"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
" Insister sur les difficultés de l'entreprise biographique paraît, dans le cas de Nerval, relever du paradoxe, quand on sait qu'il a laissé de très nombreux ouvrages à caractère autobiographique.On se gardera de l'oublier: autant que ses biographes, Nerval est lui-même à la recherche de son identité. Les informations qu'il nous livre sur sa vie ne doivent, certes, point être rejetées. Mais le biographe les utilisera avec prudence, s'attachera, autant que faire se peut, à les vérifier et proposera ainsi à l'exégète des pistes fécondes.De la fascination biographique qu'exerce son oeuvre, Nerval a, dans Promenades et Souvenirs, donc à la fin de sa vie, donné une explication: " Je suis du nombre des écrivains dont la vie tient intimement aux ouvrages qui les ont fait connaître. " Ainsi, il y aurait deux biographies à écrire. L'une ne tiendrait compte que des faits; or les faits avérés sont rares et s'inscrivent dans une chronologie rudimentaire. L'autre utiliserait les oeuvres en tant qu'elles reflètent les rêves, ce qui autorise toutes les divagations. Nerval était lui-même conscient de sa double vie. A Strasbourg, avant sa dernière équipée en Allemagne, il prend connaissance de sa biographie par Eugène de Mirecourt, qui le traite " en héros de roman ": " On ne peut _ écrit-il à son père _ empêcher les gens de parler et c'est ainsi que s'écrit l'histoire, ce qui prouve que j'ai bien fait de mettre à part ma vie poétique et ma vie réelle. " Voilà qui était de nature à réjouir Proust, au reste le premier interprète intelligent et sensible de l'oeuvre de Nerval. Et voilà qui ramène à la modestie le biographe qui se veut véridique.Chercher à suggérer cette " vie poétique " en l'inscrivant prudemment dans la " vie réelle ", si mal connue, telle est notre tâche. On en jugera mieux la difficulté à la lueur de remarques choisies au hasard et nées de la lecture de l'oeuvre comme de textes environnants. "Claude Pichois est connu pour ses éditions de Baudelaire et de Colette dans la " Bibliothèque de la Pléiade ", et ses travaux sur ces écrivains, le romantisme et la littérature comparée. Avec Jean Guillaume il a dirigé dans la même " Bibliothèque " la première édition des OEuvres complètes de Gérard de Nerval, trois volumes publiés de 1984 à 1993. L'un des principaux collaborateurs de cet ouvrage est Michel Brix, chercheur au Centre de recherches Nerval des Facultés universitaires de Namur, auteur d'un Nerval journaliste (1986) qui a décapé l'oeuvre des textes qu'on y avait ajoutés au vu de faibles indices ou de fausses indications.
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