"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Vous avez été notre chanteuse d'avant-hiver. Après vous il ne nous reste que le chemin du retour. Maudit chemin du retour. Même longtemps après minuit. Même vers mon hangar à bateaux au bord du fleuve. Mes parents étaient des Indiens. Ah si j'étais un Indien. Si j'étais un Indien, je saurais où aller, matin comme soir, jour comme nuit. Seulement mes parents sont morts. Et les Indiens sont dans un autre pays. Et tous les Indiens sont morts.» La voix de la cantatrice ne cesse de résonner lorsqu'elle descend de scène. Elle part rejoindre à grands pas une région chère à son passé, «le coin mort». Parmi tous les émigrants, elle ne peut qu'avancer vers l'horizon sombre qui l'attire. Cette cité à la nudité saline, peuplée de réfugiés du monde entier, est construite autour de Kali, une mine de potasse. La Troisième guerre mondiale fait rage, et c'est au milieu de cet absurde enfer sans diable que la chanteuse tente de retrouver un enfant disparu. Mais lorsque l'homme vit sous terre, loin du ciel qu'il méprise, lorsqu'il ne veut plus voler ni même rêver, il reste bien peu des quêtes et de l'amour... Peter Handke nous emporte dans une errance extraordinaire avec, pour simple guide, une voix à l'ambiguë lucidité. Voyage aux contrastes déroutants, la lumière n'a plus de légitimité dans ce parcours chaotique où la langue et les sons se tordent pour explorer à tâtons un monde qui ensevelit. Et étouffe.
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