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À la différence des autres pratiques chamaniques répandues dans le monde, les chamanes yi, appelés "bimo" ou « maîtres de la psalmodie », opèrent par le moyen de manuscrits. « Comme le sel, je suis le cours de l'eau » est un vers rédigé dans leur écriture secrète. Il fait référence aux voyages qu'ils entreprennent dans le cosmos à l'occasion d'un culte territorial villageois, "midje", célébré afin d'ordonnancer l'univers. À l'image du sel qui se dissout dans l'eau et se laisse porter au gré des courants, les chamanes pénètrent dans une strate peuplée d'esprits et d'ancêtres dont le contentement conditionne le bien-être des vivants. La population de cette société « à moitiés » est associée à ce sacrifice lié au pouvoir local, qui exprime la vision politique de l'ethnie. Que donne à comprendre le caractère communautaire de ce protocole religieux et à quelle cosmogonie renvoie-t-il? En quoi consiste cette écriture chamanique et comment s'est-elle transmise au cours des siècles? L'auteur propose de répondre à ces questions en tenant compte des changements sociaux qui affectent la population yi, minorité établie au Yunnan, en Chine : elle s'interroge en particulier sur la dynamique contemporaine mettant en relation la religion et l'écriture avec le pouvoir dominant. Car soucieux de maintenir sa tutelle sur les pouvoirs locaux, l'État chinois s'engage dans un processus d'uniformisation et de laïcisation de l'écriture rituelle qui bouleverse les fondements politico-religieux de l'ethnie.
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