"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On a souvent souligné le mouvement d'ouverture qui travaille les livres de Vladimir Nabokov et incite à relire avec lui une foule d'autres écrivains. Il faut admettre encore que la question de la lecture est celle que pose avec le plus d'obstination une oeuvre dont l'existence semble tout entière suspendue à l'émergence de ce que son créateur appelait de "bons lecteurs". Un écrivain "américain né en Russie" invente nécessairement un nouvel art de lire, entre les langues. C'est l'histoire de cette invention que retrace le parcours critique d'Isabelle Poulin. Un lecteur francophone la trouvera d'une familière étrangeté. Rimbaud, Flaubert, Chateaubriand ont fécondé l'imaginaire de l'écrivain et font entendre régulièrement leur petite musique dans son oeuvre. Sartre ou Maupassant servent à écrire comme contre Sainte-Beuve. D'autres, tenus à l'écart par leur contemporain étranger, tels Nathalie Sarraute, peu prisée, ou Louis-René des Fôrets, manifestement inconnu, ont en commun un côté Dostoïevski qui éclaire singulièrement les enjeux d'une question aussi anodine en apparence que celle du bon ou mauvais usage de la lecture.
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