"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
S'il est une vertu que certains se vantent d'avoir perdue, c'est bien la pudeur. Manifestement, notre monde multiplie les images brutales et l'exhibition des corps. Pourtant, avant de conclure à la disparition de la pudeur, avant d'en déplorer la perte, méfions-nous des apparences. Il s'agit en effet d'une vertu discrète : alors que les phénomènes liés à la "libération des moeurs" sont visibles pour ne pas dire ostensibles, la pudeur, muette et secrète, par essence se dissimule. Ambivalente, elle est fondée sur une hésitation ; une oscillation entre les deux pôles de la puissance et de la faiblesse ; elle s'étend de la réserve délibérée à la réticence panique, du laconisme de l'émotion au malaise du mutisme. Commune aux hommes et aux femmes, la pudeur va de pair avec la vulnérabilité. Au-delà de la nudité des corps, qui est comme son centre de gravité, la dissimulation pudique s'étend à toute une série de désirs, de dégoûts, d'appétits ; de sentiments que l'être pudique cachera précisément parce qu'il y tient. Cette dissimulation pudique du corps, des attachements, des émotions, n'est pas une tromperie mais une sorte d'égard. Quelle vie psychique et sociale serait concevable sans cette disposition que Joubert appelait si justement "tact de l'âme" ?
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