"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'Amérique de 1934 est plongée dans la Grande Dépression. Souhaitant réunir un autre type d'informations que celles récoltées par les fonctionnaires de l'administration, Harry Hopkins, proche de Roosevelt et directeur de la FERA (Federal Emergency Relief Administration) constitue une équipe de seize « enquêteurs », composée pour l'essentiel d'écrivains et de journalistes, et confie à chacun d'entre eux une région du pays particulièrement touchée par la crise. Martha Gellhorn, la plus jeune du groupe, est envoyée en Caroline du Nord, dans les villes ruinées par la fermeture des usines textiles. Des semaines durant, confrontée à la misère et au désespoir de la population, elle accumule des dizaines d'interviews, visite villes et bidonvilles, enregistre tout ce qu'elle voit et tout ce qu'on lui raconte.
La matière de ses rapports pour la FERA nourrit quatre novellas réunies sous le titre anglais de The Trouble I've Seen, emprunté au célèbre negro-spiritual éponyme. Martha y suit le destin de cinq personnages, à l'existence brisée par la crise : Mme Maddison, admiratrice du président Roosevelt, prend part à un programme de réhabilitation rurale contre l'avis de ses enfants ; Joe et Pete, ouvriers et syndicalistes, perdent leur emploi après avoir participé à une grève visant à améliorer les conditions de travail ; Jim, jeune homme ayant fini par trouver un poste, en vient à voler son employeur afin que la femme qu'il aime et lui puissent être convenablement vêtus lors de leur mariage ; Ruby, une petite fille de onze ans, rejoint un groupe de jeunes prostituées dans le seul but de s'acheter des bonbons et des patins à roulettes.
Le livre appartient au rayon de la fiction, mais son contenu, tout ce qui en fait la chair, relève du reportage. Il parut en 1936 aux États-Unis et en Angleterre, et fut salué par une critique élogieuse. « Je tiens Martha Gellhorn pour un écrivain véritablement remarquable », écrit H. G. Wells dans la préface.
Martha ♥️
Celle qui fut correspondante de guerre, qui couvrit presque tous les conflits majeurs, de la guerre civile espagnole à l'invasion américaine du Panama en 1989, celle qui fut la seule femme aux côtés des 157 000 hommes à débarquer le 6 juin 1944 en Normandie, voulait qu'on se souvienne d'elle en tant que romancière. Pour la plupart des gens, elle est connue pour avoir été l'une des quatre épouses d'Hemingway... Or, Martha Gellhorn n'est pas une note de bas de page dans la biographie de quelqu'un d'autre, elle est l'une des grandes figures féminines du 20ème siècle.
« J'ai vu la misère », publié en 1936, est son premier livre, composé de quatre nouvelles, lestées d'une évidente valeur documentaire. Chaque histoire résulte de l'observation directe de Martha Gellhorn des ravages la Grande Dépression. Sur la base des rapports qu'elle transmettait à l'administration Roosevelt en tant que jeune journaliste de terrain, elle a construit des fictions qui donnent un visage et des prénoms à ceux qui furent les victimes de ces années noires. Compatissante mais surement pas larmoyante, Gellhorn raconte la pauvreté écrasante, la faim, le chômage, le désespoir et la honte de devoir faire appel à l'aide sociale. « Ruby » est sans doute la nouvelle la plus bouleversante de ce recueil ; l'histoire de cette fille rêveuse de 11 ans prête à tout pour s'offrir des patins à roulettes.
D'une écriture directe et vive, Martha Gellhorn se fait la porte-parole de ces gens ordinaires, elle leur rend dignité, humanité et dessine avec sobriété le portrait d'une Amérique déclassée. Un recueil remarquable qui fît entendre pour la première fois la voix de cette femme exceptionnelle.
Traduction de Denise Geneix, révisée par l'éditeur.
Récit émouvant et bien documenté de plusieurs familles de l'Amérique en crise dans les années 30.
EXTRAITS:
« Assises sur le perron, les vieilles felles se reposaient de l’effort d’avoir vécu une autre journée ».
« Le danger était passé, elle était sortie d’embarras. Elle contempla ses mains et comprit combien elle était vieille. Qu’importe. Elle avait triomphé. Jusqu’au lendemain. Jusqu’à la prochaine difficulté ».
« Elle étit trop lasse pour discuter. A quoi bon, d’ailleurs ? On n’a qu’un certain nombre de raisons pour vivre, alors quand on les a perdue… ».
« Il tuait le temps grâce au sommeil ; le reste de la journée il lisait, silencieux, le front plissé par la concentration. Lorsqu’il se mit à faire froid il lisait des livres sur les pays chauds. Des livres de voyage. Dans ces contrées lointaines, les hommes se laissaient surprendre par des évènements étranges, très éloignés de leur civilisation ».
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