"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Une grande majorité d'entre nous pourrait citer le nom du premier homme à avoir été sur la lune, mais personne ne saurait dire qui a été le premier à être dans la lune. Il faudrait, pour cela, remonter bien plus loin. Ce livre n'est donc pas un hommage à ce qu'il y a dessus, mais bien à ce qu'il y a dedans. Quand avez-vous été pour la dernière fois dans la lune ? Combien de temps y avez-vous passé ? Combien étions-nous ce matin, dans la lune, au lieu d'être au turbin ? Alors, c'était bien, dans la lune? Pas possible, tu y as été toi aussi ?
La lune dont nous parlons ici pourrait être facilement remplacée par n'importe quel endroit, de type plage, petite maison de vacances avec volets bleus, ou encore creux de bras de ceux qui nous sont chers, bien au chaud. Voilà pourquoi je voulais que ce livre parle d'un lieu où nous avons tous été, et duquel, heureusement, on ne revient jamais vraiment. D'un lieu où tout le monde, sans exception, a déjà mis les pieds. Nul besoin de billet de banque ou de transport, de poser des jours de congé, nul besoin d'attendre la fin de la réunion ou d'écouter jusqu'au bout les niaiseries qu'on nous raconte.
Pour ne rien vous cacher, il m'arrive d'y passer des journées entières dans la lune. Qui sait, peut-être nous y croiserons-nous un de ces quatre ?
Bon voyage à toutes et à tous. » (G. S.)
« Il m'est encore arrivé un de ces trucs. Une histoire pas possible. Trop longue à expliquer. Je vais vous la raconter quand même, parce que j’ai un peu de temps avant que la fusée ne soit complètement opérationnelle. »
Harry, notre héros, s’est vu emmené par des hommes en blanc parce qu’il a un peu trop insisté pour que l’agence de voyage lui vende un billet pour aller sur la lune. Si les agences de voyage ne veulent plus vendre de billet pour cette destination, mais où va le monde, je vous le demande !
Harry est un peu simplet et se trouve interné depuis un mois. Il n’est pas méchant, ne pose pas de problèmes. Il veut absolument aller sur la lune, il a le droit, non ?
Puisque personne ne veut lui vendre un billet, c’est dit, il construira sa fusée. Pour être certain que personne ne lui vole son projet, il le cache dans son armoire, on n'est jamais assez prudent, il ne faudrait pas qu’un homme en blanc la découvre. Son copain Jacky lui récupère tous les rouleaux vides de papier toilette et, il a une grosse cargaison à venir pour cause de gastro. Dans sa chambre, il lit tous les livres concernant le voyage vers la lune et il est confondu « Pensez-vous sérieusement que les fusées soient rouges et blanches à carreaux, comme de vulgaire nappes de pique-nique ? Que l’on perde son temps à dessiner des moutons quand le vaisseau est en panne ? Que l’on croise dans l’espace des êtres pourvus de deux têtes et trois bras ? Que l’on puisse un seul instant s’aventurer au cœur du soleil sans finir en grillade ? Qu’un jour vienne où les hommes ne savent plus retrouver le chemin de la terre ? Les aliens… Parlons-en… Qui d’entre vous a déjà croisé un alien ? Vous ? Vous ? Personne, c’est bien ce que je pensais »
« Quand je serai sur la lune, j’écrirai un livre digne de ce nom, qui retranscrit fidèlement la réalité. »
Il écrit aussi de belles lettres à Toby, son chat, son vieux chat qui lui manque terriblement. D’ailleurs, il l’emmènera avec lui dans sa fusée. Avant, il faut qu’il trouve un moteur et, ma fois, le moteur de l’aspirateur de la femme de ménage ferait bien son affaire.
Mais, ce qu’il préfère, c’est le lundi car, ce jour, sa maman vient lui rendre visite « Maman arrive toujours en disant « Bonjour, mon ange », et ne s’en va jamais sans un « A lundi, mon amour ». Entre les deux, une telle chaleur envahi ma chambre qu’il fait terriblement froid lorsque maman repart ».
Harry raconte sa vie dans l’établissement, où les hommes en blanc sont gentils avec lui. Il nous dit tout ce qui lui arrive, lui passe par la tête. Ses mots, ses phrases, ses expressions sont poétiques, imagées, fleuries, sans filtre et si belles. Rêver lui suffit pour faire naître quelque chose, la rendre belle, comme l’histoire du feu d’artifice.
Ah ! Guillaume Siaudeau quel plaisir ce livre que j’ai relu une fois terminé. j’étais dans une bulle spatio-temporelle si belle et poétique que je n’avais pas envie de sortir des phrases de Harry,
Merci Yves pour le partage
Harry, qu'on devine accueilli dans un centre pour adultes en situation de handicap raconte ses journées et son souhait d'aller vivre sur la lune. D'ailleurs, pour mener à bien son projet de voyage, il construit sa propre fusée grâce aux rouleaux de papier toilette que son copain Jacky récupère dans tout l'établissement. Harry partira avec son chat Toby. Pour propulser son engin, il lorgne sur le moteur de l’aspirateur de la femme de ménage.
Construit comme une sorte de journal écrit à la première personne, ce roman est d'une douceur et d'un optimisme fous, même lorsqu'il aborde des sujets tragiques comme la mort ou l'absence. Harry est dépourvu de second degré et quelques situations ou remarques génèrent le sourire : "Quand quelque chose dont j'ai éperdument envie ne se produit pas, je me console en l'imaginant. J'ai fermé les yeux et je me suis retrouvé les pieds dans la neige, devant le plus beau feu d'artifice qui soit. J'ai manqué le bouquet final parce que l'homme en blanc est entré dans la chambre juste avant pour m'apporter mes médicaments. Il a touché mon front et s'est écrié : "Il fait encore bien chaud là-dedans !" Je lui ai dit que c'était normal, qu'on venait tout juste de tirer un feu d'artifice dans ma tête." (p. 50/51)
Avec légèreté, poésie et beaucoup d'amour pour son héros et ceux qui l'entourent, Guillaume Siaudeau écrit un court et beau roman qui devrait réjouir les plus grincheux, leur donner le sourire et, au moins pour quelques instants --car je peux les rejoindre sur une éventuelle critique sur la légèreté et l'évaporation rapide des effets bénéfiques du livre-, leur faire voir la vie du bon côté. Pour les optimistes, eh bien, c'est une goutte de plus de plaisir à garder ou partager.
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