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Le livre s'ouvre avec le verbe « Accueillir » et, tout de suite, le ton de ces « Entretiens de Celleneuve » est donné. Accompagné par l'homme de théâtre, Olivier Arnéra, Christiane Strohl entre en scène comme elle ouvrait la porte de son cabinet pour accueillir chacune, chacun, dans son être singulier. De verbe en verbe, le lecteur découvre son "penser" de la psychanalyse, les rencontres essentielles qui en balisent le chemin, entre une naissance « à l'ombre de l'église St Nicolas à Strasbourg » - comme elle aimait à dire - et un dernier souffle rendu à Aix-en-Provence quelques quatre-vingt-dix-huit ans plus tard. Parmi ces rencontres, citons le Dr Lambourne à Cambridge qui lui fait découvrir la psychanalyse. Elle a alors trente ans. Puis le Dr Lacan à Paris dont elle découvre le Séminaire et s'y engage, l'amitié de Jean Oury à La Borde et, en particulier, l'élève direct de Freud, le Dr Sarasin à Bâle. Avec le verbe « Aimer », l'éros de Freud qui « aspire à l'union et à la suppression des frontières spatiales entre moi et l'objet aimé », se concilie avec la poésie du Cantique des Cantiques, un des plus beaux poèmes de la Bible où l'on retrouve un autre de ces grands récits, avec l'histoire de Job repris dans l'approche du verbe « Consoler ». Le choix de certains verbes, têtes de chapitres, pourrait faire penser au retour à ses fonctions pastorales, exercées au sortir de la guerre 1939-45. De manière constante et subtile, Christiane Strohl y maintient son penser de la psychanalyse. Ainsi le verbe « Bénir » reprend l'expression lacanienne d'un « Bien dire », le verbe « Croire » donne tout son sens aux « castrations » qui s'écrivent au pluriel (réelle, imaginaire, symbolique) et ne se traversent que de l'Autre de la parole et du langage. Et si le verbe « Protester » taquine ses références protestantes, elle ne manque pas de souligner, avec Freud, le caractère infantile de bien des convictions exprimées avec tant de fougue. Le long dialogue du verbe « Aimer » déjà cité, sera l'occasion de reprendre le sens de certaines formules proférées par Jacques Lacan, comme la célèbre « il n'y a pas de rapport sexuel », non pour l'annuler mais pour en déployer le sens. Présente au premier de ses Séminaires dont elle complètera quelques séances non publiées, Christiane Strohl retrouve alors toute la vigueur et le tranchant du verbe de Lacan pour parler d'amour. Puis, avec la témérité de l'âge avancé et la solidité d'une formation théologique, elle ose conclure ce verbe en proposant de vivre la rencontre sexuelle comme un « sacrement » : « signe visible d'une dimension invisible ». D'autres formules de ce genre font notre bonheur de lecteur. Celle, par exemple, qui conclut le verbe « Incarner » : « Celui qui n'est pas prêt à conjuguer le verbe souffrir ne devrait pas essayer de conjuguer le verbe aimer. » On l'aura compris, il faut parfois de la patience pour retrouver, à travers les méandres qui font aussi le charme de la conversation, la précision des concepts qui balisent l'histoire de la psychanalyse depuis Freud. Avec la référence, et un attachement particulier aux « Trois essais sur la Théories de la sexualité », à l'occasion du verbe « Parler », Christiane Strohl explore la manière dont la parole peut se perdre dans les pulsions partielles. Pour elle comme pour nous, la pulsion est orale, anale ou urétrale, parfois clitoridienne, scopique (avec le verbe « Voir » qui conclut la série des verbes) mais aussi épistémologique. Le dialogue du verbe « Conjuguer » sera l'occasion de donner une direction toute personnelle à formule fondamentale de Freud : « Wo es war, soll Ich werden », qu'elle traduit par : « Là où il y a ce bouillonnement pulsionnel, cette timidité pulsionnelle, cette gêne pulsionnelle, je suis appelé à me situer comme sujet, dans la rencontre ». Et elle ajoute : « Lacan n'a pas cessé d'essayer de retraduire cette formule avec un génie bien français, pour y revenir souvent. » Et c'est avec le verbe « Restaurer » qu'elle affine sa « boîte à outils »
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