"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
À la fin de la guerre civile, survivre est compliqué pour Manolita dont le père et la belle-mère sont en prison et dont le frère Antonio, vit caché dans un tablao de flamenco. Elle a dix-huit ans et la charge de ses deux soeurs et de deux très jeunes demi-frères! L'arrivage de deux machines à polycopier de l'étranger dont le mode d'emploi est incompréhensible va nécessiter sa coopération. Son frère, qui entend continuer la résistance par de la propagande clandestine, l'envoie rencontrer la seule personne capable de les aider. Mais ce génie de la mécanique, un jeune homme timide et peu séduisant, se trouve en prison. Et pour le rencontrer, Maria doit l'épouser. Ce sera le premier de ses trois mariages. Un nombre considérable d'événements auront lieu avant que ne soit célébré son troisième et dernier mariage !
Manolita et sa famille payent un lourd tribut dans le conflit qui oppose les Républicains aux Nationalistes. Son père est fusillé, sa belle-mère emprisonnée et son frère Antonio, un militant communiste actif, se cache dans les tréfonds de Madrid. Manolita se retrouve seule avec ses deux sœurs et ses deux demi-frères à charge dans un pays rongé par la discorde et la famine. L’arrivée de deux machines à polycopier de l’étranger pour diffuser des tracts clandestins vont sceller son destin. Personne dans la cellule ne sait les faire fonctionner. Seul un prisonnier du nom de Silverio pourrait trouver une solution. Encore faudrait-il l’approcher…
Les trois mariages de Manolita est le 3e volet d’un travail plus vaste qu’Almudena Grandes a entrepris sur la Guerre civile et ses conséquences – Episodes d’une guerre interminable. Chaque épisode est une histoire indépendante qui aborde des aspects spécifiques de la guerre et de la dictature franquiste. Dans ce roman, Grandes évoque les groupes communistes et anarchistes de Madrid et leurs activités, avant, pendant et après la guerre. Elle décrit le drame quotidien des épouses, des mères et des filles des opposants au régime arrêtés et enfermés en prison. Elles se pressaient tous les jours au parloir de la prison du Porlier pour voir leurs proches et leur offrir le peu qu’elles pouvaient glaner.
Tandis que les parents sont enfermés ou morts, le régime envoie leurs enfants, sous couvert de charité chrétienne dans des couvents. Les plus jeunes sont éduquées et amenées peu à peu à récuser les valeurs et les idéaux de leurs parents alors que les plus vieilles, jugées irrécupérables, sont une abondante main d’œuvre bon marché. Quant aux prisonniers politiques, après avoir été jugés et avoir échappés à la mort, ils voient leur peine de prison commuée en travaux forcés avec remise de peine.C’est une Espagne terrifiante que nous décrit Almudena Grandes. Dans sa postface, elle rappelle les personnes qu’elle a rencontrées et qui ont pu lui donner un témoignage de première main comme Isabel, la sœur de Manolita dans le roman. Elle évoque aussi les journaux et les correspondances qui ont nourri ce roman.
Il ne faut surtout pas oublier le souffle romanesque de ce livre dont les personnages sont attachants et pour certains haut en couleur. J’ai dévoré cet épais volume avec beaucoup de bonheur. Le récit de Manolita alterne avec celui des différents protagonistes apportant ainsi des éclairages différents sur une même histoire. Je ne peux que recommander chaudement ce roman tant pour ces qualités narratives que historiques. Une fois embarquée, je ne l’ai plus lâché.
Quand la guerre civile espagnole s'achève, Manolita Perales Garcia n'a que 17 ans mais elle a déjà charge de famille. Son père a été fusillé, sa belle-mère est en prison, son frère Antonio est en fuite, il lui faut donc s'occuper de ses cadets, Isabel, Pilarin et les jumeaux Pablo et Juan. Pour le camp républicain, la guerre est perdue et la répression franquiste s'abat sur tous ceux qui ont soutenu la République. Manolita doit lutter pour sa survie et celle des siens, trouver à se loger, à se nourrir, tout en gardant sa dignité. Et, malgré elle, celle qu'on a toujours surnommée ''Mademoiselle Faut Pas Compter Sur Moi'' sent sa conscience politique se réveiller. Alors quand son frère, réfugié en plein Madrid dans un tablao de flamenco où officie la belle Eladia dont il est épris, la contacte pour soutenir la lutte, elle finit par accepter. De l'étranger sont arrivées des polycopieuses dont la notice est ésotérique. Afin de continuer à diffuser la propagande communiste, le mouvement a besoin d'un homme capable de les faire fonctionner. Et cet homme, c'est Silverio Aguado, malheureusement enfermé au Porlier, la grande prison de Madrid. A charge pour Manolita d'organiser un faux mariage avec ce jeune homme qu'elle connaît bien mais qui ne lui plaît pas du tout. Manolita sait tout de la prison pour avoir rendu visite à son père avant sa mort. Avec les épouses, les fiancées, les mères, les sœurs, elle recommence le long parcours qui mène au parloir. Solidaires, les femmes se soutiennent, se consolent, pleurent ceux qui, sans relâche, sont exécutés par le régime.
Bien qu'ayant pour héroïne, la courageuse Manolita, le dernier roman d'Almudena Grandes est un livre choral qui fait vivre un quartier populaire de Madrid et ses habitants, de jeunes communistes, syndicalistes, anarchistes ou juste sympathisants de ces mouvements; toute une galerie de personnages, de l'homosexuel à la danseuse de flamenco, du baron anarchiste au traître qui se rallie au franquisme. Sans misérabilisme mais avec force conviction, l'auteure raconte la terrible répression qui s'est abattue sur les vaincus et leurs enfants après la victoire du dictateur : condamnations à de lourdes peines de prison, exécutions sommaires, expulsions, licenciements, famine. Sous couvert de réconciliation nationale et de charité chrétienne, les filles les plus jeunes sont recueillies, à condition que la conduite de leurs mères soit exemplaire derrière les barreaux, par des institutions religieuses qui procèdent alors à un lavage de cerveau en règle. Les plus âgées, mauvaises graines irrécupérables, deviennent de la main-d'oeuvre gratuite pour les couvents où les sœurs les exploitent sans vergogne...
Malgré une abondance de personnages et des sauts dans le temps pas toujours évidents à appréhender, ce dernier roman d'Almudena Grandes est, comme de nombreux autres, un chant d'amour aux vaincus de la guerre civile et une plongée effarante dans l'Espagne de Franco, ce dictateur qui n'a eu de cesse de plier son peuple à sa volonté, aidé par le clergé, pendant que l'Europe regardait pudiquement ailleurs. Pourtant, Les trois mariages de Manolita n'est pas un livre sombre, on y retrouve la force de l'espoir, l'obstination des rouges à croire encore et toujours à une société plus juste. Vaincus, humiliés, décimés, ils restent debout et gardent en eux l'orgueil de ceux qui savent être du bon côté.
Pour écrire son roman, l'auteure s'est inspirée d'histoires vraies, de mémoires écrites par des républicains rescapés et de personnages réels, tels l'écrivain Antonio de Hoyos y Vinent, marquis, homosexuel et anarchiste ou Roberto Conesa, le traître jamais démasqué, passé de chef d'une cellule communiste à la police politique de Franco, célèbre entre autres pour avoir contribué à arrêter les ''Trece Rosas'', treize militantes des Jeunesses Socialistes, âgées de 18 à 29 ans et exécutées en 1939.
Tour à tour drôle, émouvant voire bouleversant, ce roman ne peut laisser indifférent. On rit, on pleure, on s'indigne aux côtés de Manolita qui ne voulait se mêler de rien et se retrouve au cœur de tout.
Almudena Grandes prouve encore une fois qu'elle est une Grande d'Espagne !
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