Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
" Mater Dolorosa. Mère de toutes les mères, une mère qui souffre comme chacune des femmes ici. "
Automne 2022. Après la saison touristique, Split se dirige lentement vers l'hibernation d'après-saison. Ines est une jeune femme qui travaille à la réception d'un hôtel. Sa mère, Katja, est femme de ménage et s'occupe de la maison, d'Ines et de son jeune frère.
Zvone est un policier prometteur qui reçoit un appel du travail. Un corps a été retrouvé dans une usine désaffectée à proximité de la ville. Il s'agit du corps d'une jeune fille de 17 ans, Viktorija, fille d'un éminent médecin.
Le meurtre de la jeune fille bouleversera à jamais le destin des trois personnages principaux....
Que sommes-nous prêts à sacrifier pour protéger ceux que nous aimons, et quelles en seront les conséquences inévitables ?
- Le Grand Prix de Littérature Policière
- Le Prix Le Point du Meilleur Polar Européen.
Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
Avec Mater Dolorosa, Jurica Pavičić nous offre un roman fascinant, loin du genre polar à mon gout. Si l'intrigue commence par un meurtre, la véritable exploration réside dans la psychologie des personnages : une mère, une soeur et un policier, liés par un crime qui les dépasse.
La victime, Viktorija, est rapidement oubliée pour faire place à l'introspection de ceux qui restent, notamment la mère, Katja, prête à tout pour protéger son fils, et la soeur, Inès, tourmentée par la culpabilité et le déni.
Loin d'un simple thriller, le roman est une réflexion sur les sacrifices familiaux, les tourments intimes et les silences qui dévorent. le meurtrier est connu dès le début, mais ce n'est pas lui que l'on cherche. C'est dans les tensions internes de chaque personnage que réside le véritable suspense.
La narration est lente et introspective, mais l'ambiance poignante nous happe, d'autant que le contexte socio-politique croate ajoute une profondeur supplémentaire à l'intrigue.
Bien que l'enquête policière soit secondaire, le roman brille par sa réflexion sur la culpabilité, le sacrifice et la corruption, sans jamais tomber dans le pathos.
La traduction est fluide et l'auteur excelle à décrire des atmosphères lourdes, presque oppressantes. Si vous recherchez un polar palpitant, vous serez peut-être déçu, mais si vous aimez les portraits psychologiques profonds, Mater Dolorosa est une lecture incontournable.
Depuis L’eau rouge, son premier livre traduit en français, l’écrivain croate Jurica Pavicic est connu chez nous comme un grand auteur de polars. Avec leurs personnages à la psychologie fouillée et le décor désenchanté d’une Croatie mal cicatrisée de son passé socialiste et de la guerre concomitante à la dislocation de la Yougoslavie, ses romans, bien noirs, se font aussi sociaux et politiques, comme ce tout dernier où l’honneur du sang prime encore sur la loi.
Quand, à la fin de la saison, l’effervescence touristique s’éteint, « la vérité terne apparaît toute nue » aux habitants de Split, « Babylone » soudain rendue à l’état de « ville fantôme », son décor médiéval désormais aussi clinquant qu’une « maquette en polystyrène qu’on aurait déposée au pied d’un sapin de Noël ». C’est là qu’à vingt-cinq ans, Inès vit avec sa mère Katja et son frère Mario, le père ayant été tué dans un accident des années plus tôt. Rien ne semble devoir changer leur routine sans avenir, la jeune femme à la réception d’un hôtel de tourisme, sa mère femme de ménage dans un hôpital et son frère sans autre intérêt apparent que ses jeux vidéo.
Mais le cadavre d’une jeune fille de bonne famille est découvert dans les vastes décombres de la vieille usine désaffectée qui, tombée en faillite après avoir autant empoisonné que fait vivre les anciennes générations, fait plus que jamais figure de « dent pourrie dans le paysage ». Dès le début, l’enquête ne laisse guère de place au doute, ni chez le jeune policier Zvone, ni chez Inès et Katja qui ont tout de suite compris, malgré l’impassible indifférence du garçon, l’implication de Mario. Pourtant, plus commodément orientée par les autres inspecteurs de police vers un suspect que sa précédente condamnation pour viol désigne comme coupable idéal à la vindicte populaire et médiatique, elle laisse une échappatoire inespérée au vrai coupable.
Que va-t-il se passer dès lors ? La police finira-t-elle par faire son travail correctement ? La mère et la sœur garderont-elles le silence jusqu’au bout ? Alternant les points de vue entre le jeune flic consciencieux mais débordé par l’emballement médiatique et par l’incurie de ses collègues, la mère fortifiée en Mater Dolorosa par l’amour inconditionnel qui la rend prête à tout pour protéger son fils, et la sœur déchirée entre sa conscience et l’amour des siens alors que des problèmes personnels font déjà vaciller sa vie et la moindre de ses certitudes, la narration plombée par les non-dits et les silences avance au rythme crépitant de ses phrases lapidaires, tandis que les péripéties accélèrent leur incontrôlable tourbillon.
Plus que l’enquête sans grand mystère, l’intérêt du livre tient en la psychologie nuancée des personnages sur le fond d’une Croatie contemporaine encore groggy de son passé et de ses ruines. Une simple phrase suffit à y creuser des abîmes, qu’il s’agisse des mentalités stigmatisées en quelques mots forts et choisis – les anciens « sont furieux que la patrie se soit réduite à une grande déception, qu’elle n’ait pas été à la mesure de leur héroïsme et de leur gloire » – ou de l’actualité quotidienne résumée avec une lucidité froide – « un ministre a encore été pris la main dans le sac dans une affaire de corruption, l’opposition demande sa démission. Des habitants s’insurgent contre un projet de barrage et des ouvriers contre la fermeture annoncée de leur raffinerie. Un jour sans rien de spécial, un jour comme beaucoup d’autres. »
Toujours surnage l’image désabusée d’une ville et d’un pays où tout demeure inachevé, « les maisons, le travail, les ambitions, les vies », et qui, à l’image de cette Mater Dolorosa à laquelle Katja s’identifie pour mieux tromper sa mauvaise conscience, se ment effrontément pour justifier des moyens employés, quels qu’ils soient, pour se construire un avenir sur les ruines du passé. Ce qui commençait comme un polar s’achève ainsi sur une dénonciation politique et sociale d’une rare dureté, que l’on pourrait conclure avec ces mots : « Mais… tout ça, ça ne va pas s’en aller comme ça. Vous le savez. À la fin, tout ça va ressortir. » Coup de coeur.
"Mater Dolorosa", à la magnifique couverture, est un roman noir qui commence comme un polar avec la découverte du corps d'une jeune fille assassinée de 17 ans et qui évolue vers un roman noir social.
L'auteur prend son temps pour camper une atmosphère, des personnages humains donc complexes; le suspens ne réside pas dans la recherche du criminel qui est assez vite connu mais dans la façon dont l'entourage va réagir à ce cataclysme et la façon dont la police va mener son enquête. Ce qui crée la tension, c'est la dichotomie entre ceux qui veulent cacher la vérité pour protéger le meurtrier et ceux qui veulent le confondre.
Le roman est construit de façon chorale autour des trois personnages principaux : Katja, la mère, la mater dolorosa, très croyante, prête à tout pour son fils, la sœur Inès qui doute de l'innocence de son frère mais ne peut se résoudre à le lâcher et le policier Zvone, qui a deviné mais ne peut prouver. Chacun est face à un dilemme : quelle justice quand le suspect est un être cher, quelle justice quand la police sait qu'elle ne pourra pas arrêter le coupable, libre de recommencer?
Nous assistons à l'explosion d'une famille face à un choix cornélien qui empoisonnera la vie des protagonistes à jamais qu'ils fuient ou qu'ils restent.
L'atmosphère, qui nous enveloppe dès le début du roman est déprimante :
* la fille Inès, 26 ans et le fils, Mario, 21 ans vivent ensemble dans un petit appartement, non par choix, mais par obligation économique. Katja, la mère, se tue à la tâche. Mario "glande" devant des jeux vidéo. Ines est empêtrée dans une relation avec son patron marié. Zvone, le policier, vit avec son père, revenu blessé de la guerre des années 90, qui "glande" également. Les personnages subissent leur vie plus qu'ils n'en sont acteurs.
*le décor est constitué d'une veille usine désaffectée, polluante, repère de dealers, drogués, prostitués, d'une zone commerciale fermée, sous la pluie, de vieux immeubles décrépis, d'une Split grise, vidée de ses touristes, en automne-hiver.
* un pays, la Croatie, qui n'a pas encore totalement pansé ses blessures de la guerre des années 90, dont les fractures sociales et économiques n'ont pas été résorbées, où la corruption n'a pas été éradiquée. La Split que nous décrit l'auteur est bien loin de celle des guides touristiques.
Malgré quelques longueurs vite oubliées (description des appareils médicaux que Katja doit nettoyer, itinéraires...), ce roman, le deuxième que je lis de l'auteur, m'a totalement embarquée et m'a amenée à m'interroger sur ce que je ferais si je me retrouvais, par malheur, dans une situation semblable.
Ma lecture d’un roman est souvent l’apothéose d’un parcours. Pour "Mater Dolorosa", ce fut la présentation de la rentrée littéraire des Editions Agullo, très intéressante, puis la couverture de l’ouvrage, sublime, et la rencontre en ligne avec Jurica Pavičić, l’auteur, qui parla presque deux heures avec flamme et en français, passionnante.
Intéressant, sublime, passionnant, ce sont les mêmes termes qui me viennent pour qualifier le récit que je viens de terminer. Il est aussi noir, triste, mélancolique. Une jeune fille – de bonne famille – est trouvée morte, violée et étranglée, dans une usine désaffectée de la banlieue de Split. L’enquête est confiée à un vieux flic aux méthodes soviétiques et à un jeune policier, Zvone, très différent. Alors, roman policier ? Peut-être, mais pas que et loin de là. Ce roman est, avant tout une étude approfondie de la psychologie des personnages et de la Croatie qui navigue entre justice et traditions.
Les raisons de ce meurtre font certes partie des questions qui se posent, mais il en est une plus importante encore : jusqu’où est-on prêt à aller pour protéger les siens ? Car, au fond, le coupable est connu très tôt. Et, dès que les images du drame, terribles, sont révélées à la télévision, Katja et Inès la mère et la sœur de Mario reconnaissent sur le champ son sac à dos et son survêtement. Mais la mère va tout faire pour protéger son fils. La sœur, qui a du mal à gérer ses doutes et sa mauvaise conscience, fuira à l’étranger.
J’ai adoré ce roman, sa construction, véritable valse à trois temps. Katja, Inès et Zvone s’expriment à tour de rôle dans de petits chapitres. Les sentiments sont disséqués, les regards croisés, en même temps que l’on visite Split, que l'on sent les vents des Balkans souffler, que l’on apprend qu’en Croatie, pays européen, tout n’est pas si rose. On se rend compte que la corruption est toujours présente et la dictature communiste encore dans tous les esprits. Le tout est fort bien écrit, truffé d’anecdotes sur la vie des uns et des autres, agrémenté de paysages, sortes de sas plus légers.
"Mater Dolorosa" est un récit très fort, noir et lumineux à la fois. L’intrigue est finement menée et les personnages, d’une grande densité, sont inoubliables. Un magnifique moment de lecture.
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Aux premiers abords, on pense se trouver face à un roman policier assez commun lorsque le corps d’une jeune fille est retrouvé dans un chancre industriel, près de la ville de Split, en Croatie. Pourtant, ce point de départ ne va pas mener à une enquête classique, bien loin de là.
Rendez-vous à Split, une ville croate vivant du tourisme une bonne partie de l’année. Par « Mater Dolorosa », on est bien éloigné des paysages féeriques des cartes postales. Lorsque les touristes s’en vont, cela laisse place à une cité assez morne et endormie. Les alentours de la ville sont envahis d’anciennes grosses industries abandonnées et les stigmates de l’époque communiste sont encore bien présents.
Segmenté en six parties, les chapitres sont consacrés à chacun des trois protagonistes principaux : Inès, travaillant à la réception d’un hôtel, Katja, sa mère, qui s’occupe de son foyer et de son fils, Mario ainsi que Zvone, un jeune enquêteur qui va se voir confier une enquête au sujet du meurtre d’une adolescente, fille d’un éminent médecin.
Une certaine déconvenue peut donc menacer le lecteur. D’abord de connaître rapidement le nom de l’assassin et ensuite, par la mise en place modérée de l’intrigue. Pour terminer, ce qui m’a personnellement désarçonnée quelque peu est la fin de l’histoire laissant certaines portes perméables octroyant ainsi une fin ouverte, à la convenance des lecteurs.
Bien loin des ficelles traditionnelles du polar, l’auteur, Jurica Pavičić se pose la question du cas de conscience : jusqu’où peuvent aller les gens afin de défendre les leurs, comment cela peut finalement détruire les liens… Toute cette intrigue prend place assez posément, bien loin des page-tuners qu’on peut rencontrer donnant un rythme un brin lent et plus tourner vers la psychologie des personnages.
En bref, en matière d’originalité, si vous souhaitez un peu sortir des sentiers battus, ce livre est fait pour vous !
Lu dans le cadre du Grand Prix de Elle
Ce livre n’est pas vraiment un policier car on sait très vite qui est l’assassin et le violeur de Viktorija jeune fille de 17 ans.
C’est un roman choral qui donne tour à tour la parole à Katja la mère, Inès la sœur et Zvone le policier. On n’entend jamais Mario le présumé assassin, on ne connaîtra pas ses motivations, on ne saura pas ce qu’il pense. C’est une sorte d’ombre, qui ne travaille pas, suit une routine immuable et ne semble même pas se soucier des traces qu’il a pu laisser.
Lorsque la police présente les indices l’incriminant aux médias, sa mère et sa sœur les reconnaissent et vont réagir de façon différente.
Katja va tout faire pour le protéger. Fidèle pratiquante, elle se réfugie à l’église où elle trouve sa réponse, le diable a pris possession de lui durant 5 mn. Elle s’identifie à la Vierge et pense que : «Les fils sont toujours un supplice pour les mères»
Inès ne résiste pas à la pression de la famille paternelle et préfère prendre la fuite.
Mais l’ambivalence de la famille n’est pas la seule car Zvone le jeune policier qui pressent la vérité laisse certains de ses collègues choisir la voie de la facilité.
C’est un roman noir avec une atmosphère pesante. L’histoire est à l’image de la ville de Split touristique, tournée vers l’Europe mais qui reste marquée par le socialisme et la corruption partout présente.
Une fois le livre refermé, on garde une sensation de tristesse et de pessimisme suite entre autres aux dernières paroles d’Inès.
Ce livre a une couverture magnifique et son papier très épais rend la lecture agréable.
Dans la plupart des romans policiers, l’intrigue repose sur l’identification du coupable. Dans Mater Dolorosa, l’enjeu est ailleurs. En effet, on devine très vite l’identité du meurtrier, au même rythme et avec le même effroi que les trois personnages qui se partagent la narration. Une mère, une sœur, un policier - bien impuissant face aux liens du sang.
“Où était-il ce samedi soir ? À la maison. Ce qu’il faisait ? Il dormait. Qui peut le confirmer ? Sa mère. Peut-être aussi sa sœur.” On ne sait pas grand-chose du meurtrier. Il se contente d’être là, un fils, un frère, un tueur, un violeur, alors que les trois autres personnages se démènent pour le protéger ou le coincer.
L’enquête piétine, malgré l’évidence, faute de preuves. Pour la faire avancer, il faudrait que la mère, si pieuse, accepte, craque, parle. Or les mères ne cèdent pas, même dans la douleur. “Les fils sont pris à l’armée, ils partent en mer, ils font la guerre, se battent au match, tombent dans les problèmes - et les mères sont encore et toujours là, car elles sont des mères.”
Protéger, dénoncer, oublier ? Comme les personnages, tous complices, coupables ou empêchés, on sait bien qu’il n’y a pas d’issue, pas de salut. Ce récit écrit au présent, bâti de phrases courtes et âpres, explore le silence qui s’installe dans une famille et la morosité qui règne à Split, cette ville qui, vidée de ses touristes, devient aussi triste et froide qu’une église.
Le corps d'une jeune fille de dix-sept ans a été retrouvé dans une usine désaffectée de l'agglomération de Split ; elle a été violée et étranglée. Une bandoulière de sac déchirée et un haut de survêtement ont été retrouvés sur place. L'enquête est confié à un jeune policier, Zvone.
Avec ce point de départ, on pourrait s'attendre à un polar classique, avec une enquête menant au démasquage du tueur. Sauf que dès les premières pages, Jurica Pavičić fait le choix de révéler son identité, Mario un jeune homme. Ce qui intéresse l'auteur, c'est l'impact de cette révélation sur sa mère, Katja, femme de ménage, et sa grande soeur Inès qui travaille à la réception d'un hôtel. Car les deux femmes vont reconnaître à la télévision les pièces à conviction trouvées sur le lieu du crime : elles appartiennent à Mario.
L'intrigue est à combustion lente, très lente pour permettre à l'auteur d'approfondir tout en finesse une étude psychologique de trois des personnages principaux. Tous les chapitres sont centrés sur eux : le flic, la mère, la soeur. Et c'est d'autant plus passionnant que le coupable est quasiment toujours hors-champ, errant parmi les pages, n'apportant jamais son contrepoint, personnage insaisissable et énigmatique.
Ce sont les chapitres sur les deux femmes qui m'ont le plus intéressés, explorant leurs réactions intimes dès qu'elles comprennent que Mario est le tueur.
La mère qui oscille entre déni et volonté de protéger, se réfugiant dans une église pour prier la Vierge, une « mère qui souffre comme chacune des femmes ici » près de sa statue :
« Sur sa poitrine est représenté un coeur bombé, en relief, jaune et rouge sang. Ce coeur est plein de détails anatomiques impressionnants. On distingue les ventricules et les oreillettes, les veines qui s'embranchent et bifurquent comme des racines enchevêtrés. Et comme il se doit pour Notre-Dame des Sept Douleurs, des glaives sont plantés dans ce coeur. Il y en a sept, sept lames qui partent en éventail de trois côtés. Sept couteaux qui transpercent le coeur de la malheureuse mère, aussi dévouée qu'endurante. (…) Elle l'a suivi dans tout, elle a tout traversé à ses côtés, elle a connu le supplice, la souffrance et la condamnation - mais elle est restée avec lui. Car c'est ce que font les mères. Les fils sont toujours un supplice pour les mères. »
La soeur qui « fouille dans son passé à elle et son passé à lui, dans les centaines de milliers d'instants que son frère et elle ont vécus ensemble. Elle creuse dans sa mémoire, fourrage dans les archives de toutes sortes de souvenirs, d'images, de phrases. Elle cherche des instants qui trahissent Mario. (…) Elle racle son passé à la brosse métallique jusqu'à ce que la contre-lame de la culpabilité ne viennent la rattraper ».
Que sommes-nous prêts à sacrifier pour protéger ceux que nous aimons, et quelles en seront les conséquences inévitables ? La solidarité familiale prime-t-elle sur la conscience individuelle ? Ce dilemme est d'autant plus fort qu'il s'inscrit dans un contexte socio-politique que l'auteur excelle à décrire dans tous ses romans.
La vitrine croate est plutôt positive vu de l'extérieur ( adhésion à UE, croissance économique assurée par le tourisme ) mais Jurica Pavičić gratte derrière l'envers de la carte postale, et fait le portrait d'un pays gangrené par la corruption et la spéculation, toujours hanté par les traumatismes de la dictature communiste puis des guerres des années 1990 tout en recherchant une amnésie totale, comme si l'oubli était la meilleure solution pour avancer, quitte à ne rien soigner en profondeur.
Jamais le récit ne va là où on l'attend et laisse une fois les dernières pages refermées une sensation sourde, presque poisseuse de tristesse et désenchantement.
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