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Jean-Denis Bredin Bernard Lazare Que sait-on de Bernard Lazare ? Qu'il s'engagea dans le combat pour la réhabilitation de Dreyfus dès 1895, quand le déporté de l'île du Diable était seul ou presque, qu'il fut le premier intellectuel qui se mobilisa, celui qui proclama fièrement : « Je veux qu'on dise que le premier j'ai parlé, que le premier qui se leva pour le Juif martyr fut un Juif » ? Qu'il fut, quelques années plus tard, aux côtés de Theodor Herzl, un combattant du nationalisme juif, puis qu'il s'écarta de lui, et qu'alors il poursuivit seul son infatigable combat pour les Juifs persécutés d'Europe, pour qu'ils devinssent, un jour, un peuple d'hommes, d'hommes libres, d'hommes justes, un peuple redressé oe Que sait-on encore ? Qu'il fut un journaliste inépuisable, ne cessant de fustiger les préjugés, les injustices, la médiocrité ? Qu'il écrivit plusieurs livres aujourd'hui à peu près oubliés ? Et aussi qu'il fut l'auteur d'un ouvrage sur l'antisémitisme publié à la veille de l'affaire Dreyfus, où les antisémites n'ont cessé de chercher des arguments ? Enfin, qu'épuisé par les combats, par les passions, par un effrayant surmenage du corps et de l'esprit, il fut dévoré par le cancer, alors qu'il n'avait que trente-huit ans, et qu'il mourut en 1903 très pauvre et solitaire ? Et encore que Péguy, l'ami de la dernière année, a décrit dans Notre jeunesse l'agonie de son cher Lazare, ce prophète, ce martyr : « Je le vois encore dans son lit, cet athée ruisselant de la parole de Dieu... J'ai encore sur moi, dans mes yeux, l'éternelle bonté de ce regard infiniment doux... » On cherchera dans ce livre non une image rêvée de Bernard Lazare, ni bien sûr les traits d'une caricature, mais simplement, s'il se peut, sa vérité. On tentera de lui restituer, loin des écrits qui le sanctifient et de ceux qui l'accusent, ou l'exploitent, son vrai visage et sa place en son temps, en lui laissant l'honneur de ses contradictions, de ses faiblesses, et aussi son étrangeté. Non seulement parce que sa grandeur est faite de son humanité. Mais aussi parce qu'il a, tout au long de sa vie, revendiqué et respecté le devoir de vérité. L'une des manières, un siècle après les premiers combats de Bernard Lazare, de lui être fidèle, c'est sans doute d'essayer de parler vrai.
J.-D. B.
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