"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Entre La Fille du train et Fenêtre sur cour, un premier roman que les amateurs de thrillers n'oublieront pas de sitôt.
Passionnée d'ornithologie depuis son enfance, Lily Gullick ne s'éloigne jamais de sa paire de jumelles. Depuis l'appartement qu'elle occupe avec son mari, elle ne se contente toutefois pas d'observer les oiseaux. Elle ne peut en effet s'empêcher d'espionner ses voisins, en particulier les derniers habitants d'une vieille résidence, un vestige dans ce quartier qui s'embourgeoise à vue d'oeil. Alors qu'elle vient de faire connaissance d'une de ses occupantes, Jean, cette dernière est retrouvée morte dans des conditions étranges. Lily, qui croit connaître presque intimement tous ses voisins pour les avoir longuement observés, décide de mener son enquête. Celle-ci, commencée par désoeuvrement, pour fuir un mari de plus en plus lointain, une vie un peu trop déprimante, tourne vite à l'obsession.
Avec ce thriller psychologique exceptionnel, qui connaît un succès sans précédent dans les pays anglo-saxons, Ross Armstrong prend son personnage principal - et son lecteur - à son propre piège. Jouant sur les mécanismes contagieux du voyeurisme, il dévoile, par une série de rebondissements époustouflants, les surprises qui parfois nous attendent quand nous nous plongeons dans la vie des autres pour esquiver la nôtre.
Dès le début du livre, dès le premier chapitre, dès les premiers mots, on est plongé dans une sombre intrigue. Lily, qui observe les fenêtres d’un appartement, voit une femme qu’elle n’a encore jamais vue, qui semble avoir des bleus et des brûlures. Puis des mains l’attrapent et l’entraînent dans l’ombre.
Le rythme est syncopé, haché. Les phrases sont brèves, parfois sans liens entre elles. Chaque chapitre a un titre mystérieux, en général en mode « J- quelque chose ». Pas toujours chronologique. Et, surtout, sans que l’on sache vraiment – y compris à la fin – à quoi ce décompte correspond réellement.
Ce qui, dans le premier chapitre, semblait devoir poser un décor, une ambiance – haletante – devient une sorte de gimmick répétitif, et, pour moi, assez désagréable – comme de la musique répétitive, au rythme saccadé et obsessionnel.
Un premier rebondissement se produit à peu près à la moitié du livre. À partir de ce moment là, le style évolue, et l’histoire aussi. On a presque l’impression de lire un autre livre. Paradoxalement, c’est au moment où l’histoire s’accélère que le style devient moins syncopé – et plus agréable.
Tout le livre est rédigé comme le journal intime de Lily, dans lequel elle s’adresse visiblement, en la tutoyant, à une personne précise. Laquelle personne finit par apparaître dans le livre, dans la deuxième partie, mais sans intervenir réellement, ou à peine. Du coup, on est toujours dans la tête de Lily, qui semble ne s’occuper, finalement, que d’elle-même, de ses perceptions, de sa propre volonté, sans laisser réellement de place aux autres acteurs de l’histoire.
Il y a aussi, de la part de l’auteur, une ambition forte. À plusieurs reprises, il tente de rendre compte de situations purement psychologiques. Et l’on sait à quel point il est difficile de rendre compte du « paysage intérieur » d’une personne. Les métaphores ne peuvent pas parler à tous les lecteurs de façon uniforme. Par définition, nous avons, chacun, notre propre façon de « visualiser », de « représenter » le monde qui nous entoure. Du coup, cela a contribué, pour moi, à amplifier une sensation d’artificialité.
Ce livre me laisse une impression mitigée. Il y a, de mon point de vue, deux très bonnes idées : celle d’appliquer une démarche ornithologique à nos voisins – après tout, il arrive que ce soient de drôles d’oiseaux, et qu’ils appartiennent à des espèces bizarres -, et celle d’un thriller construit autour des enjeux liés à la rénovation d’un quartier, avec tous les enjeux financiers qui vont avec – ce qui constituerait un cadre tout à fait adapté pour des meurtres et un thriller -. Mais ici ces deux idées sont survolées, et superposées, mais, pour moi, l’émulsion ne s’est pas produite. Ce qui est d’autant plus désagréable qu’il n’y a aucun doute : il y avait matière à faire quelque chose d’époustouflant.
Bref, j’ai observé Lily en train de se débattre dans les mailles du filet, comme un entomologiste – pour filer la métaphore -, mais sans entrer plus que cela dans le jeu…
Quand un thriller est raté, il est raté. C'est très difficile d'écrire un thriller "moyen". Et "Sous ses yeux" n'est pas un thriller raté. C'est un thriller réussi. Nous suivons l'héroïne Lily, nous sommes Lily, nous sommes ses yeux et sa tête. Ross Armstrong n'épargnera aucune de vos émotions dans ce premier roman.
S'il y a bien une chose de réussie dans ce roman, c'est son aspect "thriller psychologique". Vous entrez dans les pensées de Lily dès la lecture des premières pages, vous êtes happés par le côté intrigant de Lily. Par sa façon de tourner le récit à la manière de descriptions ornithologiques des êtres humains. Car, oui, Lily espionne, surveille, fait des commérages, elle intrigue en quelque sorte, cachée derrière son rideau, du haut de la fenêtre de son appartement. Elle imagine la vie de ses voisins d'en face. Elle leur invente des noms. Dès lors, on se demande: où est la part de vérité dans tout cela? Est-ce que Lily fabule ? Doit-on croire Lily quand les autres vont finir par douter d'elle ?
Et plus vous avancez, plus vous pensez que vous lisez un de ces thrillers peu originaux qui reposent sur des ficelles déjà bien connues, plus vous vous apercevez que l'auteur trouve un malin plaisir à nous emmener dans des recoins de plus en plus sombres. Lily se dissimule, dissimule parfois son identité, Lily ne sait plus à qui se fier, Lily fait face à la disparition de Jean, avec qui elle a parlé une nuit... Lily est-elle folle ? C'est le point fort du roman : plus vous vous engagez dans l'histoire de Lily, plus le récit vous montre un autre visage chez les différents personnages du roman... Il semble y avoir des trous dans la vie de Lily, des trous de mémoire aussi... et si on se demande tout au long du roman, qui est le coupable, on se demande également qui est vraiment Lily. Et elle va devoir faire preuve de courage et de force mentale pour nous démontrer à nous, lecteurs, et à eux, personnages, qu'elle n'est pas folle.
Il est vrai qu'on retrouve le côté Hitchcockien de "Fenêtre sur cour" qui est un de mes films préférés, même si c'est Lily, personnage féminin, qui tient le rôle de James Stewart, le voyeur. Le dénouement est surprenant et ne vous laissera pas de marbre. J'ai quand même trouvé un petit défaut à ce roman: il semble très bien construit, très bien pensé, un peu trop même, et certains évènements ne coulent pas d'eux-mêmes bien que les rebondissements s'enchaînent à un rythme fracassant dans les 120 dernières pages ! Et puis il manque cette sensualité et cette profondeur qu'on retrouve dans certains thrillers ou chez Hitchcock justement.
Reste qu'il s'agit d'un bel édifice, du haut duquel Lily observe et voit tout, ou presque tout. Je n'ai pas lâché d'une page ce roman, je l'ai dévoré.
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