"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Fasciné par la figure du physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976), fondateur de la mécanique quantique, inventeur du célèbre «principe d'incertitude» et prix Nobel de physique en 1932, un jeune aspirant philosophe désenchanté constate, à l'aube du XXIe siècle, l'incomplétude de sa propre existence. À travers ce double parcours, science et poésie révèlent la mystérieuse beauté du monde, que ne cesse de confisquer le matérialisme à l'oeuvre dans l'histoire des hommes.
Belle prose de Jérôme Ferrari, étudiant en philosophie et narrateur, pour relater l’histoire des découvertes nucléaires faites en l’entre-deux guerres jusqu’à l’invention de la bombe atomique par l’Américain Robert Oppenheimer le 16 juillet 1945 qui après ses essais dans le désert d’Alamogordo, explosera à Hiroshima le 6 août 1945 sous le nom de « Little boy » et le 9 août sur Nagasaki sous le nom de « Fat man » mettant ainsi fin à toute velléité concernant la reprise des combats qui dévastèrent le monde.
Pourtant parmi les maillons de cette grande chaine de chercheurs travaillant sur le nucléaire, Jérôme Ferrari va lancer son dévolu non pas sur Einstein, Oppenheimer ou autres sommité savante comme Otto Hahn découvreur de l’énergie nucléaire avec la « fission des noyaux lourds » en 1938 à Berlin, mais sur Werner Heisenberg, physicien allemand fondateur de la ‘mécanique quantique’ qui inventa le « principe d’incertitude » en révélant qu’une particule élémentaire ne peut avoir simultanément une position et une vitesse ce qui lui créa une mise en désaccord et controverses avec Einstein mais lui valut aussi le Prix Nobel de physique en 1932.
Quand arriva la guerre, la plupart des physiciens s’expatrièrent pour que leurs travaux ne soient pas récupérés par les Nazis mais Heisenberg décida de rester en Allemagne ce qui reste être une polémique. Tous savaient les dangers de leurs recherches si elles aboutissaient à l’arme nucléaire…
Pacifiques, aucuns ne voulaient admettre que cela fusse une fin en espérant comme Niels Bohr prouver que sa fabrication est théoriquement impossible. Et pourtant cela fut.
« Hitler était la proie d’une haine délirante et morbide qui l’avait totalement coupé de la réalité. La catastrophe était inévitable et rien ne pourrait l’empêcher, pas même le sacrifice. Pour ceux qui, comme vous, n’étaient pas juifs et ne soutenaient pas le régime, il n’y avait qu’une alternative sérieuse : émigrer ou rester en Allemagne. (…) Mais Planck a suggéré que vous restiez en Allemagne pour y créer ce qu’il appelle des « îlots de stabilité » à partir desquels on pourrait, après la catastrophe, reconstruire ce qui a d’ores et déjà commencé d’être détruit et qui le serait alors bien davantage.(…) Rester c’est se condamner à des compromissions inévitables (…) »
Alors Heisenberg a-t-il feint de ne pas être en capacité de créer une telle arme pour éviter qu’Hitler s’en empare ?
Aurait-il aimé une Allemagne dotée d’un tel pouvoir sur le monde mais n’en a-t-il simplement pas eu les moyens dans une ère de pénurie ?
Ou simplement tenait-il à continuer sa vie tranquille dans un confort intellectuel et bourgeois comme il en a joui depuis son enfance ?
Le 3 juillet 1945, les Britanniques l’arrêtent avec 9 autres savants engagés dans le programme nucléaire allemand et les mettent au secret dans le confortable cottage de Farm Hall truffé de micros, où ils vont tenir conférence, discuter, jouer du piano, profiter de l’endroit comme d’un lieu de villégiature.
Ils sont à mille lieux de se sentir coupables de quoique ce soit et en fait, ils ne sont coupables de rien sinon faire leur métier de physiciens et faire des découvertes jusqu’au jour où ils apprennent l’horreur survenue au Japon et, hypocritement ? sincèrement ? jalousement ? sont outragés de comprendre qu’une telle arme ait pu voir le jour ou qu’un savant, Oppenheimer en l’occurrence, ait pu remettre le résultat de sa recherche au service d’une armée.
Par le biais d’une recherche érudite tout en s’inspirant de l’autobiographie de Werner Heisenberg, Jérôme Ferrari écrit un roman passionnant avec une plume de qualité qui va poser question sur la fragilité de notre monde sous l’apparence enthousiasmante du progrès aux algorithmes qui nous échappent et à nos constructions éphémères.
« Vous pensiez qu’une cause qui n’est défendue que par la violence, le mensonge et la calomnie fait ainsi l’aveu de sa propre faiblesse, et vous aviez raison —mais vous n’imaginiez pas le pouvoir de la faiblesse, de l’humiliation, du ressentiment et des peurs abjectes. »
Que d'incertitudes...
Très belle écriture qui nous mène sur les traces d'un individu et d'un pan de la seconde guerre mondiale non dénués d’intérêts.
Je m'intéresse aux sciences aussi ! En bonne littéraire que j'étais, ce n'était pourtant pas du tout ma tasse de thé durant mes études. Une certaine moyenne annuelle de 1,5/20 en physique/chimie m'a d'ailleurs valu au lycée ce commentaire du prof : "dépassée par les événements" ! Mais bon, les années passent et la curiosité oeuvre et, aussi incroyable que cela puisse paraître, je suis aujourd'hui piquée de curiosité pour tout ce qui touche à la mécanique quantique, aux particules et autres bozons de Higgs... Qui l'eut cru !!! Soyez rassurés, je ne comprends pas toujours tout, bien au contraire, mais tout cela me fascine au point d'être tout de même un peu attentive à la chose.
Bref, quand j'ai vu que le Goncourt 2012 pour Le sermon sur la chute de Rome avait écrit une biographie sur le physicien Werner Heisenberg, fondateur de la mécanique quantique, inventeur du principe d'Incertitude et prix Nobel de physique en 1932, je me suis dit qu'entre deux romans, cela pouvait m'intéresser (oui parce que ce genre de livre se lit forcément entre deux romans de détente).
Ce fut effectivement une lecture très intéressante du point de vue narratif, l'auteur s'adressant directement au physicien à travers la voix d'un jeune étudiant pour en conter la vie et l'histoire, mais également sur le fond puisque Heisenberg travailla sur les fondamentaux de ses recherches sur fond de seconde guerre mondiale, période sur laquelle porte la majeure partie du livre. On apprend également qu'il fut en désaccord profond avec Einstein sur la question du Principe et l'on est forcément touché et choqué par le récit des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki ainsi que des essais nucléaires dans le Pacifique. En effet, le développement de l'énergie nucléaire fut le coeur de ses recherches, oui mais le nucléaire pacifique. Ainsi, il ne pensait pas que l'arme atomique serait créée et utilisée pour ce funeste dessein... Touché également par l'évocation de l'Holocauste et par le dilemme du physicien : s'exiler afin que ses recherches ne soient pas récupérées par la propagande nazie ou rester pour faire en sorte de limiter les dégâts ?
Une lecture cependant difficile puisqu'il convient de se concentrer pour suivre l'histoire du célèbre physicien, mais un récit passionnant et une belle écriture. Jérôme Ferrari s'est inspiré de l'autobiographie de Werner Heisenberg, La partie et le tout pour retracer la vie du scientifique sous une plume relativement compréhensible pour les béotiens comme moi !
Le titre du récit de Jérôme Ferrari renvoie au principe d’incertitude, défini par le physicien Werner Heisenberg comme l’impossibilité de connaître en même temps la position et la vitesse d’une particule élémentaire. Il est question, dans ce livre, de l’évocation du parcours intellectuel et scientifique du professeur Werner Heisenberg depuis ses jeunes années jusqu'à la période immédiatement postérieure à la deuxième guerre mondiale. Il est ainsi reçu dans les années 20 par Ferdinand von Lindemann à l’Université de Munich, puis par Niels Bohr à l’Université de Göttingen, haut lieu de la science allemande alors .Ce dernier lui révèle le double caractère de sa vocation, celle d’un physicien, et aussi celle d’un poète. L’auteur de l'apostrophe, un jeune philosophe, le met en garde contre l’expression métaphorique des choses : « Mais voyez ce qu’il en est : à s’exprimer par métaphores, on se condamne à l'inexactitude et si l’on se refuse à l’avouer, on prend encore le risque du mensonge. »
Autre constat : la difficulté pour le langage humain d’illustrer des formules et équations mathématiques : « Le principe consista d’abord dans votre conviction que nous n'atteindrons jamais le fond des choses (…) parce que les choses n’ont pas de fond. »
On trouve également dans le texte de Jérôme Ferrari quelques indications sur les querelles et débats entre les physiciens : pourquoi Schrödinger se trompe, pourquoi les propositions d’Einstein méritent d’être prises en considération .Il y a également une réflexion sur la statut du scientifique, son pouvoir, sa légitimité, son degré de conscience de participer à une découverte lourde de conséquences .C’est bien sûr le cas de la nombre nucléaire, à la découverte de laquelle ont été mêlés, de près ou de plus loin, ces savants parmi lesquels Werner Heisenberg .L’un des passages du récit est frappant : en apprenant la mise au point par les Américains de cette arme terrible, les savants, confinés dans un chalet, prisonniers des Alliés, se mettent à pleurer .On ignore la cause de leur chagrin : tristesse véritable ou vanité blessée de n'avoir pas eux-mêmes pu fabriquer cette arme ?
La forme du texte est très réussie :c’est une apostrophe continue, faite d'abord à la première personne du pluriel, puis à la troisième personne de ce même pluriel, pour désigner cette fois le groupe de savants fréquenté par Werner Heisenberg .Il pose de très pertinentes questions sur la science, son pouvoir, sur les intellectuels, leur environnement. L’écriture est très élégante, le style très beau, épuré .Jérôme Ferrari nous introduit brillamment dans l’univers de ce « principe ».
Le principe, dernier roman de Jérome Ferrari, le premier après son prix Goncourt, compte 160 pages.
Découpés en 4 parties - position, vitesse, énergie, temps -, il aborde la vie du physicien allemand Werner Heisenberg au travers des yeux d'un jeune étudiant philosophe.
Les deux premières parties sont bien construites et retracent bien la vie de Heisenberg. On passe de la fascination à l'incompréhension. Héros ou "pire salaup ce Werner Heisenberg"? était la question posée sur l'émission de France Inter durant le Salon du Livre à Jérome Ferrari. A la lecture de cette moitié de livre, on a vraiment du mal à répondre.
Les deux dernières parties sont plus confuses. Si Energie parle de l'après 2ème guerre mondiale et "du sort" des physiciens allemands réservé par les alliés, je n'ai pas compris l'intérêt de Temps.
Tout est beaucoup plus confus dans cette dernière partie et on ne sait pas trop ou Ferrari veut en venir. C'est dommage...
Par contre, le très gros point fort de ce livre est l'écriture. Quelle merveille! Un texte très agréable à lire avec des mots et des tournures de phrases très recherchés. Quel bonheur de lire du subjonctif passé... et pourtant quelle "facilité" de lecture
Les phrases sont mélodiques, parfois poétiques.
Au risque de me répéter, c'est vraiment un plaisir de passer un peu plus de 2h30 à lire la prose de Ferrari.
En conclusion, je dirai qu' à l'instar d'autres lecteurs, j'attendais beaucoup de ce livre dont le sujet était très intéressant. J'ai pris plaisir à le lire mais je regrette le côté confus de la deuxième partie qui me gâche au final mes belles sensations... Je n'ai donc surement pas tout compris...
C'est dommage.
Je note plutôt L'écriture (méritant haut la main la moyenne) plutôt que "l'histoire"
3/5
Les romans de Jérôme Ferrari sont d'une incroyable profondeur. Il faudrait les lires trois ou quatre fois pour en récolter toute les richesses. "Le principe" n'est pas une hagiographie. Encore moins un pamphlet. C'est la mise en perspective des ambiguïtés d'un homme qui a cherché à faire son boulot et à mener une vie bien tranquille. Sauf que son boulot, c'est la physique quantique et avec elle, la possibilité de l'arme nucléaire. Sauf que sa petite vie tranquille, il la mène en Allemagne en 1943. C'est donc une réflexion sur "on a toujours le choix".
La langue de Ferrari est exceptionnellement belle et on se demande comment il réussit à lui faire porter une thématique aussi hermétique.
Des réserves? Le sujet, moins passionnant, moins bouleversant que - à mon humble avis - l'inégalé "où j'ai laissé mon âme".
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