"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un soir de 1946, Alan Lomax, inlassable collecteur de musique populaire, réunit dans un studio d'enregistrement new-yorkais trois légendes noires du Blues, loin du sud ségrégué dont ils sont originaires. Il leur pose une question aussi simple que profonde : D'où vient le blues ?. Les trois hommes, dont l'anonymat fut préservé jusqu'à leur mort par crainte des représailles, profitent de cet instant de répit pour raconter sans retenue le monde qui enfanta leur musique amère et salvatrice : l'esclavage prétendument aboli ; la solitude, la misère, l'errance, la peur, l'espoir d'une vie meilleure. Le Blues par ceux qui l'ont vécu. Des échanges rares qui n'ont rien perdu de leur force, proposés ici en version bilingue.
Ce livre est un bouquet d'émotions qui m'a laissée pantelante. Il prend la forme d'une enquête ethnologique sur l'origine du blues dont le coeur est une conversation en 1947 à New-York des 3 plus grands bluesmens noirs américains de l'époque : Big Bill Broonzy, Sonny Boy Williamson et Memphis Slim. Il n'y a pas de CD dans le livre mais un lien de téléchargement permet d'écouter la discographie.
C'est un bel ouvrage de très haute envergure par ses informations historiques, sociales et musicales. Il est aussi varié dans sa présentation avec des intervenants différents.
J'ai apprécié de lire l'avant-propos de Sebastian Danchin qui contextualise le récit du livre. Puis vient la présentation du CD de l'enregistrement en 1990 par l'ethnomusicologue Alan Lomax et l'initiateur de la rencontre (dont l'anonymat des 3 chanteurs sera levé à leur mort).
A la fin du livre, on trouve une analyse éclairée de Manu Baudez sur l'entretien en lui-même et sur le blues, son rythme, sa métrique et ses liens avec d'autres formes du genre, les work songs, spirituals, field hollers et le blues du loin, des trains de marchandises.
J'ai été sensible à la transcription textuelle qui colle peau à peau avec le dialogue des trois amis musiciens. La tension de la conversation dans une Amérique ségrégationniste se traduit par des silences en points de suspension, une didascalie en forme d'expression et des phrases non finies. Chanson lancinante qui se répète dans une danse obsessionnelle. Tout ceci est terriblement proche surtout dans une actualité choquante.
La traduction de la conversation en vis en vis, ligne par ligne est très soignée. J'ai vraiment apprécié de lire les chansons dans leur langue d'origine pour être en accord avec le rythme, la répétition et la syncopée entêtante.
C'est un véritable bonheur et en même temps une immense tristesse de s'immerger dans la vie de Bill Broonzy, Sonny Boy et Memphis Slim à travers leurs jeunes souvenirs.
Ils chantent le blues parce qu'ils l'ont vécu, une histoire de labeur et de sueur sur les digues et les champs, l'histoire du Sud profond dont la nouvelle frontière est le Mississippi de 1900, l'histoire jamais oubliée de l'esclavage.
J'ai été émue par le fait qu'ils ne connaissaient pas leur année de naissance.
Le blues, c'est un trésor caché fait de rêveries et de complaintes solitaires.
Chanter le blues, c'est puiser la force de vivre en ouvrant les vannes aux flots de la parole et la laisser s'échapper.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !