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Quand Michel Rocard avait affirmé en 1990 : " La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ", la phrase avait choqué, du moins un petit peu dans ce qui pouvait s'appeler la gauche, en rompant avec une pudeur qui rendait encore taboue la désignation d'un Autre qu'il faudrait de toute force maintenir à l'extérieur.
Aujourd'hui, non seulement la phrase ne choque plus, mais elle sert jusque dans l'argumentaire de la gauche de proposition suffisant à justifier la prétendue fatalité guidant les choix politiques concernant l'immigration, l'asile et l'on n'ose même plus dire " l'accueil " des étrangers. On en oublie même de citer la deuxième partie de la phrase de Rocard, celle qu'il n'avait cessé de rappeler pour se défendre contre les accusations qui avaient alors plu contre lui : " mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ".
Voilà qui était censé suffire à rappeler malgré tout à la République française sa mission historique d'accueil, et qu'on n'ose même plus citer aujourd'hui dans le contexte de durcissement extrême de la politique de l'immigration - qu'il convient d'appeler pour ce qu'elle est : une politique d'expulsion et de contrôle des frontières, devenant progressivement une police intérieure de la citoyenneté.
Cependant la question demeure, contre laquelle butent aussi bien les dirigeants politiques que les théoriciens des Droits de l'Homme : quels sont les critères qui permettraient de déterminer la " part " de misère qu'il " nous " revient de prendre ?
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