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Les historiens de l'Occident sous-estiment l'importance du sacré aux origines de la modernité. On chante encore la Renaissance comme l'avènement à la raison d'une humanité enfin maîtresse d'elle-même. La vénération de l'humanisme amène à exagérer le sens critique dont auraient fait preuve les xvie et xvne siècles, et à y découvrir à tort les racines du relativisme contemporain. En réalité, la révolution scientifique naissante ne pénétra que peu à peu les consciences. Elle dut alors se substituer, dans les esprits, au règne absolu de la théologie qui correspondait à la totalité du savoir. Vision d'ensemble de l'univers, celle-ci tenait lieu à la fois de physique et de morale, d'histoire et de géographie, d'économie, de psychologie et de sociologie. Moins connaissance de Dieu que mise en situation de l'homme, elle lui fournissait un certain nombre de vérités fondamentales sous la forme de mythes puissants.
Jacques Solé le montre dans cet ouvrage érudit et profond, à propos de trois thèmes essentiels : le mythe de la fin de l'histoire (attente de la fin du monde et espérance d'une « nouvelle Jérusalem »), le mythe de l'unité de l'humanité (la « famille d'Adam » en marche vers le salut à travers les différents âges du monde), enfin le mythe d'une connaissance universelle (tout un arsenal de croyances irrationnelles ou de pratiques magiques rendant compte à la fois des superstitions populaires et des aspects savants de la dévotion, qui se rattachent au même univers mental). Ces croyances collectives qui caractérisent l'ancien christianisme rapprochent sa conception de l'univers de celle des autres civilisations traditionnelles. Le début des Temps Modernes, dans l'histoire de l'Occident, marque ainsi le dernier moment où son interprétation du temps, de l'espace et de l'existence fut dominée par une pensée de type magique, inséparable de la religion avant le XVIIIe siècle.
Jacques Solé, né à Lyon en 1932, agrégé d'histoire en 1956, a été maître de conférences à l'université des sciences sociales de Grenoble. Spécialiste de l'étude des idées et des mentalités religieuses aux Temps Modernes, il achève une thèse de doctorat sur la controverse confessionnelle dans la France du XVIIe siècle. Collaborateur de nombreuses revues, il a participé à différents ouvrages collectifs et publié en 1972 un Bayle polémiste, puis en 1976 dans la collection « L'Aventure humaine » L'Amour en Occident à l'époque moderne. Il dirige depuis 1975 le département d'histoire et archéologie à l'université de Ouagadougou (République de Haute-Volta).
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