort d'un enfant un an avant sa naissance ; la gentillesse taiseuse d'un père ; son premier amour ; son amitié pour Mario le costaud alors que lui est surnommé « l'allumette » ; les mantras fatalistes de la mère (« les pas le choix, les la vie c'est comme ça, les on n'y peut rien changer ») ; la tendresse des grands-parents, de l'oncle et de la tante ; la solidarité entre les mineurs...
Dans le huis clos ténébreux de la mine, les rêves de Fernand sont peuplés de couleurs ; celles des yeux de Martha, celles des champs de blé, celles de l'océan qu'il n'a jamais vu pour « troquer les gris des cités minières contre le bleu atlantique »...
Avec une grande justesse dans la narration, Céline Righi, qui signe un premier roman aux accents lyriques et nourri de métaphores, fait le récit poignant d'un garçon conditionné par son milieu dont il n'a pas osé s'affranchir.
Sa solitude forcée l'encourage, s'il sort du trou où il est bloqué, à aspirer à la plus grande des libertés, la liberté de choisir une autre existence que celle qui est toute tracée. Pour retrouver enfin le goût de vivre.
Son portrait sensible incarne le destin des immigrés italiens qui ont servi de bras dans les mines de l'Est de la France et plus largement de tous ceux qui ont trimé sous la terre au péril de leurs vies.
EXTRAITS
« Allumette », une trouvaille de la mère qui ne manquait jamais d'imagination quand il s'agissait de lui esquinter le cœur.
Ça avait toujours été comme ça, chez eux on se transmettait la mine de père en fils, comme un flambeau.
Dans la mine, sous la peau et dans l'âme, la nuit persiste.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-berline-celine-righi-les-editions-du-sonneur/
Dans le Nord de la France dans les années 60, suite à l'effondrement d'une mine, Fernand est coincé sous une berline. La berline, c'est le petit wagon que les mineurs utilisent pour déplacer le charbon. Emprisonné dans ces ténèbres, il essaie tant bien que mal de survivre et pour éviter de sombrer dans la mort, il se remémore des moments de sa vie : sa mère, froide et rude, incapable de lui témoigner des marques d'amour ou de tendresse, son père un homme travailleur, mineur lui aussi, doux et discrêt, pour qui il a un amour profond, son ami et collègue Mario, une grande gueule attachante, la belle Martha dont tous les deus sont amoureux, Gino, le patron du bar mais aussi sa tante et son oncle qui lui apportent tout l'amour et la tendresse dont il manque.
Sa vie est rude, il aurait voulu qu'elle soit différente mais ici on ne discute pas, on travaille à la mine, comme le père et le grand-père avant lui, pas de discussion possible, alors que lui aurait voulu être jardinier, travailler les plantes et les couleurs plutôt que de vivre et respirer du noir tous les jours.
Avec une plume poétique, douce et enrobante, Céline Righi évoque les ténèbres et la fatalité d'une vie entièrement vouée au travail et nous offre un premier roman très réussi, un hommage à ces hommes usés par le labeur... Un véritable coup de coeur!
La langue est belle, l'histoire est profonde et pleine de tendresse et les personnages touchants.
Une écriture à bagout, une pulsation, ça tape, fort, droit, intense
"L'histoire s'effondre là"
Un rythme cadencé phrases courtes entraînant une mélodie un rock minier
Les mots happent les mots claquent droit au but mais les mots toujours pile bon endroit
Un régal de lecture qui donne envie de déclamer fort et loin
Le phrasé gras mais tendre
Une histoire d'enfance et de choix impossible parce que la famille transpire aux décisions. " la culpabilité est un ciment des plus résistants, et il en était tartiné depuis sa naissance" le Fernand.
Ne pas s'opposer ne pas contrarier suivre la lignée mineur de père en fils " comme un flambeau".
"Pas le choix, pas le choix, pas le choix. Ta gueule, l'oiseau ! Pas le choix, tu parles. C'est juste le courage qui lui avait manqué. "
Pourtant pas loin la "voix muselée" aurait pu éviter le trou "le noir d'encre".
Pour ne pas vivre la vie des autres affronter le manque d'amour de considération et vaille
Le corps déchiré, la bouche sèche dit l'attente : la mort ou l'espoir peut être de sortir du noir meilleur
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