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Dans le monde où vit Jonas, la guerre, la pauvreté, le chômage, le divorce n'existent pas. Les inégalités n'existent pas. la désobéissance et la révolte n'existent pas. L'harmonie règne dans les cellules familiales constituées avec soin par le comité des sages. Les personnes trop âgées, ainsi que les nouveaux-nés inaptes sont "élargis", personne ne sait exactement ce que cela veut dire. Dans la communauté, une seule personne détient véritablement le savoir : c'est le dépositaire de la mémoire. Lui seul sait comment était le monde, des générations plus tôt, quand il y avait encore des animaux, quand l'oeil humain pouvait encore voir les couleurs, quand les gens tombaient amoureux. Dans quelques jours, Jonas aura douze ans. Au cours d'une grande cérémonie, il se verra attribuer, comme tous les enfants de son âge, sa future fonction dans la communauté. Jonas ne sait pas encore qu'il est unique. Un destin extraordinaire l'attend. Un destin qui peut le détruire.
Nous vivons dans une drôle d’époque, où le maitre mot semble être « toujours plus ». Toujours plus de pages, toujours plus de complexité … Les auteurs d’aujourd’hui semblent s’imaginer que pour que leur ouvrage se démarque des autres, ils doivent consacrer cinquante mille ans à peaufiner le moindre détail de leur univers, compilant des centaines de milliards d’informations dans des énormes encyclopédies personnelles, oubliant parfois qu’ils sont supposés offrir au lecteur une histoire et non pas un manuel de worldbuilding. Ils semblent aussi croire que leur roman doit forcément être beaucoup plus gros que celui du voisin, et ils allongent artificiellement le récit en y ajoutant maintes descriptions sans fins, maintes dialogues d’une platitude effroyable, souvent utilisés pour transmettre « subtilement » les centaines de milliards d’informations issues des encyclopédies évoquées plus haut, ne réussissant qu’à donner mal au crâne au lecteur submergé. Au milieu de tout cela, quel bonheur que de se replonger dans des « vieux » ouvrages, des livres publiés avant cette course au « toujours plus », des livres plus sobres mais autrement plus forts !
Jusqu’à aujourd’hui, la vie de Jonas n’a jamais été contrariée par le moindre imprévu. Comme tous les membres de la communauté, il est né d’une mère porteuse, a passé ses premiers mois au Centre nourricier avant d’être confié à une cellule familiale. Comme tous les membres de la communauté, il a reçu une veste boutonnée sur le dedans en devenant un sept-ans, a commencé ses heures de bénévolat en devenant un huit-ans, a reçu son vélo personnel lors de la cérémonie des neuf-ans, s’est fait couper les cheveux avec les autres dix-ans. Et le voici qui s’apprête à devenir un douze-ans : c’est l’étape la plus importante, celle qui marque la fin de l’enfance et le début de l’âge adulte. Car lors de la cérémonie des douze-ans, tous les jeunes de la communauté apprennent à quel poste ils ont été attribués : le Conseil a longuement observé chacun d’eux, a discuté avec leurs instructeurs jusqu’à déterminer quelle responsabilité leur correspondait le mieux. Jonas deviendra-t-il nourricier comme son père ? Travaillera-t-il au Centre de justice comme sa mère ? Quel sera son rôle au sein de la communauté ? Il était prêt à toutes les possibilités … sauf à celle qui eut réellement lieu : le voici choisi pour devenir dépositaire de la mémoire, un poste unique et méconnu qui, parait-il, lui apportera de grandes souffrances et requiert un grand courage …
Au sein de la communauté, la précision du langage est une règle des plus importantes : dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à utiliser le mot juste, le juste mot, pour exprimer leurs pensées, leurs émotions. Ce n’est pas toujours évident : comment faire comprendre à l’autre ce que l’on ressent au plus profond de nous-même ? C’est ma grosse difficulté aujourd’hui : réussir à vous transmettre à quel point ce roman m’a bouleversée, chamboulée, marquée, alors que les mots me semblent bien fades pour le dire avec justesse. C’est en effet un roman d’une puissance rare que nous offre ici l’autrice, un roman d’autant plus puissant qu’il est simple et efficace : il va toujours à l’essentiel sans en rajouter. L’autrice n’a pas voulu être louée pour son imagination débordante lui permettant de décrire dans les moindres détails la symbolique qui se cache derrière l’agencement des parterres de fleurs devant le Centre nourricier, elle a voulu transmettre un message. Et pour cela, rien de mieux que la sobriété. Bien sûr, elle est bien obligée de nous donner quelques informations sur le fonctionnement de la communauté, afin que nous comprenions vraiment le cheminement du jeune Jonas, mais elle n’en fait jamais trop : juste ce qu’il faut pour servir l’histoire, sans jamais l’éclipser.
Et paradoxalement, c’est justement parce qu’elle va à l’essentiel que cet univers est aussi bien campé : c’est parce que le lecteur est en mesure de l’appréhender facilement, sans que l’autrice ait besoin d’en dire beaucoup, que cet univers fait « vrai », réaliste, crédible et authentique. Pas besoin de faire beaucoup d’effort pour imaginer ce futur où toutes souffrances, toutes inégalités, toutes menaces ont été éradiquées. D’une certaine manière, on pourrait presque en rêver, d’un monde sans guerre ni violence, sans famine ni pauvreté, d’un monde où chaque individu est parfaitement égal à son voisin, où les mensonges sont formellement interdits et où chacun participe selon ses aptitudes à la vie commune. D’un monde où toutes sources d’angoisse ou de tristesse ont été éliminées : pas de risques de souffrir d’un divorce difficile, quand les couples sont formés en fonction des affinités de caractère et de personnalité pour garantir un équilibre parfait, pas de risques de faire un burnout quand votre poste a été savamment choisi pour correspondre exactement à ce que vous êtes capables de faire. A vrai dire, aucun membre de la communauté ne sait que tout ceci existe, ou du moins a existé un jour.
Aucun, sauf le dépositaire de la mémoire. C’est-à-dire notre jeune Jonas, qui du haut de ses douze ans s’apprête à endosser la terrible responsabilité de porter sur lui tous les souvenirs de l’humanité, tous ces souvenirs que son mentor, le Passeur, a lui-même reçu de son prédécesseur, qui les tenait lui-même du dépositaire précédent, et ainsi de suite. Jour après jour, le vieux Passeur va tout transmette au jeune Dépositaire. Celui-ci va alors découvrir tout ce qu’on a décidé de supprimer au sein de la communauté : les couleurs, toutes ces nuances de couleurs qui rendent le monde incroyablement plus beau que ces ternes nuances de gris auxquels il était habitué, et les émotions, les sentiments, tout ce qui lui donne le sentiment de vivre pleinement. A travers ces souvenirs, Jonas va découvrir la joie de dévaler une pente enneigée sur une luge, va découvrir le bonheur de fêter son anniversaire tout seul et non pas entouré de quarante-neuf autres jeunes du même groupe d’âge, et il va découvrir l’amour profond et ineffable qui unissait auparavant les membres d’une famille (et non pas d’une cellule familiale constituée par une commission). Mais le jeune Jonas va également découvrir la souffrance, la vraie, pas celle d’une petite égratignure aussitôt soulagée avec un médicament. Il va découvrir l’horreur de la guerre, de la pauvreté, de la cruauté humaine. L’horreur de la mort.
Pauvre enfant ! Et pauvre vieux ! Derrière ce titre éminemment honorifique de « dépositaire de la mémoire », derrière le respect dont tout le monde fait preuve à leur égard par simple respect des règles, c’est le plus horrible des fardeaux qui est le leur. Ils sont les seuls, les deux seuls, à savoir à quel point leur monde est un mensonge, à quel point la vie est bien plus riche que cette existence morne et rassurante, où le mot « liberté » ou « amour » ont été oubliés. Comment connaitre la joie quand on ne connait pas le malheur, quand on n’a en réalité aucun moyen de prendre conscience de notre chance ? Peut-on, doit-on, au nom du bien commun, effacer toute individualité pour éviter la moindre inégalité ? Peut-on, doit-on, au nom du bien commun, effacer tout libre arbitre pour éviter le moindre égarement ? Peut-on, doit-on, au nom du bien commun, tout miser sur la rationalité et le pragmatisme au détriment de l’émotivité et de la spontanéité ? Un monde sans haine, ça fait rêver, mais un monde sans amour, ça fait cauchemarder. C’est un live qui, derrière son apparente simplicité, nous rappelle toute la complexité de la vie, nous rappelle que derrière tout idéalisme se cache d’autres réalités pas toujours rutilantes. Mais ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que contrairement à beaucoup de dystopies actuelles, il n’y a pas d’insurrection violente, pas de soulèvement meurtrier : c’est dans la douceur, la subtilité, que Jonas se dresse contre cette tyrannie qui s’ignore …
En bref, vous l’aurez bien compris, ce fut tout simplement un vrai coup de cœur. Malgré, et peut-être grâce à, sa brièveté, ce récit est d’une puissance indicible : c’est un récit qui vous prend aux tripes, qui vous noue la gorge, qui vous tire les larmes aux yeux, car il résonne profondément en vous par sa simplicité même. Et il résonne douloureusement avec la réalité de notre monde : qu’on le veuille ou non, notre société est de plus en plus « insensible », toute concentrée qu’elle est sur la productivité, la croissance, le profit, le rendement, au détriment de l’épanouissement, du dévouement, des sentiments. Qu’on le veuille ou non, notre existence est déjà contrôlée par une entité extérieure à nous-mêmes : nous ne plions certes pas aux règles d’un Conseil, mais nous suivons aveuglément le « progrès » et les influences des réseaux sociaux, avec une sorte de fatalisme qui justifie notre assentiment (« bah, c’est comme ça maintenant, il faut bien faire avec … oh, j’ai un follower de plus, vite, il faut que je joue avec l’algorithme pour être encore un peu plus célèbre ! »). Qu’on le veuille ou non, la réalité de la mort dépasse toujours un peu plus les jeunes générations, qui n’ont plus conscience de cette réalité à force de « ressusciter » dans leurs jeux vidéo … Sans en avoir l’air, c’est un ouvrage qui parle finalement de notre monde, de notre temps, et qui nous invite, peut-être, comme Jonas, à réfléchir par nous-mêmes et oser changer les choses.
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2021/09/le-passeur-lois-lowry.html
J'ai découvert ce livre dans le cadre d'un challenge de lecture. Je cherchais une dystopie.
On suit un jeune garçon qui vit dans un monde très organisé, avec des rites de passage très marqués.
A priori, rien d'effrayant, un monde bien construit, sécurisant, qui te permet de franchir chaque étape avec progression. Pourtant, pourtant, la vie est elle faite pour passer... ou pour être vécue ...
La douleur, la souffrance, la peur, ne font ils pas, au final, parti intégrante d'une vie pleine ???
Ce livre est très court, il n'utilise aucun artifice complexe, pourtant il est très efficace. Il interroge le monde, notre monde, notre approche de la vie..
Un livre magnifique qui nous présente un monde utopique, peut-être pas si utopique et qui permettra peut-être d'apprécier notre monde et ses imperfections à leur juste valeur.
Le personnage de Jonas est très attachant et permet de s'interroger sur la valeur des choses.
A mettre entre toutes les mains.
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Longtemps terré dans ma bibliothèque, je n'avais pas forcément eu envie d'ouvrir ce petit livre (la couverture ne m'attirait pas tant que ça) mais un piocheur/challenger me l'a suggéré !
Il est vendu dans le rayon jeunesse. Je pense qu'il peut être lu à partir de 12 ans (plus jeune aussi mais n'ayant pas forcément tous les niveaux de compréhension, ce qui serait dommage).
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Encore une dystopie qui fait froid dans le dos, qui fait aussi réfléchir quant à notre futur, notre libre-arbitre surtout.
Ici, l'auteure (spécialisée en lecture jeunesse aux thèmes récurrents tels que la liberté, l'handicap, la mémoire) a imaginé une société totalitariste où les individus sont dénués d'émotions, pris en charge de leur naissance à leur mort , sans aucune prise de choix.
Le héros de 12 ans, intelligent et curieux, découvre petit à petit ce microcosme. Lors d'une cérémonie, il apprend la fonction de son futur métier: il deviendra le dépositaire de la mémoire. Un ancien sage, nommé le Passeur lui restituera petit à petit tout le savoir de la communauté. On apprendra donc que ces habitants ne voient pas la couleur, n'entendent pas la musique, ne connaissent pas le soleil, ni la douleur.
Un fardeau qu'il devra porter seul pour ne pas accabler les citoyens de ce trop-plein d'informations. Mais alors que fera vraiment notre héros?
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Je me suis laissée emporter dans ce rôle d'observatrice, ne connaissant rien du sujet. J'étais avide de suivre le narrateur dans sa découverte de cet univers si bizarre. De me rendre compte en même temps que lui des dérapages, les questionnements sur la vieillesse, sur "l'élargissement" des êtres humains non tolérés (mais où vont-ils?), sur la docilité.
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De format assez court, le récit se dévore d'une traite, avec un étonnement croissant et même fascinée par cette société "qui marche comme sur des roulettes, aux pieds de mouton".
L'écriture est simple et fluide. La fin arrive assez vite et ouvre l'histoire par une suite (d'ailleurs 2 tomes sont déjà édités). J'ai fait le parallèle avec l'histoire de la place des personnes âgées dans la dystopie suédoise dont je vous ai déjà parlé : l'unité de Ninni Holmqvist.
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Je me répète mais ce roman pourrait être lu par les adolescents qui parfois se plaignent de leur manque de liberté. Une réflexion qui amènera donc des questions salutaires.
Un bon support scolaire. Proposez-le à vos élèves, chers Professeurs de français.
Imaginez un monde où les inégalités n'existent pas et où l'on ne sait ce qu'est la désobéissance. Imaginez un monde où l'harmonie règne dans chaque foyer. Impossible me dire-vous ! Mais pour vivre dans une telle société, la suppression des émotions est indispensable. Horreur, criez-vous ! Mais peut-on se sentir prisonnier lorsque l'on a connu que ça ? C'est ce que va découvrir Jonas, 12 ans, après la grande cérémonie présidée par le Comité des sages où ceux-ci attribuent à tous les enfants de cet âge leurs futures fonctions au sein de la communauté. Jonas ignore encore qu'un destin exceptionnel l'attend... A remettre dans toutes les mains, qu'elles soient petites ou grandes, cette dystopie philosophique est tout simplement fascinante et profonde. La douceur narrative de Lois Lowry ajoute pour beaucoup à mon immense coup de cœur pour ce livre surprenant, où le devoir de mémoire est si finement abordé.
Jonas vit dans un monde où les sentiments n'existent pas. Tout comme les couleurs, et même la mort. La notion même d'individu n'a aucun sens dans cette société où tout est organisé selon le Comité des sages. Les hommes et les femmes ne se choisissent pas, mais à leur demande, sont soumis à une étude approfondie avant d'être uni à quelqu'un. Il y va de même pour les enfants après une surveillance accrue du couple pendant trois ans. Ici point de grossesses au sein des familles, mais une vocation de mères porteuses. Aucune filiation, aucune émotion. Les personnes trop âgées et les nouveaux-nés inaptes sont également "élargis" sans que l'on sache exactement ce que cela signifie.
Tandis que chaque année se déroule la Cérémonie des enfants par groupe d'âge, vient le tour des "presque-douze ans" dont fait parti Jonas. Déterminante, cette cérémonie vise à déterminer quel sera le rôle de chacun dans cette communauté. Jonas y est alors désigné comme le nouveau dépositaire de mémoire, place hautement importante, si ce n'est la plus importante. Auprès de l'actuel dépositaire, le jeune garçon va découvrir les souvenirs des générations passées, quand les animaux, la douleur et l'amour existaient encore. Comment réagira notre jeune héros face à cette prise de conscience ?
C'est avec un enthousiasme non dissimulé que je vous conseille la lecture de ce roman jeunesse ! De la maîtrise du scénario à la philosophie qui s'en dégage, Lois Lowry écrit un livre parfait et toujours actuel. Publié en France en 1994, cette dystopie nous entraîne dans une société aseptisée où tout est cadré et surveillé, mais toujours avec une désarmante bienveillance.
Précurseur du genre bien avant Divergente et compagnie, celui-ci se distingue par son calme et sa non-violence, qualité grandement salvatrice dans une époque comme la nôtre... Mais se sont surtout ses thèmes et la façon dont ils sont détaillés qui rendent la dimension dystopique intéressante et pertinente.
En renvoyant Jonas aux souvenirs de l'humanité à travers les yeux du dépositaire, l'auteure nous renvoie à notre propre devoir de mémoire, mais aussi à ces choix qui feront le monde de demain. C'est avec clairvoyance que notre humanité apparaît comme le bien le plus précieux. Au côté de Jonas, nous redécouvrons les petits et grands bonheurs comme sentir le vent frôler notre visage ou encore le picotement du froid et de la neige. Mais si bien-être il y a, la douleur n'est jamais loin, indispensable complémentarité à l'équilibre de l'homme.
Critique d'une société où se répand l'uniformisation, c'est avec une sincérité et une simplicité dans l'écriture que Lois Lowry réussit à faire transpirer la candeur enfantine pour révéler l'essentiel. Coup de cœur fatal !
Premier tome, sans le savoir, d'une tétralogie, j'ai hâte de retrouver l'univers de la romancière ! Ne me reste plus qu'à visionner l'adaptation ciné du dit roman qui, apparemment, n'est pas terrible...
http://bookncook.over-blog.com/2019/09/mercredi-jeunesse-le-passeur-lois-lowry.html
Ce livre appartient à la catégorie lecture jeunesse et dystopie; je n'aurais jamais lu ce livre, adulte bien avancée dans la vie et peu intéressée par la littérature de l'imaginaire si je n'avais voulu aider mon petit-fils qui a eu cet ouvrage au programme de 3ème.
Ce roman d'anticipation a le mérite de pouvoir être lu aussi bien par des adolescents que par des adultes car il permet des niveaux de lecture différents.
Pour l'adulte que je suis, il est glaçant même s'il se termine sur l'espoir d'échapper à une société qui contrôle entièrement les êtres humains qui la composent au point d'en faire des robots sans âme; c'est une allégorie de ce que pourraient devenir nos sociétés dans le futur si nous laissons nos libertés être contrôlées par des entités anonymes (voir l'actualité avec, entre autres, le scandale des vols de données personnelles par Facebook). On n'en est heureusement pas arrivé à la société dépersonnalisée décrite par l'auteur dans laquelle c'est un comité de Sages qui choisit votre conjoint, ce sont des mères porteuses dont c'est le métier qui portent les bébés qui sont ensuite attribués aux couples par le comité en fonction de critères précis et soigneusement élaborés à raison d'un garçon et d'une fille, toutes les actions individuelles sont réglées et contrôlées, un haut parleur dans la ville et dans chaque maison avertit, morigène, donne des directives. Les personnes âgées ou qui n'acceptent pas le carcan sont "élargies" et tout le monde pense qu'elles sont parties dans une autre communauté où elles seront heureuses.
Afin d'assurer un contrôle total de la société, tous les souvenirs ont été effacés et un seul homme, le passeur en est dépositaire afin de conseiller le comité dans ses décisions; avec cet effacement, ont disparu les sensations de bonheur, douleur, amour, rendant la vie de chacun aseptisée et seul le passeur peut les ressentir. Un enfant, Jonas, 12 ans, a été choisi pour prendre la relève ; il va recevoir chacun des souvenirs effacés, les heureux comme les douloureux ; chaque souvenir transmis allège le vieux passeur et alourdit l'enfant ; sa conscience va s'éveiller en même temps que les souvenirs passent du vieil homme épuisé à lui et avec elle, les doutes sur le fonctionnement de la société.
Le catalyseur viendra du bébé confié à son père afin que celui-ci s'assure qu'il sera apte à la vie dans la communauté ; ce n'est pas le cas donc il est décidé que le bébé sera « élargi » ; Jonas sait maintenant ce que ce terme recouvre, il s'est attaché au bébé au fur et à mesure qu'il absorbait les sentiments gommés ; il décide de se sauver avec le bébé pour trouver une communauté qui les accueille.
Le personnage du passeur montre que les souvenirs, les sentiments sont indispensables puisque même un type de société tel que décrit doit les préserver afin de s'en inspirer ; ce qui nous rend humain et non des robots, c'est la somme des bonheurs et des douleurs qui nous alourdissent mais nous grandissent aussi. Ils nous permettent d'exercer notre libre arbitre même si le chemin n'est pas parsemé de pétales de rose. Notre liberté, c'est avoir le choix fondé sur l'expérience acquise, qu'elle soit individuelle ou collective.
Une belle réflexion autour d'une histoire agréable à lire et difficile à lâcher.
chronique : http://leschroniquesdenounett.blogspot.com/2014/11/le-passeur-lois-lowry-un-roman.html
L'auteur a su créé un monde en contre-utopie/ une dystopie.
D'ailleurs ce fut la première dystopie du genre en littérature jeunesse. La première dystopie est 1984 de George ORWELL.
Cet univers est assez détaillé, mais pas trop non plus. En effet, cette communauté a un fonctionnement particulier, c'est une société bien organisée, où chaque individu a sa place et où l'émotion et les sentiments n'existent pas.
Le rythme du roman est prenant, et on est happé par l'évolution du personnage principal au milieu des autres individus qui ne changent pas. Le contraste est assez frappant. Son évolution se distingue de la stagnation des autres personnages. Nous ressentons les émotions de Jonas, ses peurs... Au fil de ses découvertes, et de l'évolution de sa soif de découverte il devient touchant et attachant, même s'il l'est dès le début du roman, on s'y attache de plus en plus. Plus le roman avance et plus le rythme est accéléré et ce jusqu'à la fin.
Cependant, la fin nous laisse sur notre faim... Elle est tournée de telle façon à laisser place à la réflexion sur ce qui en découle... C'est laissé à la libre interprétation.
Sur la dystopie en elle-même, je trouve qu'elle nous amène à une certaine réflexion sur les conséquences que pourraient avoir le fait de gommer les différences de chaque individu. En effet, dans cette communauté, tous les individus sont identiques, d'ailleurs les couleurs n'existent plus, justement pour éviter les sentiments tels que la jalousie, l'envie, l'amour... qui, selon cette dystopie, ne font que amener les êtres humains à se haïr, et à s'entre-tuer.
Mais, justement dans ce roman, il s'agit de voir à quoi cela peut conduire de gommer ces différents : une vie monotone, sans folies, sans saveurs.... est-ce vraiment ce que nous voulons vraiment?
Ce roman a fait l'objet de polémique sur le fait qu'il était destiné à la littérature jeunesse. Certains jugeaient que ce n'était pas approprié car les enfants ne pourraient pas en comprendre la portée.
Le Fils, du même auteur, est apparemment la suite du roman.
Une des plus belles dystopies que j'ai pu lire. Intelligente, douce, avec une écriture fine qui nous questionne plus qu'elle ne nous impose. On suit le cheminement de Jonas qui va à la fois apprendre le monde qui l'entoure mais aussi le questionner et le remettre en question. Sa découverte des émotions, de la douleur, notamment grâce à l'apprentissage des couleurs est très originale et j'ai vraiment passé un très bon moment lors de cette lecture que je conseille désormais à tout le monde !
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Lu récemment également, j'ai été subjugué par la qualité de ce roman. Je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut l'intégrer aux lectures scolaires !