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Inspiré d'une histoire vraie, celle des frères Homer et Langley Collyer - les célèbres ermites new-yorkais décédés en 1947 -, un roman qui narre à travers deux personnages délirants l'épopée du matérialisme, mais aussi de la solitude américaine. Un insolite portrait de la condition humaine entre romantisme et psychose.
"Coupés du monde par la richesse héritée de leur famille, les deux frères prennent de l'âge sans pour autant gagner en maturité ( .) Le mérite de Doctorow est d'avoir fait de ses insolites héros des figures représentatives de leur temps. C'est ainsi qu'Homer revêt les habits d'un homme romantique, pianiste de talent. Quant au psychotique Langley, il devient un Diogène moderne, ou un prophète tout droit sorti de l'Ancien Testament, dont le cynisme évoque les dernières années amères de l'écrivain le plus populaire d'Amérique : Mark Twain." Joyce Carol OATES Ce roman s'inspire d'une histoire vraie, celle des frères Homer et Langley Collyer, les célèbres ermites new-yorkais. Cependant, avec Homer & Langley, E. L. Doctorow signe non pas une double biographie, mais un roman, lequel n'hésite pas à prendre, avec la vérité, toutes les libertés requises.
Le récit débute à la fin du XIXe siècle, au sein d'une riche famille new-yorkaise. Fils du gynécologue Herman Livingstone Collyer et de son épouse Susie, Homer et Langley héritent des biens familiaux au décès de leurs parents, emportés par la grippe espagnole, à la fin des années 1920.
Langley, frais émoulu de l'université, part pour les Ardennes. Lorsqu'il revient de la guerre après avoir été aspergé de gaz moutarde (épreuve dont les effets ne vont pas tarder à se manifester), il découvre d'une part que son frère Homer a pratiquement perdu la vue en son absence, et entreprend, d'autre part, de fonder un journal d'un genre nouveau : le journal intemporel, d'une parfaite exhaustivité et d'une éternelle actualité. Pour cela, il lit chaque jour tous les journaux, ne retenant que les faits importants à ses yeux, affichés sous forme de coupures de presse sur tous les murs de leur demeure new-yorkaise de la Cinquième Avenue. Langley collectionne également toutes sortes d'objets, qui s'accumulent de manière chaotique (il finira, du reste, écrasé par l'une des piles d'objets en question) cependant que son frère, à demi-aveugle et bientôt sourd, va tomber sous sa coupe et servir son délire.
Doctorow fait mourir les deux frères dans les années 1970 (alors qu'ils sont décédés en 1947), à l'évidence pour mieux embrasser le siècle. S'ouvrant sur la phrase : "Je suis Homer, le frère aveugle", le roman a, en effet, tout de l'épopée - celle du matérialisme, mais aussi de la solitude américaine. Le précédent grand roman de Doctorow, La Marche (éditions de L'Olivier, 2007), racontait la guerre de Sécession et brassait l'Histoire. L'épopée que s'attache à retracer Homer & Langley relève davantage du registre de l'intime, elle est racontée "de l'intérieur", du point de vue de deux reclus volontaires, fermés au monde, dont la délirante forteresse se voit cependant assiégée par les événements du dehors (guerres, mouvements politiques, avancées technologiques) aussi bien que par les acteurs de la comédie humaine séculière (immigrants, prostituées, femmes de la haute société, agents du gouvernement, gangsters ou musiciens de jazz), de sorte que le monde marginal et minuscule que les deux frères se sont inventés se voit contraint de prendre, peu à peu, les dimensions d'une odyssée, traversée de mille périls contre lesquels luttent des protagonistes délirants pour survivre en élaborant leur code personnel d'interprétation de l'existence.
A la fin du roman, Homer, à présent sourd, écrit en braille sur une machine à écrire ce qui deviendra le livre : "Parfois, ma conscience m'est insupportable. Elle est désormais seule face à elle-même. Les images des choses ne sont pas les choses. Je suis éveillé, mais je ne fais plus qu'un avec mes rêves. Seules ma machine à écrire, ma table, ma chaise me donnent encore l'assurance qu'il existe un monde solide, où des objets occupent l'espace, où tout n'est pas qu'un vide infini de pensées sans substance qui se mordent la queue. Mes souvenirs s'effacent à mesure que je tente de les dominer. Ils prennent une tournure fantomatique. Ma plus grande peur est de les perdre complètement et de ne plus habiter qu'un esprit vide." Avec ces deux frères victimes de leur propre personnalité dont il romance l'histoire, parvenant ainsi à humaniser deux personnalités jusqu'alors tournées en dérision, Doctorow compose au fil des pages un fascinant éloge de la folie où le lecteur rencontrera cette maturité, cette aisance et ce souffle qui sont l'apanage des plus grands écrivains américains, et qui le place dans la lignée d'un Saul Bellow ou d'un Philip Roth.
Dans Homer & Langley Doctorow dépeint avec talent et noirceur l'aveuglement du vieux vingtième siècle états-uniens. Un roman assez bref où il poursuit sa réflexion sur nos perceptions cérébrales et nos capacités à totalement nous y enfermer.
https://viduite.wordpress.com/2017/03/29/homer-langley-e-l-doctorow
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